Ile Maurice: Au Portugal - Álvaro Sobrinho accusé formellement de détournement de fonds

Celui qui avait fait tourner la tête à plusieurs personnalités mauriciennes, dont Ivan Collendavelloo, sera poursuivi pour avoir détourné l'argent destiné à un projet de logements sociaux en Angola. C'est ce qu'a décidé en mars le ministère public portugais.

Les 12 comptes suisses d'Álvaro Sobrinho auraient été utilisés pour recevoir des sommes détournées d'un vaste projet de construction d'un million de logements destinés notamment aux anciens combattants angolais. Le projet allait obtenir ou avait déjà obtenu le financement en 2009 mais n'est jamais sorti de terre. Carlos Rodrigues, le Chief Executive Officer (CEO) de la compagnie en charge du projet de logement, Jeosat Angola, a raconté aux enquêteurs portugais comment le milliardaire a pu le convaincre d'ouvrir un compte offshore dans les îlesVierges Britanniques et comment après le transfert des 750 millions d'euros vers ce paradis fiscal, Sobrinho et ses acolytes n'ont plus donné signe de vie, ont pris le contrôle de l'argent et usurpé son identité pour créer d'autres sociétés écrans et ouvrir plusieurs autres comptes bancaires. Les 750 millions d'euros allaient être levés par les soins d'une Management Company (MC) suisse, Weyhill, auprès d'un consortium de banques françaises et du Liechtenstein. Le déboursement devait être fait via Weyhill et d'autres MC vers le compte de Jeosat à la Banco Espírito Santo d'Angola.

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Carlos Rodrigues accuse Álvaro Sobrinho et ses partenaires de s'être servis de ce système complexe et opaque pour "prélever" plusieurs centaines de millions des 750 millions d'euros (Rs 33 milliards) du projet. On n'a pas spécifié le montant exact qui a disparu, mais contrairement à certaines juridictions, ce manque de précision n'a pas été un problème pour établir l'acte d'accusation contre Sobrinho. On parle aussi d'une tentative visant à permettre à la Banco Espírito Santo d'Angola de conserver 30 % soit 225 millions d'euros comme commission. La compagnie qui avait obtenu le contrat pour la construction de ces logements avait bénéficié d'une garantie gouvernementale pour lever ces 750 millions d'euros.

Thomas Sundell, le CEO de Weyhill, n'était pas d'accord avec la façon de faire de la banque angolaise et avait même écrit en 2010 au président angolais de l'époque, José Eduardo Dos Santos, lui disant que des émissaires de la Banco Espírito Santo d'Angola avaient essayé de le convaincre de transférer toute la somme de 750 millions d'euros à la succursale de la banque... à Dubaï, et non en Angola et en trois tranches comme initialement convenu. Lorsque Sundell a refusé, les émissaires de la Banco Espírito Santo (BES) d'Angola ont alors insisté pour qu'un tiers du montant (250 M d'euros) soit transféré vers la succursale portugaise de la banque.

Sundell avait encore une fois refusé "as there would be no money left to be sent to Angola (for the housing project)", avait-il expliqué dans sa lettre. Selon cette même lettre mise au jour par l'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), un consortium de journalistes internationaux qui avait enquêté et investigue toujours sur cette affaire, Sundell expliquait que la banque angolaise dirigée par Sobrinho à l'époque voulait obtenir ces 750 millions d'euros sans pratiquement payer d'intérêt aux banques françaises et liechtensteinoises pour ensuite les prêter à l'Angola à un taux d'intérêt élevé.

Malgré cette lettre au président angolais Dos Santos de 2010, Sobrinho aurait quand même créé aux îles Vierges Britanniques une société au nom de Jeosat Angola et un compte au nom de celle-ci ouvert à la BES de Dubaï. Et qui avait la procuration pour opérer ce compte ? Le Senhor Sobrinho...

Interrogé en 2010 par un journaliste d'OCCRP à ce propos, Álvaro Sobrinho l'a référé à la Banco Espírito Santo de Dubaï, tout en déclarant "dire que l'argent de Jeosat a été volé n'est pas exact". Et d'ajouter que la banque de "l'esprit saint" n'avait perçu aucune commission dans ce deal car le projet de construction de logement n'avait pu aller de l'avant parce que pas un sou de ces 750 millions d'euros n'a été déboursé. Tout bêtement. Et pourquoi pas de déboursement ? Le banquier angolais avait alors expliqué que la garantie accordée par le gouvernement avait été annulée depuis le 30 avril 2010. Alors que l'OCCRP était en présence d'un document émis quatre jours plus tard citant la garantie comme toujours valable.

Y a-t-il eu d'emprunts auprès des banques européennes ou pas ? Comme on le sait, les banques n'ont pas pour habitude d'étaler leurs pertes en public. Toutefois, selon l'OCCRP, au moins 20 millions de dollars ont été reçus comme emprunt par Jeosat. De plus, un mouvement suspect de 309,8 millions de dollars ou d'euros ou de devise angolaise, on ne le sait, a été noté. Ces sommes n'auraient jamais été reçues en tout cas pour le projet de construction de logements.

On a découvert également que durant cette même période, Álvaro Sobrinho avait ouvert 12 comptes au Crédit Suisse avec un dépôt initial de 72 millions d'euros (Rs 3 milliards). Interrogé, Sobrinho répondra d'un ton plutôt menaçant : "Crédit Suisse sait très bien pourquoi j'ai ouvert ces comptes et d'où proviennent mes fonds." Visiblement, les autorités portugaises n'ont pas voulu avaler cette grosse ficelle et le poursuivront pour détournement de fonds. Ce n'est pas le seul délit dont il est accusé, nous reviendrons sur les autres affaires.

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