Ile Maurice: Deshmuk Kowlessur "Nous surveillons de près les prix pratiqués sur le marché"

Protéger le pouvoir d'achat des Mauriciens est la priorité des priorités face à l'inflation. Dans ce contexte, la "Competition Commission" a aussi son rôle à jouer pour assurer que les prix des produits de consommation sont soumis à une concurrence saine, en faveur des consommateurs.

Le directeur exécutif de la commission revient donc sur ces sujets d'actualité, dont le rôle de la STC dans l'importation de produits de base et le secteur de la construction, entre autres.

Avec la montée de l'inflation, éviter les situations de monopole est important en soutien au pouvoir d'achat. Comment la "Competition Commission" s'assure que la compétition entre opérateurs commerciaux reste saine ?

Le mandat de la Competition Commission est de s'assurer que les conditions de concurrence soient équitables entre opérateurs, en protégeant le processus de concurrence des pratiques anticoncurrentielles qui peuvent être commises au détriment des consommateurs. Dans ce contexte, la commission est habilitée à examiner les accords et pratiques des entreprises ayant des activités commerciales à but lucratif. À cet égard, elle peut enquêter sur les abus potentiels de situation de monopole, les fusions anticoncurrentielles et les cartels.

Cependant, je tiens à faire ressortir que la loi sur la concurrence n'interdit pas une situation de monopole, mais elle couvre les conduites abusives des entreprises qui sont dans cette situation de monopole. La Competition Commission est donc habilitée à enquêter et à agir contre ces entreprises qui abusent de leur position dominante sur le marché en exploitant, directement, les consommateurs par des prix excessifs. Cela concerne aussi directement les possibles stratégies d'exclusion visant à évincer les concurrents d'un marché afin de consolider la position d'une entreprise au détriment des consommateurs.

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Pour entrer dans le vif du sujet, en effet, actuellement les consommateurs sont confron- tés à des hausses de prix de plusieurs produits. Celles-ci peuvent potentiellement être associées à des facteurs tels que la perturbation de la chaîne d'approvisionnement au niveau mondial et l'augmentation du coût du fret maritime suivant la pandémie de Covid-19 et le conflit russo-ukrainien, entre autres. Cela dit, l'exploitation opportuniste des consommateurs à travers des prix excessifs par des opérateurs locaux ne peut être écartée.

À cet effet, la commission surveille de près les prix pratiqués sur le marché et évalue les augmentations de prix des produits essentiels et autres produits clés, conformément aux dispositions de la loi sur la concurrence. En cas d'infraction à la loi, la commission appliquera des sanctions si elles sont justifiées. Il existe également un mécanisme permettant aux opérateurs et aux consommateurs de déposer des plaintes et de signaler d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles.

Dans le cas où elle détermine qu'il y a eu infraction, quelle est la force de frappe d'une enquête et d'une décision de la commission ?

La loi sur la concurrence confère à la commission les pouvoirs nécessaires et conséquents, pour nous permettre de collecter les informations qui nous sont pertinentes. Dans le cadre de ses enquêtes, la commission peut contraindre les entreprises à produire des informations et des documents importants et ordonner à ses représentants d'assister aux réunions de ces entreprises pour accumuler les faits et informations nécessaires. Dans certains cas, notamment en ce qui concerne les cartels qui sont secrets et discrets par nature, la Competition Commission peut pénétrer dans les locaux des entreprises concernées et les fouiller avec un mandat dûment autorisé par un magistrat.

Lorsqu'elle constate une infraction à la loi sur la concurrence, la commission a le pouvoir d'imposer des directives aux entreprises pour qu'elles cessent ou modifient leurs pratiques anticoncurrentielles, y compris celles des prix. La commission peut également imposer des sanctions financières allant jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise en infraction pour une période maximale de cinq ans. Les sanctions peuvent donc s'élever à plusieurs millions de roupies. À titre d'exemple, la commission a imposé des amendes de l'ordre de Rs 11 millions à des assureurs, une amende de Rs 30 millions pour un accord anticoncurrentiel concernant la fourniture de bière et une autre d'environ Rs 4 millions pour du gaz médical.

Il convient de souligner que les décisions de la commission d'imposer des directives ou des sanctions financières sont exécutoires par les entreprises concernées. En cas de non-respect, la Competition Commission peut avoir recours à un juge en chambre pour faire appliquer ses décisions.

Autant qu'on évite les abus de prix des produits de la consommation avec la "maximum mark-up" imposée aux importateurs, cela peut-il réduire la marge de manœuvre de compétition des prix entre opérateurs ?

