Niger: Une nouvelle loi nigérienne protège les droits des filles à l'éducation

Dans les écoles africaines, les filles enceintes et jeunes mères sont souvent confrontées à une forte stigmatisation de la part des autres élèves, des responsables de l'école et de leur communauté. L’absence de cours sur les questions sexuelles, ainsi que les attitudes discriminatoires, incitent de nombreuses adolescentes dans cette situation à quitter l'école et les dissuadent d'y retourner.
communiqué de presse

Dans près d'un tiers des pays africains, les filles sont confrontées à d'importants obstacles à l'éducation lorsqu'elles tombent enceintes. Mais cette situation est en train de changer. En 2019, le Niger a adopté une loi imposant aux écoles de permettre aux filles enceintes de poursuivre leur scolarité et de revenir après avoir eu leur bébé. Kaem Kapalata Machozi, chercheur à Human Rights Watch, s'est entretenu avec Mariama Mamadou, Directrice de programmes à Femmes, Actions et Développement (ONG FAD) Niger, au sujet des possibilités qu'offre cette loi de changer des vies, et sur les leçons ce que d'autres pays africains pourraient tirer de l'expérience nigérienne.

Que se passe-t-il normalement au Niger lorsqu'une jeune fille qui va à l'école tombe enceinte ?

Les filles qui poursuivent leurs études sans encombre après une grossesse sont des exceptions. Notre société voit d'un mauvais œil les filles qui tombent enceintes. Lorsque la grossesse est apparente, la jeune fille est obligée de révéler qui est le père de son enfant. La famille de la fille prend alors contact avec l'homme et lui demande d'assumer la responsabilité financière pour la jeune fille et pour la grossesse. Cela conduit généralement à un mariage forcé, sans aucun égard pour les droits, les souhaits ou l'avenir de la jeune fille. Parfois, la grossesse est due à un viol, mais la société encourage quand même l'homme à épouser la fille. Ce traumatisme aggravé a des conséquences durables sur les filles, dont la plupart se voient refuser l'accès à l'éducation après leur grossesse.

D'autre part, les filles qui refusent de révéler le nom de celui dont elles sont enceintes sont rejetées par leur famille. Leurs familles les punissent en les ignorant ou en leur parlant avec dureté. Il arrive que des filles aillent vivre avec leurs tantes, ou avec d'autres femmes de leur famille. Mais dans certaines situations particulièrement regrettables, les filles sont mises à la rue en étant obligées de mendier pour subvenir à leurs besoins, ce qui les rend vulnérables et les prive de tout accès aux produits de première nécessité.

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Élèves africaines

Le droit à l'éducation des filles enceintes et jeunes mères

Communiqué

Le Niger a adopté une loi visant à garantir que toutes les filles puissent rester scolarisées. Comment cette loi a-t-elle été adoptée ?

Pendant des années, des organisations comme Femmes, Actions et Développement (ONG FAD) ont fait pression sur le gouvernement pour qu'il protège légalement le droit des filles à l'éducation. Ce mouvement a persévéré et finalement, en 2017, le gouvernement a publié un décret visant à faire en sorte que les adolescentes enceintes et mères adolescentes puissent rester à l'école. Il a fallu attendre 2019 pour que le décret soit transformé en loi au Niger. Nous sommes fiers de pouvoir affirmer aujourd'hui que nous vivons dans un pays qui protège légalement l'éducation.

Pourquoi alors n'y a-t-il pas plus d'adolescentes enceintes et de jeunes mères qui restent à l'école ?

Cette loi n'est que le premier pas de ce combat. Le gouvernement devait faire un pas de plus en informant la population partout dans le pays de l'existence de cette loi, mais il ne l'a pas fait. Il a laissé à quelques organisations comme la nôtre le soin de faire connaître la loi, mais les organisations et les activistes ne disposent pas d'assez d'argent ou de ressources pour s'adresser à toutes les communautés du pays. Les droits des filles ne peuvent être pleinement protégés que si l'ensemble de la société est informé des nouvelles orientations prises par le gouvernement. Pour l'instant, seule une petite partie de la société est au courant de l'existence de cette loi.

Quel effet la loi a-t-elle eu sur les communautés qui en ont pris connaissance ?

Parmi les communautés avec lesquelles nous travaillons, les adolescentes enceintes et les mères adolescentes veulent aller à l'école. Ce sont les questions culturelles qui changent la manière dont les communautés répondent à l'appel à l'accès à l'éducation des filles. Le mariage des enfants est un problème au Niger. Beaucoup ont interprété l'adoption de cette loi comme une approbation automatique du retour à l'école pour les adolescentes enceintes mariées. D'autre part, les adolescentes non mariées sont toujours refusées par les écoles et rejetées par leurs familles. Des messages clairs, ainsi qu'un plaidoyer du gouvernement sont essentiels pour changer ces attitudes.

Les écoles doivent également accorder une attention particulière aux adolescentes enceintes. Elles doivent accueillir les filles enceintes et les encourager à rester à l'école. Les administrations des établissements scolaires devraient disposer de programmes de sensibilisation pour soutenir les filles et éliminer la stigmatisation au sein même de la communauté scolaire.

Grâce à ces mesures, les familles seraient également encouragées à mieux accepter les filles enceintes.

Le Niger a fait un pas en avant en promulguant cette loi. Que peuvent faire les autres pays africains pour imiter cet exemple ?

Le Niger n'est pas un pays riche. Mais la loi a été adoptée parce que le gouvernement a donné la priorité à l'éducation des filles. La protection de la scolarisation des filles n'est pas l'apanage des pays riches : tous les pays africains devraient également mettre l'accent sur l'épanouissement des filles par l'éducation.

Cette loi a vu le jour grâce au travail de plaidoyer inlassable des activistes et des organisations non gouvernementales en faveur des adolescentes enceintes et des mères adolescentes. J'encourage tous les Africains à faire pression sur leurs gouvernements pour exiger de telles protections de la part de leurs dirigeants. Je comprends combien il est difficile de faire changer les priorités d'un gouvernement. Mais les droits humains nous appartiennent à tous, et nous avons le devoir de continuer à faire pression sur nos dirigeants pour qu'ils protègent des droits aussi importants que le droit à l'éducation.

Kaem Kapalata Machozi

Chercheur, division Afrique

Mariama Mamadou

Directrice de programmes, Femmes, Actions et Développement (ONG FAD) Niger

Une jeune fille tenait la main d'un petit garçon à Agadez, au Niger, le 9 octobre 2018. Le taux de mariages précoces est élevé dans ce pays. © 2018 Scott Peterson/Getty Images

Kaem Kapalata Machozi

Chercheur, division Afrique

Mariama Mamadou

Directrice de programmes, Femmes, Actions et Développement (ONG FAD) Niger

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