Ile Maurice: Alexandre Barbès-Pougnet - "L'installation massive de drains est incohérente face à une urbanisation sauvage... "

interview

Alexandre Barbès-Pougnet est doctorant-chercheur en droit international de l'environnement, l'aménagement et l'urbanisme, ainsi que le secrétaire général d'En Avant Moris. Il nous parle des problèmes d'inondations à Maurice pour lesquels on fait un pas en avant et dix en arrière.

Pensez-vous que le pays soit prêt à faire face à la saison des grosses pluies ?

La réponse est négative à ce jour, pour plusieurs raisons. Bien que les autorités semblent vouloir résoudre le problème des inondations par l'installation massive de drains, cette solution m'apparaît comme largement insuffisante et surtout incohérente, face, notamment, à une urbanisation sauvage. Conséquence : une désertification de nos sols et l'assèchement de la nappe phréatique. De plus, en octroyant des permis de développement sur ou à une trop grande proximité des zones humides naturelles, cela empêche celles-ci d'absorber l'eau de pluie.Des que les nappes phreatiques arrivent a saturation.

Cela revient donc à faire un pas en avant et dix pas en arrière dans cette lutte. Atténuer les inondations nécessite tout d'abord de comprendre comment celles-ci surviennent, quelles en sont les principales causes, pour ensuite réfléchir aux possibles solutions.

Quelles sont les principales causes des inondations ?

Où que vous soyez sur la planète, le schéma reste le même. Lors d'épisodes de fortes pluies, l'eau descend depuis les points hauts des reliefs, appelés zone de production, et transite soit via des cours d'eau naturels, soit par ruissellement, vers les points les plus bas appelés zones de dépôt. Entre ces deux zones se trouve une zone intermédiaire que nous appelons la zone de transfert. Les zones de transfert et de dépôt sont généralement celles où sont installées les communautés humaines. Les inondations sont à la fois le résultat du cycle hydrologique et celui des aménage- ments de l'Homme.

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Sur le plan du cycle hydrologique, deux causes principales sont identifiées : les pluies abondantes, d'une part, et les sécheresses, d'autre part. Lors des épisodes de fortes pluies, l'eau dévalant le relief par des voies naturelles ou par des voies aménagées par l'Homme termine normalement sa course dans la zone de dépôt, où se concentrent les zones humides, bassins fertiles et forêts côtières. Cette zone dispose d'une capacité d'absorption importante mais pour autant limitée. Une fois sa capacité atteinte, le surplus d'eau s'accumule jusqu'à créer un gonflement hydrologique, ayant pour conséquence les inondations. Le beau temps prolongé et les fortes températures peuvent parallèlement être une cause d'inondation.

Et les activités humaines ?

À côté de cette cause naturelle se trouvent celles directement liées à intervention de l'Homme sur son environnement. Bien qu'elles soient nombreuses, nous ne retiendrons ici que l'étalement urbain et son corollaire, soit la destruction massive des zones humides et des espaces verts naturels, qui sont les principales surfaces d'absorption des eaux de pluie. Soulignons aussi la destruction ou l'obstruction des cours d'eau et drains naturels qui constituent, avec les rivières, des réseaux interconnectés permettant l'évacuation des eaux de pluies vers les zones humides.

Que faire ?

Afin d'éviter les inondations, nous devrions privilégier les haies vives comme les bambous ou buis ou encore créer des fascines à des distances déterminées. Cela permettra l'évacuation de l'eau. Il est nécessaire aussi de créer des passages (drains) pour éviter les habi- tations. Il faut aussi tenter de ralentir les flots, de casser la puissance des débits en aménageant des petits obstacles sur leur passage. Pourquoi pas en créant des grands espaces boisés, des chutes etc. ? Enfin, il faut nous assurer que le déversement des eaux de pluies canalisées par nos passages artificiels soit accéléré vers la zone de dépôt afin d'y être rapidement absorbée. À quoi cela servirait-il d'investir dans des infrastructures de canalisation si, en bout de chaîne, la capacité d'absorption des eaux par la zone de dépôt était inférieure à la quantité d'eau redirigée vers elle ? Il faudra ainsi remettre en cause la politique actuelle d'artificialisation des sols et la question de l'étalement urbain.

La population n'a-t-elle pas sa part de responsabilité ?

S'agissant de la responsabilité des citoyens et promoteurs, nous faisons face à un manque de discipline pathologique de ces derniers au regard des règles applicables matière de développement. Sans parler de la passivité totale de notre population concernant les questions liées au dérèglement climatique. Tant qu'un individu n'est pas touché personnellement, il n'agira pas. Or, l'effort doit être individuel pour un résultat collectif. J'estime toutefois que la plus grande part de responsabilité revient aux autorités qui ne semblent n'avoir aucune considération, pour ne pas leur faire l'insulte de dire aucune maîtrise, des questions liées à l'urbanisation responsable face au dérèglement climatique. Ce défaut de prévoyance politique est inquiétant, rien n'est fait pour que notre société soit correctement informée et préparée. Et que dire du grand laxisme de nos autorités chargées de faire respecter les lois et règlements et accessoirement des tribunaux ?

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