Cameroun: Dikolo - Année Blanche et sèche pour les enfants des déguerpis

La commission ad-hoc mise sur pied par le gouverneur sur l'affaire Dikolo semble avoir été du bluff " Anne Gemimah, 14 ans, passe en seconde : " je suis parti à l'école le matin. J'ai laissé ma grand-mère à la cuisine. Au retour, je n'ai plus trouvé notre maison. J'ai perdu la moitié de mes cahiers alors que je préparais le Bepc. Mon père qui fait la moto s'est réfugié chez son ami. Ma grand-mère et moi dormons à la véranda de sa camarade ".

La commission ad-hoc mise sur pied par le gouverneur sur l'affaire Dikolo semble avoir été du bluff.

Tout porte à croire qu'il s'agit d'un enter- rement de première classe. Les maisons aveuglement détruites seront elle recons- truites ? Après les familles déguerpis sans titre de Dikolo, à l'approche de la rentrée scolaire, les gosses désormais désorientés sortent du silence et crient leur mal être. Les jeux d'adultes touchent durement les enfants des parents spoliés et menacés par une année blanche et sèche.

Pancartes à la main, ils ont arpenté les rues de Douala pour sensibiliser les habitants sur le danger scolaire dont ils sont victimes. Leurs ques- tions écrites à l'encre du désespoir fusent: " ou sont nos maisons? Ou sont nos car- tables "? La rentrée scolaire s'annonce être une rentrée " colère " pour les enfants non- inscrits de Dikolo.

Une catastrophe scolaire. Ils sont si tristes. Cette cinquantaines d'enfants perdus au milieu des embouteillages de " Shell New Bell, Mobil Njo njo, poste de Bonanjo, Mobil Bonakouamouang, Bonassama, rond-point Deido, rond-point Maetur Bonamoussadi" ; partout où ils sont passé avec leur pancar- te, on a frisé l'émeute au milieu de la compassion que leur témoigne les usagers de la route... Ils ont ensuite " chuté " sur le site en ruine qui témoigne de l'horreur.

%

Le regard insoutenable de Loïc avec sa plaque au milieu des ruines de Dikolo en dit long. Regard perdu dans cette ilot de violence aveugle ; cette cupidité des pré- dateurs " républicains " questionne l'Etat : qu'est devenu le " berceau de nos ancêtres ". Que vont devenir les enfants désormais sans berceaux, retirés qu'ils sont de l'hymne nationale ânonné à chaque rentrée ?

Crédibilité douteuse Pas de maison dans ce berceau de la barbarie à ciel ouvert qu'est Dikolo où l'Etat, par le truchement du préfet du département du Wouri, a fait détruire sans discernement quatre hectares d'habita- tions. "Rendez-nous nos maisons "! S'exclame Loïc Emmanuel, 5e anglophone : " school is starting. We are lost every thing ". Nicole Etame 13 ans, CMII : " rentrée sans abri, sans école. " ; Chris Salvador 11 ans, CMI : " ni toit, ni cahier ". Rappelons que l'affaire devenu Dikologate commence en réalité en 2005.

Lors des discussions autour de la question du site de Dikolo prévu pour abriter un " important projet hôtelier ". En 2015 le sujet est remis au gout du jour. Le Mindcaf signe l'arrêté 00329/Mindcaf/Sg/D1) du 17 avril décla- rant d'utilité publique la construction de l'hôtel Hilton de Douala.

En 2018, la ministre des Domaines, du cadastre et des affaires foncière, Jacqueline Koung à Bessikè, fait le constat de la " défaillance du promoteur ", Olivier Chi Nouako, dont la crédibilité commence à susciter des interrogations. Malgré le doute qu'il suscite, il avait des défenseurs jusqu'au premier ministè- re. En plus de la défaillance, le Mindcaf constate aussi la caducité de l'arrêté sus-mentionné.

En 2019, apparait l'arrêté 00033/Mindcaf/A010 signé le 4 mars tou- jours pour des besoins d'utilité publique, par le même promoteur, Chi Nouako pour la construction de l'hôtel Marriott. Sans attendre que l'arrêté soit caduc, le Premier ministre entre en scène en 2020. Son arrêté, le N0 2020/004/PM est très spécial. Selon ce dernier arrêté la cause d'utilité publique est assortie de la men- tion " incorporation dans le domaine privé de l'État".

Cela s'appelle un passage en force qu'apparemment rien ne justifie si ce n'est une volonté de déposséder les familles de leurs biens en violant toutes les règles en matière de Dup et d'expro- priation. C'est sur la base du texte du Pm que le préfet va ordonner la destruction de Dikolo.

Mafia Les destructeurs passent à l'acte le 14 mai 2022. Ils n'y vont pas de main morte. La démolition est violente. Psychologiquement insoutenable. Pas de traitement particulier pour les tombes ou les sépultures qu'on croyait jusque-là sacrés et inviolables dans la tradition afri- caine. Pour des raisons d'intérêts inavoués, le déguerpissement concerne une superficie de 4 ha or la Dup porte le chiffre de 2 ha. La mafia a " schématisé " 2ha supplémentaires.

Au-delà des irrégularités qui ont entaché la procédure d'expropriation à Dikolo, une question revient à toujours à l'esprit : l'Etat peut-t-il causer du tort à 63 familles juste pour satisfaire les intérêts des représentants de l'administration ? Dans l'esprit de la loi, utilité publique renvoie à un hôpital, un établissement scolaire pas un hôtel. Tout porte à croire que les personnages actifs sont au service d'une mafia forcément, la plus active dans la prédation foncière. Et les enfants trinquent... Rendez-nous nos cahiers criaient ils ?

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.