Sénégal: Assemblée nationale - Les enjeux de la 14e Législature

Assemblée nationale du Sénégal
23 Août 2022

Les négociations et sorties médiatiques des leadeurs politiques se succèdent en prélude à l'installation de la 14e législature. Si les forces politiques manifestent leur volonté d'exercer une main mise sur le Parlement, c'est parce que les enjeux sont énormes.

Les résultats des élections législatives du 31 juillet dernier ont dévoilé une nouvelle configuration de l'Assemblée nationale, créant ainsi de nouveaux enjeux aussi bien pour la coalition présidentielle que pour l'opposition. " On assiste à une situation inédite. Le parti au pouvoir ou la coalition présidentielle avait l'habitude de contrôler la majorité qui était écrasante. Pour la première fois dans l'histoire politique du Sénégal, la coalition au pouvoir s'est trouvée dans une posture d'incertitude avec une avance étriquée. L'écart entre les deux forces politiques est court ", rappelle Alioune Souaré, ancien député libéral et par ailleurs spécialiste du droit parlementaire.

Si les résultats du scrutin renforcent, aux yeux des observateurs, la culture démocratique du Sénégal, la coalition au pouvoir s'est retrouvée, au lendemain du scrutin dernier, avec 82 députés sur 165. Il a fallu le ralliement du leadeur de la coalition " Bokk Gis Gis " et ancien président de l'Assemblée nationale, Pape Diop, pour permettre au pouvoir d'obtenir une majorité absolue.

L'opposition réunie dans l'intercoalition " Yewwi askan wi-Wallu Sénégal ", qui a obtenu 80 sièges sur les 165 députés, n'a pas réussi à imposer une cohabitation à la deuxième institution de la République. Toutefois, elle tient encore à changer les rapports de forces. Les tractations sont en cours avant l'installation de la nouvelle Assemblée nationale au mois de septembre prochain.

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Pour M. Souaré, " c'est tout à fait normal qu'il y ait des négociations avant l'installation de la 14e législature. Ce sera un moment crucial pour la vie du parlement. En dehors du scrutin uninominal pour le choix du président de l'Assemblée nationale, les groupes parlementaires vont élire, par bulletin secret, les vice-présidents, les secrétaires élus, les questeurs et les présidents de Commission ". Il faudrait, pour cela, que le Président de la République fixe, au préalable, par décret, la date de l'installation du nouveau parlement. La mandature de 5 ans de la 13e législature se termine le 14 septembre prochain.

" Le Chef de l'État va publier un communiqué qui convoque la nouvelle législature en fixant une date. Cela, en vertu de l'article 63 de la Constitution et de l'article 4 du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ", précise-t-il, non sans rappeler que c'est la seule session parlementaire qui est convoquée par le Président de la République, puisque les autres sont du ressort du parlement.

17 députés pour constituer un groupe

Si l'installation de cette nouvelle législature fait monter la température politique à l'heure actuelle, c'est en raison des enjeux qui se profilent à l'horizon au sein de la deuxième institution de la République. " Le parti au pouvoir a obtenu la moitié plus un, ce qui lui donne la majorité absolue et lui offre la latitude de tout contrôler. Dans la mesure où des imprévus peuvent survenir dans ce cas de figure, il est important de négocier et de renforcer les rangs pour être aux commandes ", ajoute notre interlocuteur. Il est important également de savoir, selon ses explications, que ce sont les groupes parlementaires qui proposent des candidats pour la présidence, la vice-présidence, les questeurs, entre autres.

" Il faut, au minimum, 17 députés, c'est-à-dire le 1/10ème de l'Assemblée nationale pour constituer un groupe parlementaire, c'est la raison pour laquelle le pouvoir avait besoin des 83 députés pour disposer d'un groupe parlementaire majoritaire ", ajoute l'ancien député. Il cite, à cet effet, l'exemple de la France où le parti au pouvoir fait face à l'opposition. " C'est au parlement que se jouent les rapports de forces. En France, par exemple, les forces de l'opposition réunies sont en surnombre par rapport au groupe parlementaire contrôlé par le pouvoir. Ils sont majoritaires s'ils sont réunis. Le Sénégal est à une meilleure position que la France, mais l'écart est serré ", poursuit M. Souaré. Une situation, parmi d'autres, qui explique que l'opposition et le pouvoir sont tenus de développer des stratégies pour décrocher des députés des groupes parlementaires, selon Alioune Souaré.

