Burkina Faso: Réaction du PM sur les propos de l'ambassadeur de France - Et pan sur le bec du gallinacé!

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Militant syndicaliste (AESO, ANEB) dans une autre vie universitaire, puis chef d'entreprise (Ndlr : Il était DG du cabinet IPSO Conseils), il avait été nommé le 3 mars 2022 Premier ministre du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, qui avait le 24 janvier précédent renversé le président Roch Marc Christian Kaboré, un peu à la surprise générale tant, le nouveau PM semblait avoir définitivement tourné le dos à l'action militante.

Quelque six mois après, il a accordé son premier grand entretien à Jean-Emmanuel Ouédraogo de la RTB et à Paul Miki Rouamba d'Oméga TV, le mardi 23 août dernier. Un exercice de redevabilité dont il s'est acquitté pendant 1h 15 mn.

Même si l'aspect charnel a pâti du débit lent, voire monocorde par moments, le ton était posé, comme pour mieux s'assurer que son propos pénètre véritablement son auditoire.

Comme il fallait s'y attendre, le péril sécuritaire, qui tourmente les Burkinabè depuis sept longues années, aura été le fil rouge de ce rendez-vous cathodique d'Albert Ouédraogo avec ses compatriotes.

Il s'est invité dans les chaumières alors que pour de nombreux Burkinabè l'insécurité, qui a servi de rampe de lancement au lieutenant-colonel Damiba pour se hisser au faîte du pouvoir, n'a pas vraiment reculé. Les attaques contre les FDS, les VDP et les civils continuent, le dynamitage des ponts aussi ainsi que la destruction de certaines infrastructures socioéconomiques. Sans oublier le flot ininterrompu de personnes déplacées internes qui grossissent chaque jour un peu plus pour culminer aujourd'hui à autour de 2 millions.

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Ce drame sécuritaire et humanitaire ne semble pas pour autant entamer l'optimisme du locataire de la Primature. Morceaux choisis: " Je voudrais dire que je suis un Premier ministre tellement conscient des enjeux liés à sa mission et je voudrais vous assurer que je suis plus que jamais déterminé à mener ce combat avec le peuple jusqu'à la victoire finale"; "Le sursaut patriotique est en train de se mettre en place"; "Ceux qui nous attaquent pour la plupart sont des Burkinabè. Ce qui nous permet de dire que nous pouvons parler à nos frères et leur dire de revenir à la raison".

Si l'on croit ce que le chef du gouvernement professe, les conditions matérielles, financières et en matière de renseignement seraient réunies pour continuer de tailler de sérieuses croupières à ceux qui ont juré notre perte et dont un travail de profilage a été fait.

En réalité, l'exercice confinait par moments au funambulisme politique : donner suffisamment de détails pour montrer à quel point le problème est pris à bras-le-corps et géré comme il se doit par les autorités, mais en même temps ne pas en dire trop au risque de trahir quelques secrets défense.

En tout cas, on aura noté une certaine maîtrise de ses dossiers, que ce soit sur le fléau qui nous donne des cauchemars ou sur des questions socioéconomiques (bonne gouvernance, lutte contre la corruption ; rapports avec les partenaires sociaux, vie chère, etc.).

Les 75 minutes chrono auront-elles suffi pour convaincre ses concitoyens de sa détermination à vaincre l'hydre sans pour autant sacrifier les autres priorités nationales. Chacun se fera juge.

Mais s'il est une question qui va faire polémique, c'est celle relative à nos relations avec l'ancien colonisateur français et les appels du pied d'une partie de l'opinion burkinabè qui appelle ouvertement à chasser le Coq gaulois de sa basse-cour burkinabè pour aller se blottir contre les grosses pattes de l'Ours russe. Une revendication que le chef du gouvernement dit comprendre: "Nous ne pouvons pas continuer à rester sourd et insensible face à ces revendications... Il faut qu'à un moment donné nous puissions regarder cela". Puis d'enfoncer le clou lorsque le journaliste l'interroge sur les propos de l'ambassadeur de France, Luc Hallade, qui, à la faveur de la fête française du 14-Juillet, a parlé d'idiots utiles au sujet de ceux qui seraient stipendiés par la Russie : " Comme tous les Burkinabè, j'ai été indigné et outré par les propos tenus par un ambassadeur aussi respectable que Monsieur Hallade et qui représente un pays aussi respectable qu'est la France, que nous appelons affectueusement la patrie des droits de l'Homme, la patrie de la liberté d'expression par excellence. Nous avons mal vécu ces propos, mais il faut dire que le gouvernement a réagi et je ne voudrais pas revenir encore plus sur la question. Le gouvernement a fait un communiqué et l'intéressé s'en est excusé. Mais, permettez-moi de dire une chose. Nous avons une jeunesse africaine, particulièrement burkinabè, qui est devenue de plus en plus consciente, éclairée et décomplexée. Et ceux qui n'ont pas encore compris cela, ce sont eux les vrais idiots." Et pan sur le bec du gallinacé !

Les oreilles du plénipotentiaire tricolore doivent avoir sifflé et nul doute que ces propos feront des vagues sur les bords de la Seine.

On ne peut pas imaginer que c'est un simple dérapage verbal. Sans doute Albert Ouédraogo a-t-il choisi de faire dans la sincérité quitte à choquer et à froisser le partenaire historique du Burkina qui ne serait pas à l'abri de tout reproche et dont l'image, il est vrai, est de plus en plus écornée à travers l'Afrique.

De là à amorcer le divorce à la malienne, il y a un pas qu'il serait imprudent de franchir. Pour le moment.

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