La liberté de fixation des prix par des entreprises concurrentes est une caractéristique importante d'une saine concurrence sur le marché. Bien que le processus de concurrence vise à garantir les meilleurs résultats pour les consommateurs en termes de prix, dans certains cas, il peut y avoir des raisons valables pour une intervention du gouvernement. Par exemple, l'État est intervenu pour fixer les prix de produits de base, tels que l'oignon et la pomme de terre. Il existe également une maximum mark-up pour divers produits essentiels, tels que les produits pharmaceutiques et le lait en poudre.

"La loi sur la concurrence n'interdit pas une situation de monopole, mais elle couvre les conduites abusives des entreprises qui sont dans cette situation de monopole."

Récemment, le gouvernement a introduit une maximum mark-up de 20 à 25 % (avec une allocation spéciale de 2 %) pour une liste de 11 produits essentiels, dont le poisson en boîte, les tomates en conserve, le fromage, l'huile comestible, la margarine, les grains secs et les couches. L'objectif de la réglementation des prix peut être attribué à la protection des consommateurs, en particulier les plus vulnérables. Il faut savoir que la plupart du temps, les objectifs de concurrence et de protection des consommateurs sont compatibles. Toutefois, dans certains cas, la réglementation des prix peut avoir des conséquences indésirables pour la concurrence. Il est même possible que certains opérateurs puissent utiliser le régime de maximum mark-up pour exploiter les consommateurs. Pourtant, ce système est censé établir un plafond de prix plutôt qu'un prix fixe. La commission a donc lancé une étude pour évaluer l'effet de la réglementation des prix sur la concurrence et si cela se justifie, elle pourrait faire des recommandations au gouvernement.

Comment définissez-vous la concurrence ?

La concurrence est le processus de rivalité entre les entreprises pour la fourniture de pro- duits et de services aux consommateurs. Une concurrence saine se traduit par une baisse des prix, une amélioration de la qualité et de l'innovation, au bénéfice des consommateurs. La concurrence est également source d'efficacité tout au long de la chaîne d'approvisionnement dans la production et la distribution des biens et services. Elle contribue ainsi à la compétitivité internationale de l'économie.

La State Trading Corporation (STC) commence à fournir le marché de produits de consommation, à l'instar de l'huile. Autant que cela soulage les consommateurs, est-ce une concurrence saine vis-à-vis d'autres importateurs ?

Autre que son mandat cité plus haut, la Competition Commission a aussi un rôle consultatif dans les actions, de l'État ou de tout organisme public, qui peuvent avoir un effet néfaste à la concurrence dans la fourniture des biens et services. Des opérateurs privés ont exprimé des inquiétudes sur les possibilités de concurrence déloyale avec la STC qui fournit de l'huile comestible subventionnée sur le marché. À cet égard, la commission évalue s'il y a, en effet, un impact négatif sur la concurrence qui serait préjudiciable aux consommateurs. Par la suite, la commission soumettra ses recommandations au gouvernement. Il convient de souligner que la commission a, dans le passé, émis plusieurs recommandations que cela concerne la fourniture du ciment, la transformation du porc, la ferraille, l'abattage des bovins, l'huile comestible et les produits pharmaceutiques entre autres.

Le fait que la STC travaille avec un seul distributeur pour distribuer l'huile Smatch, ne fausse-t-il pas la concurrence ?

La loi sur la concurrence, les règles et les directives qui en découlent, définissent claire- ment le champ d'intervention de la Competition Commission. Lorsqu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'une pratique commerciale est restrictive, c'est-à-dire qu'un abus de monopole, qu'un cartel ou qu'une fusion anticoncurrentielle, se produit ou est susceptible de se produire, le directeur exécutif de la commission a le devoir d'enquêter sur la question. Les accords de distribution qui ont un impact négatif sur la concurrence sont soumis à l'examen de la Competition Commission. Dans ce cas précis, nous devons rassembler tous les faits et évaluer la conduite avant de parvenir à une conclusion.

Sans concurrence saine, les prix et les bénéfices des entreprises augmentent, tandis que les salaires des travailleurs di- minuent. La "Competition Commission" s'est longtemps penchée sur le secteur de la construction. Face à la montée des prix, quelle est la situation actuelle ?