Adhésion par affinité politique

En prélude à l'installation de la nouvelle Assemblée nationale, les députés non-inscrits peuvent faire valoir leur force de frappe. Courtisés par les deux camps, ils sont en mesure de faire jouer la balance en faveur de l'opposition ou du pouvoir. L'adhésion de l'ancien président du Sénat à la mouvance présidentielle, souligne-t-il, s'inscrit dans cette veine. Son choix est justifié, selon ses explications, par son désir de contribuer au maintien de la stabilité de nos institutions et de préserver leur vitalité.

" Il est important de préciser, à ce niveau, que Pape Diop n'a pas rallié politiquement la coalition "Benno bokk yaakaar" (Bby), mais il adhère au groupe parlementaire de la mouvance présidentielle. Le règlement intérieur permet d'ailleurs une adhésion par affinité politique, pour constituer un groupe parlementaire ". Dans ce sillage, le spécialiste du droit parlementaire explique qu'un des groupes peut être renforcé par les non-inscrits. " Ils peuvent adhérer au groupe de leur choix tout comme ils peuvent rester dans leur camp, selon le règlement intérieur ".

En fait, trois coalitions ont obtenu, chacune, un député. Il s'agit de " Bokk Gis Gis - Liguey " de Pape Diop qui a préféré soutenir le groupe parlementaire qui sera mis en place par la mouvance présidentielle ; de " Mpr Les Serviteurs " du journaliste Pape Djibril Fall et de " Aar/Sénégal " de l'ancien ministre Thierno Alssane Sall. Les députés élus de ces deux dernières coalitions ont réaffirmé leur ancrage dans l'opposition.

Groupe et temps de parole

" Les groupes parlementaires proposent des candidats. Il appartient aux 165 députés de voter. Ils peuvent, au lieu de voter, s'asseoir autour d'une table pour négocier ", a ajouté M. Souaré. De son point de vue, " chaque coalition a la liberté d'apprécier ce qu'elle va faire. Mais, le règlement intérieur de l'Assemblée nationale, en son article 20, définit clairement les critères pour la Constitution du groupe parlementaire ". Dans ce sillage, il apporte des éclairages. " Au regard du nombre de députés obtenus par l'opposition, il est possible d'avoir autant de fois de groupe parlementaire, s'il y a, à chaque fois, le dixième de 165 députés, c'est-à-dire 17 députés ", souligne-t-il.

Lors de sa dernière prise de parole, le leadeur de Pastef Ousmane Sonko a fait part de son engagement à ne faire aucune compromission législative avec le pouvoir avant et surtout après les élections. " Nous avions décidé de mettre un groupe parlementaire ferme durant tout le mandat ", a-t-il fait savoir. Se prononçant sur l'octroi du temps de parole, le spécialiste du droit parlementaire indique qu'il est réparti par groupe parlementaire dans les débats organisés.

" C'est la conférence des présidents qui doit déterminer si un débat peut être organisé ou non. Pour l'essentiel, retenez que, même dans les débats organisés, le groupe parlementaire qui a le plus de membres aura plus de temps de parole, la répartition du temps de parole se faisant proportionnellement à la taille du groupe selon l'article 34 du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ", ajoute M. Souaré.

Ce qui va se passer lors de l'installation du nouveau parlement

Si le Président de la République, en vertu de l'article 63 de la constitution et l'article 4, est habilité à fixer la date d'ouverture de la session, les députés doivent être présents une heure avant le démarrage des travaux. " Chaque groupe parlementaire va soumettre la constitution de son groupe, en précisant le nombre de députés. Il faut avoir au moins 17 personnes, c'est-à-dire, au moins, le 1/10ème de l'assemblée ", explique le spécialiste du droit parlementaire, Alioune Souaré.

Il explique que pour l'élection du président de l'Assemblée nationale, régie par l'article 8 du règlement intérieur, la personne la plus âgée, c'est-à-dire le doyen d'âge, va présider la séance d'ouverture, conformément à l'article 9 du règlement intérieur.

Il sera assisté de deux secrétaires, les plus jeunes du Parlement. " C'est ce bureau qui va organiser l'élection du président de l'Assemblée nationale. Ils feront l'appel nominatif pour voir si l'on a le quorum. S'il est atteint, les groupes proposent leur groupe parlementaire. Après l'élection uninominale, le président de l'Assemblée nationale poursuit la suite des travaux ".

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