Ile Maurice: Centenaire - Mieux connaître l'histoire de l'hôpital Candos

Le nom provient d'un fonctionnaire normand, François Nicolas Beaulard (ou Boulard) de Candos, né vers 1700. La colline faisant face à l'hôpital Victoria, qui célèbre ses 100 ans, porte son nom.

Le gouverneur Hesketh Joudou-Bell a inauguré l'établissement le 6 juillet 1922. Son premier surintendant médical, le Dr Lucien de Chazal, était un célibataire aussi endurci que son frère, Malcolm, et son neveu, Henri Souchon...

La Ministers Broadcasting Corporation nous a récemment rappelé l'essentiel à propos de l'hôpital de Candos, à savoir qu'il compte désormais 100 ans d'âge. Peut-être même seulement 100 ans. Le pensions-nous plus âgé ? Elle s'appesantit surtout sur l'information peut-être capitale à ses yeux mais nous laissant de marbre. Qui vous savez préside ce centenaire. Sans lui, nous n'aurions peut-être rien su des 100 ans de notre hosto le plus victorien. Cette présidence, tellement sacrée aux yeux de certains, nous vaut un énième prétexte à un nouveau déversement de bile sur détracteurs en nombre croissant. Plus triste qu'un poète maudit, tout rejeton dont l'ombre paternelle assombrit à jamais tout resplendissement personnel et que pléthores de thuriféraires encensent maladroitement, le rendant encore plus odieux.

Qui est françois Nicolas Beaulard de Candos ?

D'abord, l'origine du nom de l'hôpital Candos. Il s'agit d'un fonctionnaire normand, François Nicolas Beaulard (ou Boulard, selon Bonnefoy) de Candos, né vers 1700, fils d'un notaire, Nicolas Beaulard. Il arrive à Maurice en 1729. Le 1er octobre suivant, il s'associe au capitaine de vaisseau, Jacques de Morellet, pour cultiver du café sur deux concessions que le Conseil Provincial, l'autorité administrative alors suprême, leur octroie à Moka et aux Plaines-Wilhems (auxquelles sont alors rattachées les terres du futur district de Rivière-Noire). Il obtient aussi, au Port-Louis, deux autres concessions occupées précédemment par Urbain Macaque et par Jean Louis Bourceret de Saint-Jean (peut-être l'origine du quartier "Saint-Jean" aux Quatre-Bornes).

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Beaulard de Candos passe ensuite à Bourbon pour y développer l'indigo. Le 14 janvier 1744, il épouse, à Saint-Denis, Suzanne Bernard, fille de Magdeleine Fournier et de Gabriel Bernard, chevalier de Saint-Louis. Il revient à Maurice en décembre 1757. Il devient membre du Conseil Supérieur. Le 12 février 1759, il devient procureur général intérimaire, commandant au Port-Bourbon (Grand-Port), en 1762-63 (mais sans être tenu à résidence).

Le 17 janvier 1765, il obtient une concession de 442 arpents, près des Plaines Saint-Pierre, massif montagneux bordant le flanc sud du réservoir de La Ferme (mais que le Dictionnaire de Biographie de la Société de l'Histoire, situe, p.655 et 656 aux... Plaines-Wilhems). La colline faisant face à l'hôpital Victoria porte son nom. Candos meurt au Port-Louis le 3 septembre 1784. Ses exécuteurs testamentaires sont François de Chazal et Jean-Marie Virieux, à qui il lègue sa riche bibliothèque.

Candos n'a jamais possédé Candos, Guy Rouillard dixit

Antoine Chelin ayant imprudemment attribué à Candos des terres autour de la colline portant son nom (La Gazette des îles, n°25, octobre 1989, p. 28), Guy Rouillard se pourfend d'une mise au point, intitulée "Candos n'a jamais possédé Candos" (Gazette des Îles, n°28 pp. 39 et suivantes). Il s'insurge, par la même occasion, contre le fait que la ville de Quatre-Bornes (Urbs florida) porte sur ses armoiries une fleur de lys rouge, rappelant celle figurant sur les armoiries de François Nicolas de Candos.

