Ethiopie: La communauté internationale s'inquiète d'une reprise à grande échelle de la guerre

Des mères dans un camp de déplacés au Tigré, en Ethiopie.(Photo d'archives)

Depuis que les combats ont repris le 24 août dernier dans le nord du pays, plus précisément dans des zones frontalières de la région du Tigré, entre rebelles tigréens et gouvernement fédéral qui se rejettent la responsabilité d'avoir brisé une trêve observée depuis cinq mois, les deux camps sont encore loin de vouloir baisser les canons. Les protagonistes dans cette crise campent jusqu'à maintenant sur leur position d'en découdre avec la partie adverse par la voie militaire, en dépit des appels aux négociations lancés instamment à travers le monde.

L'armée éthiopienne a annoncé le même jour avoir abattu - à une date non précisée - un avion chargé d'armes destinées aux rebelles tigréens, qui avait " violé l'espace aérien éthiopien en passant par le Soudan ", une affirmation qualifiée de " mensonge flagrant " par Getachew Reda, un porte-parole des autorités rebelles du Tigré. Trois jours après, l'aviation éthiopienne a bombardé Mekele, capitale de la région du Tigré, marquant une escalade brutale dans les combats.

Le gouvernement fédéral du Premier ministre Abiy Ahmed n'a pas immédiatement confirmé cette frappe, mais a annoncé dans un communiqué son intention de mener des " actions " au Tigré, appelant la population à se tenir éloignée des cibles militaires. Il a en revanche démenti les accusations des rebelles selon lesquelles l'armée fédérale avait tué des civils, dont des enfants, et assuré que l'armée régulière n'a visé que des " cibles militaires ". Mais sans tarder, une première confirmation internationale qu'un jardin d'enfants a été touché est venue du Fonds des Nations unies pour l'enfance.

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Accusant les rebelles " d'intensifier leurs attaques ", le gouvernement a annoncé se retirer de Kobo, ville de 50.000 habitants située à une quinzaine de km du Tigré et à une centaine de km du site touristique de Lalibella. Ce qui a donné la possibilité aux rebelles d'avancer : ils ont dit " être passés à la contre-offensive " et pris plusieurs localités - dont Kobo - situées dans les régions de l'Amhara et de l'Afar et bordant la pointe sud-est du Tigré, autour de laquelle les combats se sont concentrés. Ces affrontements marquent une escalade redoutée par la communauté internationale qui s'inquiète d'une reprise du conflit à grande échelle et de voir annihilés les maigres espoirs de négociations de paix entrevus depuis juin, mais jamais concrétisés.

De nombreux appels à la cessation des hostilités

Les combats actuels sont les premiers d'ampleur signalés depuis une trêve conclue fin mars et jusqu'ici largement respectée, qui avait notamment permis une reprise progressive de l'aide humanitaire vers la région du Tigré, plongée dans des conditions proches de la famine. Face aux derniers développements de la situation, des observateurs déplorent l'envolée de l'espoir de dialogue. Les combats actuels doivent cesser avant qu'ils " ne dégénèrent vers un retour à une guerre à part entière ", a souhaité William Davison, analyste au centre de réflexion International Crisis Group. " Cette violation grave de la trêve est notamment un avertissement fracassant " à la communauté internationale pour qu'elle fasse en sorte que des négociations de paix " se tiennent réellement ", a-t-il estimé.

Alors que les combats se poursuivent sur le terrain, les réactions fusent de partout - de nombreux pays et organisations internationales, Union africaine (UA), ONU, France, Etats-Unis et Union européenne en tête, ont appelé à une cessation des hostilités et à une résolution pacifique du conflit. Avant la reprise du conflit, notamment durant les cinq mois de trêve, la communauté internationale s'est employée à convaincre les belligérants de discuter. L'organisation panafricaine a multiplié les contacts via son envoyé spécial, l'ancien président nigérian Olusegun Obasanjo. Des émissaires américain, européen et onusien se sont également rendus à Mekele, capitale du Tigré, début août.

Si le gouvernement comme les rebelles du TPLF, - parti qui dirigea l'Ethiopie durant près de trois décennies jusqu'en 2018 - se sont toujours dits prêts à des négociations pour mettre fin au conflit, plusieurs divergences persistent. Addis-Abeba veut que les discussions soient parrainées par l'UA et commencent " sans condition préalable ". Les rebelles refusent une médiation assurée par Olusegun Obasanjo, dont ils mettent en cause l'impartialité, et exigent avant toute discussion le rétablissement des services essentiels (électricité, télécommunications, banque, carburant...) au Tigré.

Le conflit en Ethiopie a éclaté en novembre 2020 quand le Premier ministre, Abiy Ahmed, a envoyé les forces gouvernementales au Tigré pour en déloger l'exécutif de la région, l'accusant d'avoir attaqué des bases militaires sur place après avoir contesté durant des mois l'autorité du gouvernement fédéral. Après avoir initialement battu en retraite, les rebelles ont reconquis lors d'une contre-offensive mi-2021 l'essentiel du Tigré.

Le bilan de cette guerre meurtrière, marquée par de nombreuses exactions commises par chaque camp, est largement inconnu. Mais elle a déplacé plus de deux millions de personnes et plongé des centaines de milliers d'Ethiopiens dans des conditions proches de la famine, selon l'ONU.

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