En général, la Competition Commission entreprend des études de marché afin d'examiner les conditions de concurrence dans un marché ou une industrie particulière. L'objectif est d'évaluer la dynamique de la concurrence et d'identifier les problèmes, s'il y en a. L'étude relative à l'industrie de la construction s'est concentrée sur les aspects clés qui caractérisent l'industrie, tels que les normes et les standards, le processus d'enregistrement des entrepreneurs et des consultants, les prix des matériaux de construction et des services professionnels et le processus d'appels d'offres, entre autres. Le rapport de l'étude couvrant le secteur de la construction a fourni des informations utiles aux opérateurs existants ainsi qu'aux futurs entrants sur le marché, afin qu'ils puissent prendre des décisions commerciales éclairées. De plus, les informations sur les conditions du marché étaient destinées à aider les consommateurs à faire leur choix.

Il convient de souligner que l'étude du marché de la construction a été achevée en 2018 et que depuis, certaines dynamiques de la concurrence, en particulier les prix de la construction, ont changé. Dans la conjoncture actuelle, les prix de plusieurs produits en relation avec la construction ont augmenté. Au niveau de la Competition Commission nous surveillons ces prix en vue d'identifier et de traiter les comportements abusifs potentiels. Dans le même temps, nous invitons les parties prenantes à signaler tout comportement anticoncurrentiel suspect.

Freiner temporairement certaines importations pour laisser la place à l'industrie locale, est-ce une entrave à des prix compétitifs et à la concurrence saine ?

La Competition Commission est un partisan de la concurrence dans un marché libre. Il faut toutefois reconnaître que le gouvernement a des objectifs socio-économiques plus larges. Les politiques concernant les restrictions à l'importation ou la protection de l'industrie locale auront une incidence sur la concurrence sur les marchés. Il est donc important d'évaluer l'impact d'une telle politique sous tous les aspects, y compris la concurrence, avant de prendre une décision. Dans certains cas, il est nécessaire d'équilibrer les objectifs socio-économiques dans des circonstances données.

Récemment, les stations-service se sont élevées contre les commissions de près de 30 % prélevées par les banques sur leur marge. Qu'en pensez-vous ?

Nous avons appris, par la presse, que les stations-service ont indiqué que la retail markup appliquée sur les produits pétroliers contrôlés est faible et qu'elles ne peuvent donc pas se permettre d'accepter les cartes de paiement en raison du niveau actuel de la commission des services bancaires aux commerçants. Il convient de souligner que le paiement par carte offre plusieurs avantages aux commerçants en termes de risques, de coûts et de facilités par rapport au paiement en espèces. En tant que tel, les commerçants doivent évaluer les coûts relatifs à l'acceptation des paiements par cartes par rapport aux avantages dont ils bénéficient. Il faut toutefois souligner que la commission des stations-service doit rester compétitive afin d'inciter les commerçants à accepter les cartes.

La Competition Commission a enquêté à ce sujet et notre enquête sur le taux d'interchange, qui est l'une des composantes de la commission applicable aux stations-service, a identifié un potentiel problème de concurrence. Cela se rapporte au niveau actuel d'interchange qui n'est pas propice à la concurrence étant donné la structure actuelle du marché, avec deux banques qui représentent un pourcentage important des cartes en circulation et donc de commerçants acceptant les paiements par carte bancaire. Afin de renforcer la concurrence sur le marché, la commission a estimé qu'il était important d'abaisser le niveau du taux d'interchange. Le cas est en Cour suprême, les parties concernées ayant fait appel de la décision de la commission.

Néanmoins, d'après les informations que nous avons recueillies au cours de notre enquête, le taux d'interchange et la commission des stations-service sont inférieurs à ceux d'autres segments tels que les supermarchés. Dans ce cas, la commission s'est avérée être inférieure à 2 % en raison de la commission d'interchange inférieure d'environ 0,6 %.

Quels changements à la "Competition Act" aideraient à renforcer vos actions ?

Cela fait plus de 12 ans maintenant que la Competition Act 2007 est mise en application par la Competition Commission. Au cours de cette période, nous avons noté certains aspects clés qui doivent être revus afin de promouvoir un environnement propice à la concurrence à Maurice. Parmi les changements proposés, nous pensons qu'il est nécessaire d'introduire des sanctions financières en cas d'abus de situation de monopole. Les amendes auront un effet dissuasif et permettront en même temps à la commission d'imposer des sanctions aux entreprises qui abusent de leur position sur le marché.

Il est également nécessaire d'aligner notre cadre de contrôle des fusions sur les régimes internationaux en matière de concurrence, notamment en examinant les avantages de l'introduction d'une procédure de notification obligatoire en cas de fusions d'entreprises. La nécessité de renforcer nos outils et nos pouvoirs d'investigation pour une meilleure détec- tion et des actions d'application est également ressentie, incluant les pouvoirs et le mandat pour mener des investigations de marché afin d'identifier et de traiter les pratiques/problèmes de marché.

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