En revanche, ce dernier obtient, affirme toujours Rouillard, six concessions dont trois aux... Plaines-Wilhems, deux au Port-Louis et une à Moka (quid de celle située à Montagne Saint-Pierre, dans le futur district de Rivière-Noire, district créé en 1768, en amputant une partie de celui des Plaines-Wilhems Rouillard précise même que Candos ?). lègue une partie de son domaine à son intendant, M. Bigaignon. La carte de l'Abbé de La Caille ne mentionne aucune colline Candos. Elle figure, en revanche, sur une carte anonyme, datant de 1772, puis sur les cartes suivant celle de Querenet, datant de 1772-1775.

Disparition d'antiques tombes des bigaignon, chasseurs de marrons

Nous devons savoir qu'avant l'aménagement du centre commercial "La Colline", situé devant l'hôpital Candos, se trouvait l'entrée d'une belle campagne créole, devenue depuis un entrepôt peut-être mécanique. Au même endroit ou presque, plus exactement au carrefour que fait la route Candos, reliant La Louise à Vacoas, avec les rues Seewoosagur Ramgoolam et des Kiwis, s'est longtemps trouvé sur cet emplacement un pittoresque bosquet, composé de quelques lataniers, protégeant de leur ombre tutélaire quelques tombes familiales de la famille Bigaignon, grands "chasseurs de Marrons" devant l'Éternel, tombes à cheval sur nos 18e et 19e siècles.

L'express protesta alors mais vainement quand un bulldozer rasa brutalement ce charmant bosquet, pour faire de la place à deux ou trois parkings automobiles de plus. La municipalité de Quatre-Bornes protesta de sa bonne foi, arguant avoir multiplié les précautions, tant sanitaires que religieuses, avant de permettre ce massacre patrimonial. C'est alors qu'elle apprit qu'elle avait dûment autorisé la destruction du plus ancien monument public de Quatre-Bornes, après la tombe (à l'angle de la rue Virgile Naz et de la Ligne Berthod, près du Collège Saint-Esprit) de Jean-Louis Louvet, possible frère jumeau du révolutionnaire parisien, Jean-Baptiste Louvet, adversaire irréductible de Maximilien Robespierre.

Ce Jean-Louis Louvet, né à Paris le 25 mai 1760, décède à Maurice le 2 juin 1830, à 70 ans, après avoir épousé une jeune Malgache, originaire de l'île Sainte-Marie, filleule de la princesse Manoa, sœur de la princesse Béty, l'épouse de Granville de Forval, apparenté à la famille de Candos (cf. Lilian Berthelot, Urbs florida, histoire de Quatre-Bornes, pp. 117 et suivantes).

Sur les terres de l'usine sucrière de Mon-désir d'Alexandre Paillote

La même Lilian Berthelot nous apprend que l'hôpital Candos se trouve sur l'emplacement de l'ancien établissement sucrier de Mon Désir. Les habitants de la route Candos connaissent bien ce nom de "Mon Désir", comme celui de la famille Paillotte, les heureux propriétaires de cette propriété sucrière. Cette usine sucrière appartenait à Alexandre Paillotte. Elle fonctionne à la vapeur à partir de 1851. On la démolit en 1871 et on annexe ses terres (375 arpents) à l'établissement sucrier voisin de Solférino en 1882. L'établissement sucrier de Mon Désir voit le jour avant 1763. Ses terres sont définitivement morcelées à partir de 1886. Outre Alexandre Paillotte et ses héritiers, Mon Désir appartient de 1868 à 1879 à la Ceylon Company, puis au propriétaire de l'établissement sucrier de Solférino, Maurice Cayrou, de 1879 à 1886. Nous retrouvons Alexandre, Arthur, Pierre Ernest, Ernest Nicolas et Numa Paillotte parmi les propriétaires de plusieurs établissements sucriers, y compris aux Plaines-Wilhems. Les citer tous nous entraînerait trop loin.

La nouvelle route reliant heureusement le centre Commercial de Jumbo à Pierrefonds, Cascavelle et Rivière-Noire, traverse la route de Candos au lieu-dit "Mon Désir". Sachons encore que des Bigaignon figurent parmi les propriétaires de l'établissement sucrier voisin de La Louise. Mais ça aussi est une autre histoire, étrangère à celle de l'hôpital Candos qui doit seule retenir, aujourd'hui, notre attention.

