Cameroun: L'hydre de la dépigmentation, pointée du doigt depuis la semaine dernière par Manaouda

L'hydre de la dépigmentation, pointée du doigt depuis la semaine dernière par Manaouda Malachie, le ministre de la Santé publique, aura eu le mérite à tout au moins d'ausculter le pouls de notre état d'esprit commun quant au concept d'émergence en 2035. Du chemin à faire pour éviter un gros bluff !

Partout où il y a eu développement dans le monde, les peuples se sont appuyés sur leur culture pour faire la différence. Les pays des dragons de l'Asie du sud-est sont de ce fait illustratifs. Ils ont pour l'essentiel, été confrontés à la civilisation occidentale, mais sont restés et demeurés eux-mêmes pour mieux faire la synthèse nécessaire, l'originalité qui a été le moteur de leur émergence.

Le Chinois est toujours Chinois, il reste lui-même et puise dans la culture occidentale le supplément d'âme nécessaire à sa prospérité et à son épanouissement. En Afrique déjà, Cheikh Hamidou Kane, dans son ouvrage " L'Aventure ambiguë ", posait magistralement le siècle dernier le sort de l'homme noir au contact de la civilisation occidentale ou tout simplement de la civilisation de l'universelle.

Samba Diallo, le héros de ce roman, va aller à l'école du blanc pour " apprendre à lier le bois au bois ", mais va se perdre sur son chemin, au point où il sera assassiné par le fou, une fois rentrée de l'occident.

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Prophétique et apocalyptique pour des générations d'Africains du retour de l'école blanche ? C'est pour le cliché d'ensemble. Pour revenir à la préoccupation du ministre, comment comprendre qu'en 2022, 62 ans après les indépendances, la jeune génération soit encore piégée, pire que ne l'était Sambo Diallo ?

Pire encore, le héros sénégalais n'a jamais sur le chemin de son aventure de perdition ou d'ambiguïté, perdu une once du fait qu'il était noir ! Mais aujourd'hui, le mal est si profond qu'une frange importante de la population se renie physiquement, biologiquement, et est préoccupée pour l'essentiel à faire des correctifs corporels pour ressembler au maître d'hier, au bourreau d'hier, qu'est le Blanc !

Qu'est-ce qui n'a pas marché ? Quelle éducation l'Afrique donne-t-elle à ses filles et est à ses fils pour être fiers d'eux-mêmes ? Comment comprendre cette aversion pathologique pour soi-même ? Cela a-t-il existé dans ailleurs dans l'histoire de l'humanité ? " Black is beautiful ", comme le disent les Anglo-Saxons, l'Afrique y croit elle ou s'y identifie-t-elle ? Le brouillard. Pour insulter en Afrique, on dit à la personne qu'elle est noire de cidre, d'ébène et autres. Un compliment ou une insulte ? " Je suis noire, mais je suis belle, filles de Jérusalem ", dit la Bible dans le Livre de Cantique 1.5. Qui va l'incruster dans l'esprit de nos jeunes générations ?

La peau et les cheveux

Il suffit de se promener dans les rues de nos cités africaines, at partout ailleurs dans le monde, pour comprendre que la femme noire est l'unique être sur la terre qui achète à prix d'or les déchets des autres femmes pour se faire belle. Les fameuses brésiliennes, les indiennes ! Des paquebots entiers accostent sur les côtes africaines pour décharger à prix d'or ces broutilles que les femmes africaines vont verser sur leur tête pour cacher, pour masquer la beauté à nulle pareille de leurs cheveux crépus ! Quel complexe ! Et ce n'est pas la femme seule qui est à plaindre car les hommes et la société entière veulent qu'il en soit ainsi. Quand ce ne sont pas les vieux cheveux recyclés qui sont vendus à prix d'or, ce sont des crèmes de toutes sortes qui sont déversées sur le continent, pour rendre service à nos filles et à nos femmes, et même de plus en plus en plus à certains hommes, pour dépigmenter leur peau, pour les blanchir. Nous sommes allés à l'école pour apprendre à ressembler aux Blancs ! C'est cocasse !

Frantz Fanon, en 1952, dans ouvrage, " Peau noire, masques blancs ", posait déjà cette problématique des effets nocifs de la colonisation sur le psychique du Noir. Une femme, un homme qui se décape la peau n'est-il pas déséquilibré ? Comment peut-on croire qu'un esclave va se développer ? Pour se développer, il faut d'abord l'affranchir, pas des puissances coloniales, mais avant tout de son système de pensées et de croyances. Quand Dieu a affranchi son peuple en Egypte, il a fallu quarante années de désert pour déprogrammer leur système de pensées d'esclaves.

Aucun esclave ne peut se développer car il travaille pour son maître et trouve tout son bonheur et sa satisfaction dans celui de son propriétaire. Mais être esclave au point de vouloir être comme le maître, une fois affranchie, il n'y a pas pire bêtise qui existe sur la terre. Pourtant, même les Saintes Ecritures, à l'exemple de la Bible ou du Coran, sont assez prononcées sur la question de l'affirmation de son identité liée à la teinture de la peau. " Je suis noire, mais je suis belle, filles de Jérusalem, Comme les tentes de Kédar, comme les pavillons de Salomon. Ne prenez pas garde à mon teint noir: C'est le soleil qui m'a brûlée ", lit-on dans la Bible, au Livre de Cantique 1 :5-6. " Regarde ! Certes tu n'es pas meilleur que le rouge ou que le noir sauf si tu l'as dépassé dans la taqwa ", rapporte Ahmed et authentifié par Cheikh Albani dans Sahih Targhib n°2962. Comment donc interpréter, comprendre ce phénomène de la dépigmentation de la peau qui va en grandissant ? Il faut assurément revoir notre système de pensées !

Gros bluff

Nos doctes sont de ce fait des sortes de perroquets qui récitent des tas de choses qu'ils ne comprennent même pas les tenants et les aboutissants. Notre école, de ce point de vue, nous crétinise ! Tout se passe exactement comme si la jeunesse africaine suit la voie de Samba Diallo et curieusement, dans cet état d'esprit, l'Afrique et le Cameroun aspirent à l'émergence. C'est un gros bluff qu'il faut avoir le courage d'avouer, car on ne saurait se renier en même temps et prétendre au développement.

On ne saurait être emporté par le besoin animal et sauvage de la satisfaction immédiate de tous les désirs, et prétendre à un quelconque développement global. Quand nous serons tous parvenus à la pensée, à la nécessité commune et irréparable de changer le cap, le concept de développement pourra avoir une place dans notre lexique. Or pour l'instant, à écouter et à voir comment même des esprits dits savants brocardent l'image du ministre pour avoir pointé du doigt la racine du mal, je me conforte dans cette pensée anglaise : " we still have a long way to go ".

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