Tunisie: Université tunisienne - De bonnes idées de réforme

20 Août 2022

Il faudrait penser à reconstruire l'université tunisienne et mettre à niveau notre tissu économique. Pour que l'emploi soit un objectif commun...

Réforme universitaire, on en a trop parlé, mais on ne voit rien venir. Slim Khalbous, l'ancien ministre de l'Enseignement supérieur dans le gouvernement Chahed, avait, à son époque, placé haut la barre des ambitions. En janvier 2017, soit cent jours après sa prise de fonction au sein du département, il a lancé le premier jet d'un projet de réforme visant à faire de l'université tunisienne un pôle dynamique du savoir et de recherche-développement. Avec un calendrier d'exécution bien ficelé. Et depuis, rien n'est annoté sur le livre blanc des recommandations. Tout est parti en fumée.

Le ver est dans le fruit !

Cinq ans après, on revient à mâcher les mêmes mots. La cause universitaire est, à nouveau, remise sur le tapis. Sauf que, cette fois-ci, la question est reposée par le Ftdes, Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, en partant d'une série d'articles collectifs publiés dans le quotidien arabophone Al Maghreb. Ainsi abordé, ce projet de réforme a réveillé les démons de l'université et évoqué autant de problématiques liées à l'enseignement et à son évolution, à l'aune de la nouvelle donne professionnelle. Rédacteur en chef du journal, notre confrère Zied Krichène a commencé par recentrer le débat et dégager des pistes de réflexion sur les contours de l'université de demain. Sa vision des choses aurait inversé la pyramide de réforme, commençant par l'université pour remettre l'école sur les rails. Car, à l'en croire, le ver est dans le fruit : tout le système d'enseignement tunisien, tous cycles confondus, pose problème, sans pouvoir sortir de l'ornière. En fait, il s'agit d'une crise de qualité à trois niveaux: enseignants, étudiants et mode de gestion. "D'où il faudrait briser cette chaîne de médiocrité", insiste Krichène.

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L'université au vrai sens académique

Selon lui, l'université tunisienne n'aura plus son aura scientifique et académique, sans qu'elle ne devienne une véritable "Cité universitaire". Soit un espace de vie et de formation à vocation multiple, alliant animation et développement. En ces termes, Singapour est cité en exemple. Nizar Ben Salah, secrétaire général de la fédération de l'enseignement supérieur et de recherche scientifique avait abondé dans le même sens. D'emblée, son avis semblait empreint d'un brin d'optimisme: "Quoi qu'on en dise, l'enseignement supérieur en Tunisie est encore sur ses pieds". Son argumentaire tient à quatre indicateurs : "Le nombre des publications scientifiques dans des revues internationales, l'admission de nos diplômés dans des grandes universités américaines et asiatiques, nos partenariats inter-universitaires et l'échange des enseignants visiteurs". Toutefois, réplique-t-il, notre enseignement supérieur avait, dès le début des années 80, raté son coup, du fait que l'Etat tunisien n'a pas pris l'université comme unité de mesure du système de l'enseignement et développement-recherche.

Et depuis, l'université avait du mal à se rattraper. "De 1956 à 1989, soit 33 ans, la notion université n'avait même pas existé. Cet état des lieux avait, alors, impliqué une certaine inertie, doublée d'une bureaucratie affligeante dont on souffre jusqu'à aujourd'hui", fustige-t-il, le qualifiant de structure administrative lourde et inutile. Et d'ajouter qu'on n'a jamais disposé d'une université au sens strictement académique. A ses dires, l'université requiert forcément trois conditions sine qua non. Primo, une cité ou un campus universitaire commun qui galvanise chez l'étudiant le sens d'échange et d'appartenance. Voire un carrefour des cursus croisés. "Car, l'université est l'âme des institutions d'enseignement supérieur dans leur ensemble", estime-t-il. Secundo, ce campus doit aussi être un vivier du savoir et de formation. Tertio, cette université doit se doter d'une autonomie académique qui lui permet d'avoir un pouvoir discrétionnaire. "C'est elle qui décide de tout, en fonction de ses besoins et choix de spécialités à enseigner", juge-t-il. En fait, ces trois conditions sont, d'ailleurs, recommandées par l'Unesco.

Emploi, la dialectique université-entreprise

Autre fléau qui a pesé sur la carte universitaire, tel qu'on le constate aujourd'hui, c'est bien la décentralisation irréfléchie. Cela avait donné lieu à des universités à moitié vides et trop concentrées dans des régions aux dépens d'autres. Certes, cette répartition mal conçue et déséquilibrée s'est répercutée sur l'orientation universitaire. Et c'est là que le bât blesse ! En effet, selon Ben Salah, chaque région a droit à un campus universitaire. Faute de quoi, il y a déjà tendance à opter pour l'enseignement supérieur privé. D'autant plus que l'université tunisienne ne forme pas, semble-t-il, pour le marché d'emploi. Mais, de quel marché d'emploi parle-t-on, si plus de 97% de nos entreprises économiques n'emploient qu'environ cinq salariés ?, se demande-t-il, évoquant qu'elles n'ont aucune visibilité sur leurs besoins en diplômés du supérieur. En Tunisie, seulement 958 entreprises embauchant tout au plus 200 salariés, fait-il encore savoir. "Donc, c'est le tissu économique qui a du mal à s'exprimer sur ses besoins, sa structure si limitée l'empêchant de prévoir une stratégie de recrutement", explique-t-il.

Alors, si certains imputent la crise d'emploi à la dévalorisation de l'université tunisienne, accusée d'être mal formée, d'autres lancent la balle aux entreprises qui sont, jusque-là, en mal de restructuration. D'où il faudrait penser à reconstruire l'université tunisienne et mettre à niveau notre tissu économique. Afin que l'emploi soit un objectif commun.

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