Outre les anciennes terres de l'établissement sucrier de Mon Désir, accueillant à partir de juillet 1922 l'hôpital Candos, il est aussi question d'une maison Kingston (peutêtre la résidence de l'administrateur de Mon Désir Sugar Estate). Elle loge alors, dit-on, des employés de Cable and Wireless. L'express du 14 août 2022 publie une photo d'une ancienne maison qui abrite la Banque du Sang jusqu'aux années 1980. Il pourrait s'agir de cette maison Kingston.

Exemple ou non d'architecture militaire ?

L'hôpital Candos a donc 100 ans. Mais quoi encore ? Rares sont ceux pouvant étancher notre curiosité (espérons-la saine) sur ses dix décennies d'existence hospitalière. L'express du 14 août 2022 nous l'apprend construit sur un terrain de 25 arpents, jadis occupés par des casernes militaires. D'anciennes constructions, auxquelles nous accordions, peut-être à tort, une inspiration militaire, confirmeraient cela. Elles abritaient de vastes salles, à la toiture moyennement pointue mais descendant jusqu'à quelques pieds du sol, une hauteur nettement moins élevée que la douzaine de pieds ou davantage, séparant généralement les toitures en bardeaux ou de feuilles de tôles de nos maisons en bois ou cases créoles.

Cette architecture se retrouvait jadis à l'hôpital de Mahébourg, pouvant pareillement prétendre à une origine militaire, en raison de l'antique renommée de casernes mahébourgeoises. On peut, mais en cherchant bien, la retrouver aux casernes de Vacoas, à celles de Curepipe, au-delà de Cancaval et de la route Robinson. Existe-t-elle toujours ? Il faudrait pouvoir se rendre sur place, en supposant que nous ayons le droit de le faire car elle n'est pas toujours érigée sur des espaces accessibles à tout le monde.

C'est là où ceux d'entre nous, ayant la chance de travailler à proximité de ces anciennes structures, pourraient faire œuvre utile en photographiant les spécimens existant toujours, du moins nous l'espérons, et en nous les envoyant à l'express. Nous les mettrons à la disposition des membres du public intéressés, voulant approfondir leurs connaissances de notre histoire hospitalière, militaire et architecturale. Ce qui paraît impossible à chacun d'entre nous, livré à nos seules forces individuelles, peut devenir une somme d'informations des plus instructives, si les plus curieux d'entre nous consentent à se mettre au service d'une entreprise commune de connaissance plus approfondie de notre riche patrimoine, tous azimuts.

Pour en revenir à notre hôpital Candos, la présente chronique veut rappeler certains faits connus de certains, en espérant que des lecteurs plus avertis et mieux documentés accepteront volontiers de partager leurs connaissances avec l'express.

Mémoires hospitalières du Dr Maxime Shun-Shin

En ce qui concerne l'hôpital Candos lui-même, il est possible de glaner quelques informations intéressantes à partir des mémoires du Dr Maxime Shun-Shin (1936-66), livre paru en 1977 sur les presses de Mauritius Printing Co Ltd. Le gouverneur Hesketh Joudou-Bell l'inaugure le 6 juillet 1922. Il comporte initialement 240 lits contre 956 aujourd'hui, l'express du 14 août 2022 dixit. Shun-Shin souligne le caractère autocrate d'Hesketh Bell, qu'il attribue au sang aristocrate, sinon royal, coulant dans ses veines gubernatoriales.

Il signale quelques changements de taille, dont la transformation des appartements, réservés aux médecins résidents, en un dispensaire et celle des appartements, alloués à leurs assistants, en banque de sang et salle de convalescence pour victimes de la poliomyélite. Le bâtiment situé à l'entrée de l'hôpital devient entretemps une salle de consultation pour des patients souffrant de problèmes de dermatologie. La construction d'une unité pour les grands brûlés remonte à l'après-Seconde Guerre mondiale. Il est aussi utilisé pour des soins ophtalmologiques.

Hommage pour un siècle de dévouement interrompu au service de l'île maurice souffrante

Nos connaissances de l'histoire pourtant récente de l'hôpital Candos sont d'une minceur squelettique. Nous pouvons corriger cette lacune si ceux et celles connaissant des anecdotes intéressantes concernant cet établissement hospitalier prennent la peine de les raconter par écrit et de communiquer à l'express leur narration, nous pourrions alors constituer un dossier historique, allant s'épaississant, concernant l'hôpital Victoria. N'oublions surtout pas que le premier siècle d'existence et d'activités bienfaisantes de cet hôpital se compose principalement des centaines de milliers de malades et autres patients, sollicitant, année après année, l'aide médicale mais aussi la tranquillité de l'esprit que procurent à l'île Maurice souffrante ces milliers de médecins, chirurgiens, spécialistes, infirmiers, nurses, aides-soignants, membres du personnel administratif et d'entretien. Jour après jour, y compris jours fériés et de grande menace cyclonique, ils s'efforcent de soulager, autant qu'ils le peuvent, l'angoisse grandissant des malades quand ils ne parviennent pas à leur procurer la guérison des corps malades tant désirée.

