Madagascar: Ikongo - Une tentative de vindicte populaire vire à un accrochage meurtrier

Le commandant de la gendarmerie a lancé un appel au calme

Venue arracher pour lynchage quatre individus arrêtés pour avoir enlevé un enfant albinos après avoir assassiné sa mère, la foule s'est déchaînée sur la caserne de la gendarmerie. Les gendarmes ont fait parler la poudre lorsque l'extrême limite a été franchie.

Effusion de sang à Ikongo. L'attaque de la caserne de la gendarmerie a fait onze morts et dix-huit blessés par balles selon les chiffres officiels. Des sources sur place portent par ailleurs à trente-quatre le nombre de blessés lors de la fusillade.

Ces scènes de désolation sont survenues dans la matinée aux alentours de 10 heures. Venue arracher au forceps à la gendarmerie quatre individus arrêtés pour avoir kidnappé un enfant albinos, après avoir sauvagement tué la mère, une foule vindicative, armée de coutelas et de tout un éventail d'armes a assailli la caserne.

" Le rapt a été commis dans le village d'Ambatolampy. Saisie d'émoi et de colère après l'enlèvement aggravé de meurtre, la famille des victimes s'est confiée à la gendarmerie et la quadruple arrestation s'ensuivait ", indique Jaonesa Zama, notable du district d'Ikongo. Selon ses explications, les nouvelles sur la capture des quatre individus se sont répandues comme une traînée de poudre. En un éclair, une cohue d'individus en état d'énervement total, armée et de surcroît prête à en découdre a investi les environs de la gendarmerie.

" L'officier de coordination a tenté de freiner l'avancée de la foule disloquée en entamant des pourparlers mais en vain. Des grenades lacrymogènes ont été lancées et des tirs de sommation effectués pour disperser la marée humaine mais sans résultat. Lorsque les assaillants ont franchi la limite ultime à ne plus franchir, les gendarmes sur place ont défendu leur vie ainsi que la caserne avec les armes dont ils disposaient ", lance pour sa part le général de division Andry Rakotondrazaka, commandant de la gendarmerie nationale.

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Regain de violence Le notable Joanesa Zama tire la sonnette d'alarme. " Nous nous retrouvons encore assis sur une poudrière. Il a juste fallu livrer à la foule les quatre individus afin d'éviter qu'il y ait des morts. La colère des familles des personnes abattues demeure. La foule risque encore de revenir à la charge. La solution la mieux indiquée serait d'initier une conciliation selon les us et coutumes locales, sous la diligence des notables locales, des élus et des autorités, plutôt que d'envoyer un renfort militaire armé ", poursuit-il.

Par sa part, la Commission Nationale Indépendante des Droits de l'Homme (CNIDH) débusque les failles pouvant expliquer cette situation malencontreuse.

" Le droit à la vie est l'émanation des droits humains. Sa protection est d'une première grandeur. La consécration à son respect est scrupuleusement garantie par les lois en vigueur et c'est d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle Madagascar a aboli la peine de mort en 2014. Les actes de vindicte populaire sont une atteinte grave au droit à la vie. C'est un fléau dévastateur qu'il convient de bannir de la mentalité ", confie Seth Andriamarohasina, président de la CNIDH.

En saisissant la balle au bond, il met un bémol sur la compréhension même des droits de l'homme.

" Les droits humains ne sauraient constituer un rempart pour justifier les attaques populaires contre les endroits protégés à l'instar des prisons ou des casernes. Le vœu de se faire justice, impulsé par les courroux, la colère et le désir de vengeance l'a malheureusement emporté d'où cette triste situation ", poursuit le président de la CNIDH.

La concrétisation de la mise en place d'un mécanisme de protection de personnes albinos par une base légale est par ailleurs évoquée.

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