Six mois après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, la majorité des États d'Afrique se refusent à prendre parti pour ou contre Moscou. Une attitude qualifiée de " non-alignement " qui a plusieurs motivations.
Mercredi 2 mars, l'Assemblée générale de l'ONU avait adopté, par une très large majorité, une résolution exigeant que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l'Ukraine. Si le texte a été approuvé par 141 pays, 35 s'étaient abstenus. Plus de la moitié de ces derniers étaient des pays africains. Une décision qui s'expliquerait par la vision du bloc occidental, selon Paul-Simon Handy, chercheur à l'Institut d'études de sécurité (ISS), à Dakar.
" C'est peut-être un non-alignement dans le sens de ce que les pays se refusent de faire un choix face à un conflit qui est très complexe, que les Africains comprennent mal. Ils pensent que l'Occident (ou du moins l'Europe), les États-Unis et les pays alliés, sont très mal placés pour donner des leçons de morale internationale, compte tenu l'histoire récente où on a vu des blocs occidentaux remettre en question la souveraineté d'États comme en Libye, et l'Irak récemment ", affirme-t-il au micro de Claire Fages du service Afrique.
" Il y a une sympathie de plus en plus affirmée pour la Russie et son chef, le président Poutine. Cette fascination tient beaucoup moins de l'admiration du président Poutine que d'un certain rejet de ce que beaucoup de pays africains considèrent être des formes de néocolonialisme. La Russie apparaît surtout comme un partenaire sécuritaire et de défense en Afrique, à un moment où la construction d'États africains fait face à des assauts répétés qui remettent en question leur souveraineté ", continue Paul-Simon Handy.
" Il s'agit de répondre à la question : "dans quel système international est-ce que nous voulons vivre ?" Dans ce sens, je m'oriente vers les textes fondateurs de l'Union africaine, notamment la charte qui justement défend les principes d'intangibilité des frontières, de règlement pacifique des conflits, de l'inviolabilité de la souveraineté, autant de principes que la Russie est en train d'enfreindre ", commente le chercheur à l'Institut d'études de sécurité.
" Je ne pense pas qu'il soit dans l'intérêt des pays africains de cautionner un ordre international où le plus fort remettrait en question la souveraineté du plus faible. On pourrait d'ailleurs se poser la question de savoir quelle serait la réaction de pays africains, et même de l'Union africaine, si un grand pays africain envahissait un pays de plus petite importance. On serait dans un cas Russie-Ukraine dans l'espace africain, qui mettrait à mal la cohésion panafricaine prônée par l'Union africaine. "