Si hommage doit être rendu publiquement, pour les 100 ans de l'hôpital de Candos, c'est à ces Mauriciennes et Mauriciens, dévoués au service de l'île Maurice souffrante, qu'il doit d'abord se diriger. Nous ne leur exprimerons jamais assez notre reconnaissance la plus vive et la plus sincère.

Pas de "war memorial"

Restons en cette période post-Seconde Guerre mondiale, pour souligner qu'il est question, à un certain moment, d'ériger dans l'enceinte de l'hôpital de Candos un bâtiment devant servir de War Memorial. Excellente occasion pour rappeler que le monument aux morts, sis devant le Collège Royal de Curepipe, rend hommage aux héros et victimes de la seule Guerre de 1914-18, même si ce sont des survivants de la Guerre 1939-45 qui se rassemblent fidèlement devant lui, chaque année, à la mi-novembre. Le War Memorial (car il y en a un) se trouve à la rue Sainte-Thérèse, Curepipe, et sert principalement de quartier général à la Croix-Rouge de Maurice. Cela est d'autant plus regrettable qu'on pria Mauricette Duhau, poétesse accomplie, de compiler un registre contenant le nom des héros et victimes de la Seconde Guerre mondiale. Il serait infiniment regrettable qu'une œuvre aussi précieuse tombe à jamais dans l'oubli.

Lucien de Chazal, premier surintendant

Le premier surintendant médical de l'hôpital Candos est le Dr Lucien de Chazal, célibataire aussi endurci que son frère, Malcolm, et de son neveu, Henri Souchon. Le Dr Louis Rathier du Vergé lui succède, le 1er décembre 1927, après un intérim assuré par le Dr Yves Cantin. Nous devons au Dr Lucien de Chazal la fondation de la Maternity and Child Welfare Association. Il collabore avec le Dr Auguste Rouget pour publier deux livrets médicaux ayant longtemps fait autorité. Il s'agit du Prècis d'accouchement et d'hygiène infantile et du Manuel d'hygiène infantile. Dr Shun-Shin dit de Lucien de Chazal : "Comme il ne fut jamais proche de nos politiciens, il est donc normal que le nom de cet insigne bienfaiteur de la population mauricienne tombe graduellement dans l'oubli." Mais peut-on demeurer bienfaiteur quand nous nous exposons au virus de la politicaillerie le plus virulente ?

La première "matrone" de Candos est Mlle Edith Humphreys, à laquelle succède Mlle Cicely Constance Denly, le 30 mai 1939. Cette dernière est en poste à Maurice de 1933 à 1937, quand elle reçoit l'ordre de se rendre à Hong Kong, avant de revenir à Candos. Le 25 juin 1953, Mlle Helen Gerard Brown devient la 3e matrone de Candos.

Le premier médecin résident de Candos est le Dr Philippe de Chaumont. Le Dr Willy Dupré, futur député travailliste de Port-Louis Sud, remplace peu après Chaumont. Parmi les autres premiers médecins résident de Candos nous relevons les noms des docteurs Renald Laventure, Irelande Humbert, Volcy Pierre Goupille, Maxime Rousset, Ralph Mayer, François Xavier Letellier, Edward Henri Madge.

Quand le Dr Maxime Shun-Shin devient surintendant de l'hôpital Candos, le 24 juillet 1959, cet établissement hospitalier compte trois femmes parmi son personnel médical subalterne. Elles sont Julia Constance Maigrot, née Hurford, Thelakavathy Paratian et Moshinah Malleck. Roland Cantin, Eric Falck, Chan Chow Chung Hong Wing et Hoi Yan Chan représentent l'élément masculin de ce corps médical. Ces derniers se plaignent que leurs consœurs sont exemptées des gardes de nuit. L'administration transfère alors celles-ci au service, seulement diurne, des dispensaires.

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