Tunisie: Pollution industrielle - Un sujet au passé, mais aussi au présent...

Pollution
24 Août 2022

Selon l'OMS, 9 personnes sur 10 dans le monde respirent un air pollué et 7 millions de personnes meurent annuellement à cause de la pollution.

La pollution industrielle constitue un problème majeur inhérent à l'activité de plusieurs usines en Tunisie, surtout en l'absence du contrôle de l'Agence nationale de la protection de l'environnement (Anpe) et le non-respect des études d'impact sur l'environnement qu'il faudrait élaborer avant le démarrage de n'importe quel projet à vocation industrielle.

Faudrait-il signaler aussi que la plupart de ces unités polluantes se concentrent dans les régions les plus défavorisées et les plus démunies en matière de moyens de lutte aussi bien politiques que logistiques contre cette pollution, d'où le triste bilan qui fait que les industriels butinent la fortune contre des citoyens qui récoltent les fruits de la pollution.

Même dans le cas où la condition de l'autorisation préalable est remplie, la plupart des usines ne respectent pas les normes environnementales en vigueur, profitant du manque de contrôle que les autorités compétentes sont normalement appelées à exercer et la défaillance en matière d'outils et de moyens pour déterminer le taux de pollution. Face à cette situation alarmante, le Ftdes a lancé un cri d'alarme pour diminuer cet impact et faire face à ces unités de production et ces industriels qui épuisent les ressources et accumulent des richesses au détriment de l'environnement.

Des chiffres qui parlent...

Selon les chiffres de l'Institut national de la statistique (INS), la moyenne d'émission de gaz à effet de serre a beaucoup évolué de 2002 à 2010, passant à cet effet de 23.791.000 à 28.500.000 tonnes de CO2, ce qui montre l'évolution continue des émissions de gaz qui ont des répercussions sur la vie des citoyens et qui contribuent grandement à la propagation des maladies, notamment dans les environs immédiats des usines polluantes, comme le montre ce tableau :

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L'étude indique aussi que la pollution industrielle se divise en trois parties. Il y a tout d'abord "La pollution atmosphérique" qui est pratiquement le lot de toutes les régions et particulièrement la région de Gabès en raison du fait qu'elle abrite le Groupe chimique, la région de Sousse qui accueille pas mal d'usines pour la production de briques de construction et la région de Mahdia pour les unités de raffinage des grignons d'olive et l'utilisation de produits chimiques dangereux.

Il y a aussi "La pollution des eaux", dont le principal auteur est l'Onas qui déverse les eaux ménagères usées en mer, dans les rivières et les bassins naturels ainsi que les usines de textile qui se débarrassent anarchiquement des eaux polluées en les déchargeant soit dans les rivières, soit dans les canaux de protection des villes contre les inondations sans le moindre contrôle.

Les principales unités se concentrent au gouvernorat de Monastir et la zone industrielle de Tazarka au gouvernorat de Nabeul où les entreprises qui y sont installées déchargent leurs eaux toxiques directement dans les rivières qui sont liées à la sebkha classée zone humide protégée en vertu de la convention internationale de Ramsar.

Finalement, on cite "La pollution du sol terrestre" due au déversement anarchique des déchets et au rejet des eaux usées dans les terres agricoles, ce qui affecte dangereusement la qualité du sol pour en faire un terrain inexploitable. Les sociétés qui détiennent les décharges contrôlées n'hésitent pas non plus à jeter leurs déchets et les enfouir sans recourir aux traitements appropriés avec toutes les retombées néfastes que cela engendre sur la qualité du sol et de la nappe phréatique.

Crimes contre les habitants

L'étude n'a pas manqué de citer certains exemples, dont notamment la Raffinerie des grignons d'olive à Karkar, qui se fait à base de produit chimique hexane. Les dégâts engendrés par l'usine, située dans le gouvernorat de Mahdia, pourraient être considérés comme un crime contre les habitants de cette région.

Depuis son implantation en 2012, les habitants ont ressenti sa dangerosité et ont entamé une série de protestations, surtout en 2013 suite à l'apparition des premiers signes annonciateurs d'effets nocifs sur l'environnement et la santé des gens, comme les problèmes respiratoires et l'amenuisement du rendement des terres cultivées ou plantées dans une zone à vocation principalement agricole.

Cette usine qui a vu ses portes fermées en Italie, a élu domicile en Tunisie et a été à l'origine de plusieurs problèmes écologiques à cause de l'utilisation de produits chimiques dangereux, tels que l'hexane, considéré comme étant un produit toxique, surtout pour les organismes aquatiques et par conséquent prohibé dans les zones agricoles et habitées, vu le fait qu'il entraîne des effets néfastes à long terme. L'activité industrielle de cette usine serait à l'origine de plusieurs maladies chez les habitants de la région, surtout des troubles au niveau de la vue et du système nerveux.

