Tunisie: Daniel-Alexander Schroth, directeur Énergie renouvelable et efficacité énergétique à la Banque Africaine de Développement, à La Presse - "La BAD est prête à soutenir la mobilité électrique en Tunisie"

28 Août 2022

La Tunisie a tous les moyens de réussir sa transition énergétique, affirme Daniel-Alexander Schroth, directeur énergie renouvelable et efficacité énergétique au sein de la BAD, à La Presse.

Il souligne, cependant, que l'amendement du cadre réglementaire est indispensable pour drainer les investisseurs privés et donc financer les projets d'énergies propres. Il a, par ailleurs, déclaré que la BAD est prête à travailler avec la Tunisie pour y soutenir la mobilité électrique.

Quel état des lieux dressez-vous de la transition énergétique en Afrique et particulièrement en Tunisie ?

Il faut tout d'abord souligner qu'en Afrique, il y a deux grands paradoxes. D'un côté, l'Afrique ne contribue que très peu au changement climatique. Historiquement, l'Afrique ne contribue qu'à hauteur de 4% des émissions de gaz à effet de serre. Mais en même temps, c'est le continent africain qui est le plus affecté par les effets du changement climatique.

Le deuxième paradoxe, c'est qu'à ce jour, près de 600 millions d'Africains n'ont pas accès à l'électricité, et plus de 900 millions n'ont pas accès à des cuissons propres avec tous les effets négatifs en termes de santé, mais aussi d'environnement comme la déforestation. En même temps, c'est l'Afrique qui a un potentiel d'énergies renouvelables énorme, et ce, dans les différents types d'énergies propres.

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Il y a le solaire qui peut être développé partout dans le continent, et aussi en Tunisie. Il y a également l'éolien qui peut être utilisé dans plusieurs pays africains ou la géothermie qui peut être développée, notamment en Afrique de l'Est, et l'hydro en Afrique centrale. Voilà le contexte général de la transition énergétique en Afrique. L'opportunité pour l'Afrique dans le domaine des énergies renouvelables est très claire, notamment avec les avancées technologiques et la réduction des coûts. Cependant, plusieurs aspects doivent être renforcés. Le premier aspect, qui est très important, est lié au système de transport d'électricité parce que dans beaucoup de pays africains, ces systèmes sont dans un état lamentable.

Donc, c'est difficile d'intégrer des taux d'énergies renouvelables, notamment les énergies intermittentes, comme le solaire et l'éolien, dans le système électrique. Par ailleurs, il faut que ces systèmes soient également robustes pour assurer les interconnexions entre les différents pays. Car l'interconnexion entre les pays est très importante. Par exemple, l'interconnexion entre le Burkina Faso, où on bénéficie du solaire pendant la journée, et la Côte d'ivoire, où on utilise l'hydroélectricité, permet d'avoir des échanges électriques et de bénéficier des avantages comparatifs des différents pays. Cette intégration régionale est très importante.

Un autre aspect est lié au financement. Clairement, les coûts de la transition énergétique sont élevés. Selon les estimations de l'Agence internationale de l'énergie, ils s'élèvent à près de 100 milliards de dollars par an d'ici à 2040, ce qui dépasse largement les investissements actuels dans le secteur.

Il est clair qu'il faut mobiliser plus d'investissements et ces investissements ne peuvent pas venir du secteur public avec toutes les difficultés liées à la soutenabilité de la dette dans beaucoup de pays en Afrique. L'investissement doit donc venir du secteur privé. Ainsi, la question à laquelle il faut répondre serait comment on peut attirer plus d'investissements privés ? Et si je parle du secteur privé, il ne s'agit pas uniquement du secteur privé international, mais aussi du secteur privé africain.

Et là, une institution comme la BAD a un rôle très important à jouer parce qu'on peut utiliser nos instruments pour attirer davantage d'investisseurs privés, notamment avec les financements concessionnels et à travers des facilités qu'on a à notre disposition telles que notre "Sustainable Energy Fund for Africa" (Sefa) qui a vraiment eu un impact assez important et qu'on a augmenté avec les contributions de plusieurs partenaires au cours de ces dernières années.

Si la Tunisie rencontre ces mêmes difficultés, pensez-vous qu'elle peut atteindre son objectif de 30% d'énergies renouvelables dans le mix énergétique à l'horizon 2030 ?

La Tunisie a tous les moyens d'achever cet objectif. Évidemment, cela nécessite, des interventions au niveau du cadre politique réglementaire. D'ailleurs, j'ai eu l'opportunité d'en parler un tout petit peu pendant la session avec madame la ministre. Il y a beaucoup de choses qui sont en cours de réalisation. Il y a de grands investissements qui sont en train d'être mis en place dans le domaine des énergies renouvelables. Nous sommes d'ailleurs impliqués dans l'une des centrales solaires à Kairouan qu'on espère financer.

Effectivement, ce potentiel est là, et j'ai confiance avec toute la capacité que la Tunisie a à sa disposition, et aussi avec l'expérience de la Steg et des acteurs privés, que cet objectif est réalisable.

Est-ce que la Tunisie pourrait tirer profit de la tendance mondiale de la transition vers la mobilité électrique ?

Je crois que la Tunisie a tout d'abord une industrie assez importante dans la filière automobile. Elle est en train de s'adapter à ces changements et d'être proactive et je crois que cela lui permettra d'être vraiment parmi les pays qui bénéficient de ce changement.

Est-ce que la BAD soutient la mobilité électrique en Tunisie ?

Pas encore. La mobilité électrique est un sujet qui devient de plus en plus important chez nous, mais c'est toujours un sujet émergent. Mais nous avons soutenu, grâce à notre assistance technique, la Tunisie dans le développement de sa stratégie industrielle et effectivement on est bien prêt à travailler avec la Tunisie, à identifier et préparer les projets qu'on pourrait, ensuite, financer, soit du côté du secteur public, mais également du côté du secteur privé. Nous avons les deux guichets de financement qui sont disponibles.

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