Tunisie: Ce que pensent les experts de la situation économique nationale - Les inquiétudes persistent

22 Août 2022

Alors que Samir Saïed, ministre de l'Economie, annonce que le programme national de réformes sera présenté début septembre, au conseil d'administration du FMI, les experts tunisiens font un round-up sur la situation économique du pays, jugée par tous de plus en plus inquiétante.

Samir Saied, ministre de l'Economie qui s'est récemment exprimé sur les ondes d'une radio privée, affirme son optimisme quant à la conclusion d'un accord avec le Fonds monétaire international (FMI). Saied assure que le programme national de réformes, élaboré par le gouvernement tunisien, sera soumis, à partir du début du mois de septembre, au conseil d'administration du fonds. Déjà, dans une déclaration accordée aux médias en marge de la conférence organisée par le ministère sur l'ouverture des entreprises tunisiennes sur le marché africain, Saïed a précisé que " le problème ne se rapporte pas à la conclusion d'un accord avec le FMI, mais il est plutôt tributaire de la situation interne". Selon lui, il faut unir les rangs et conjuguer les efforts pour trouver des solutions, d'autant plus que la situation de l'économie nationale est de plus en plus inquiétante. Le ministre indique qu'il n'y aurait pas de majoration salariale. " Les augmentations seront progressives si l'économie tunisienne réalise un bon niveau de croissance et crée de la richesse. Le pouvoir d'achat des familles à faible revenu sera préservé. Ce volet figure parmi les priorités du gouvernement à la lumière de l'envolée du taux d'inflation", assure Saïed.

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Saïed, seul garant

Face à cette situation délicate, les réactions des experts diffèrent. De son côté, Ridha Chkoundali, expert économique, estime, dans une intervention médiatique, que "le Président Saïed est le seul garant de la continuité de l'accord qui sera conclu avec le FMI, étant le seul organe officiel en droit de désigner le Chef du gouvernement". D'après ses dires, "en cas d'organisation d'élection présidentielle anticipée et au cas où une autre personne, n'ayant pas participé aux négociations avec le FMI, prend les rênes du pouvoir, l'accord entre le FMI et la Tunisie sera remis en question". Il pense que le FMI va conclure un accord avec la Tunisie à condition que la première tranche ne soit pas assez importante et que le versement du reste soit assuré après la proclamation des résultats de la prochaine élection présidentielle. "En cas d'élection d'un autre président, le programme de financement sera suspendu à l'image de ce qui s'est passé en 2018 ", note-t-il.

Selon Chkoundali, le contrat social, qui sera éventuellement conclu entre le gouvernement et la centrale syndicale, sera le dernier maillon de la chaîne des négociations avec le FMI. " Ce contrat sera un message pour rassurer le FMI quant à l'applicabilité du programme de réformes à travers l'implication de l'Ugtt dans la mise en œuvre du programme. Il semble que l'Ugtt a renoncé au processus politique pour se focaliser sur le dossier économique".

Il rappelle que l'amélioration du climat des affaires, la levée progressive des subventions, la restructuration des entreprises publiques et la réforme de la fonction publique sont les réformes à engager, selon le Fonds monétaire.

L'incitation à l'investissement et l'amélioration du climat des affaires pour qu'il soit créateur de richesse sont l'ultime priorité de la centrale patronale.

"La situation est très dangereuse"

Pour sa part, Hichem Ajbouni, dirigeant au Mouvement démocratique, "la Tunisie est dans une phase de récession inflationniste, marquée par un faible taux de croissance jumelé à un taux d'inflation élevé. La situation est très dangereuse". Pour lui, le gouvernement Najla Bouden ne peut pas être tenu pour responsable de cette situation de stagflation dont le pays a hérité il y a plusieurs années. Il déclare que "la situation économique éclipsera la situation politique à l'avenir". Il poursuit, "les réformes sont très coûteuses, et ne sont pas possibles dans la situation actuelle. Si le gouvernement augmente les subventions, le Président de la République, Kaïs Saïed, jouera le rôle de l'opposition et les rejettera".

Il ajoute, également, que le Président de la République n'a pas su traiter la crise économique que traverse la Tunisie. "Il lui manque une vision claire et toutes ses déclarations et réponses ne sont que politiques et juridiques".

Mohsen Hassan, ancien ministre du Commerce, a déclaré récemment que la situation économique en Tunisie est critique et la hausse du taux d'inflation est un mauvais signe. Il précise qu'en 2010, plus 310 mille familles bénéficiaient de l'aide de l'État, mais, aujourd'hui, ce nombre passe à 960 mille. Cela signifie que presque six millions de Tunisiens vivent sous le seuil de pauvreté.

Pour ce qui concerne les réformes économiques, Hassan observe que la stabilité politique et la paix sociale sont primordiales pour entamer d'éventuelles réformes.

Des reproches et des interrogations !

Le mois dernier, Ezzedine Saïdane avait lui aussi critiqué le silence persistant des autorités tunisiennes face à des rapports alarmants liés à la situation économique dans le pays. Le dernier en date, a-t-il rappelé, concerne les prévisions de la Banque mondiale, selon lesquelles le taux de pauvreté en Tunisie augmentera à 2,2% en raison de la hausse continue des prix, dans les circonstances de la guerre russo-ukrainienne. Saïdane reproche aux autorités de ne pas fournir de données qui nient le contenu de ces rapports, afin de rassurer le peuple et les partenaires économiques du pays, estimant qu'il s'agit d'une sorte d'abandon.

Selon plusieurs experts, la situation ne se débloque pas après le terrain d'entente trouvé entre la Tunisie et le FMI. Ce blocage est essentiellement dû au fait que le bailleur de fonds reste mitigé quant à la situation sociopolitique du pays. Le FMI ne comprend pas le silence de la Tunisie pour ce qui est de l'engagement des réformes. D'après eux, le FMI s'attend à des engagements sérieux et des réalisations, et non pas à de simples promesses. Cela concerne essentiellement deux grands dossiers, en l'occurrence, la levée progressive de la compensation sur les carburants et un gel des salaires. Mais les majorations mensuelles des tarifs des carburants ont été stoppées avant le référendum et pour ce qui est du gel des salaires, le gouvernement doit négocier avec les partenaires sociaux des majorations salariales qui devraient atteindre au moins 6%, afin d'arrêter la détérioration du pouvoir d'achat. Des choix qui ne traduisent pas un engagement sérieux de la part du gouvernement.

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