Briqueterie au milieu d'un quartier d'habitation

Les briqueteries sont considérées comme de grands pollueurs atmosphériques, vu les grandes émissions de gaz toxiques, un phénomène qui a provoqué, dans notre cas, l'émergence de plusieurs mouvements sociaux à caractère écologique, surtout que ces usines sont installées non loin des agglomérations.

Dans la ville de Kalaâ Sghira au gouvernorat de Sousse, l'usine de fabrication de briques de construction, qui est la plus grande dans le pays, est construite au milieu même d'un quartier d'habitation, dont la plupart de ses résidents ont manifesté leur désarroi face aux émissions de gaz ayant entraîné l'apparition de maintes maladies, telles que les difficultés respiratoires et le cancer des poumons, d'où les confrontations qui ont eu lieu avec le propriétaire de l'usine qui a usé de tous les moyens pour terroriser les manifestants et étouffer leurs protestations.

Par ailleurs, la pollution engendrée par cette usine a contraint plusieurs habitants, notamment ceux dont les enfants ont eu des problèmes respiratoires à quitter les lieux et partir à la recherche d'un travail dans des secteurs autres que l'agriculture qui s'est trouvée sensiblement affectée par les effets de la pollution.

La pression exercée par la coordination locale pour la protection de l'environnement dans la ville, avec l'appui d'organisations de la société civile a abouti à assujettir l'usine à un contrôle exercé par l'Etat, surtout après le recours à la justice.

Le taux des émissions de gaz a relativement baissé et une sorte de compromis fut établi avec la société civile, mais cette accalmie ne dura pas longtemps, vu la situation politique instable dans le pays et le changement permanent des responsables et par conséquent le manque de suivi rigoureux quant aux mesures décrétées.

Le phénomène de la pollution reprend son ampleur comme avant les protestations et la lassitude s'est installée parmi les citoyens qui ont perdu espoir de voir cette usine se plier aux règlements et respecter les normes en vigueur.

Déliquescence du métier de pêche maritime

La pollution aux eaux industrielles usées dans la ville de Monastir provient des industries de traitement des matériaux dans les usines de lavage, de teinture de textiles, des industries chimiques et industries alimentaires.

Ce sont, pour la plupart, des activités polluantes qui s'installent non loin des agglomérations, comme l'unité de teinture de cuir à Moknine dont les eaux polluées sont directement déversées dans la rivière " Elghssil " menant à la sebkha de Moknine.

Cette industrie, perçue comme une source de grands soucis pour les habitants de la ville notamment en raison des odeurs nauséabondes qui s'en dégagent, n'hésite pas à exploiter de grandes quantités d'eau, à recourir à des produits chimiques et à rejeter les eaux industrielles polluées sans le moindre traitement dans les milieux naturels vulnérables surtout dans le golfe de Monastir, la sebkha de Moknine et certaines rivières qui en sont dépendantes.

Cette situation écologique précaire se trouve aggravée par les eaux industrielles provenant de gouvernorats voisins, comme celui de Sousse, qui sont déversées dans la rivière de Hamdoun au nord de la zone touristique de Skanes ou dans la sebkha de Moknine ainsi que les eaux industrielles venant du gouvernorat de Mahdia surtout des industries laitières et des unités de thon.

On se débarrasse d'une partie des eaux industrielles dans les canaux du réseau d'assainissement, dans des espaces à ciel ouvert, dans les lieux publics ou dans les zones agricoles, ce qui engendre d'importants changements écologiques et environnementaux, doublés d'un phénomène de pollution ayant porté atteinte aux écosystèmes déjà assez précaires surtout dans le golfe de Monastir qui accueille les eaux des usines de lavage et de teinture dans tout le gouvernorat où il y aurait soixante-dix unités (agréées et non agréées), toutes jugées très gourmandes en eaux et faisant usage de produits chimiques nuisibles.

Parmi les conséquences socioéconomiques de la pollution, la déliquescence du métier de pêche maritime dans la région surtout que la plupart des pêcheurs ne sont pas du tout outillés pour pratiquer la pêche en eaux profondes, alors ils se trouvent contraints soit à émigrer soit à intégrer -- pour certains d'entre eux -- des circuits illégaux (métier de passeur, etc... ).

La pollution industrielle a eu également un impact qui s'est fait ressentir au niveau de la pénurie des eaux disponibles pour l'irrigation dans le gouvernorat de Monastir suite aux forages anarchiques et l'exploitation abusive des eaux.

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