Burkina Faso: Ramde Moussa, directeur de publication de CS Médias - " Que ceux qui sont allergiques aux critiques arrêtent les mauvaises pratiques "

interview

Provocateur, iconoclaste et souvent même polémiste, Ramdé Moussa est le directeur de publication de CS Médias. Spécialisé dans le domaine du sport et de la culture. Ce nouveau-né, dans l'univers des organes de presse en ligne, entend apporter, selon son auteur, sa contribution à la reconstruction du Burkina Faso, en favorisant la transformation des attitudes. " Il faut être proche des populations en traitant à fond les problèmes qui jalonnent leur quotidien. Ainsi, l'on répondra soit à leurs préoccupations, soit à leurs besoins informels ", a-t-il expliqué, lors d'un entretien qu il a accordé au journal " Le Pays " le mercredi 10 août 2022. Lisez plutôt.

C'est quoi CS Médias, et dans quel registre évoluez-vous ?

Je m'appelle Ramdé Moussa, consultant sportif à Burkina Info. Je suis également le directeur de publication de CS Médias qui est un média en ligne. Nous sommes situés à Nonsin. Nous évoluons dans le domaine du sport et de la culture.

Pouvez-vous nous donner les raisons pour lesquelles CS Médias a été créé ?

Nous sommes partis du constat que dans le milieu du sport et du football en particulier, il n'y a pas de médias qui a pour vocation de traiter exclusivement les informations sportives. Et quand j'ai fini mes études à l'université pour m'intégrer dans le milieu professionnel, j'ai ressenti le besoin de créer un média de ce type pour répondre aux attentes des Burkinabè qui veulent avoir des informations dans ce domaine. Nous nous sommes aussi dit que sport et culture vont ensemble. Ce sont deux secteurs d'activités qui intéressent la population. C'est ainsi que nous avons combiné les deux. Et c'est ce qui a donné CS Médias qui veut Culture et Sport Médias. Nous avons décidé de nous spécialiser dans ce domaine pour apporter notre contribution au développement du football burkinabè que nous aimons tous. Mais cela ne nous empêche pas d'intervenir souvent dans le social et dans l'économie. Mais notre ligne éditoriale demeure le sport et la culture. Pour me résumer, je dirais que nous sommes venus pour combler un vide.

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On a remarqué que vous balancez des informations qui, souvent, font l'objet de polémique. Ne craignez-vous pas des poursuites ?

Il faut dire que lorsque vous vous mettez sérieusement au travail, les gens vous suivent et les informations viennent d'elles mêmes. C'est comme si on demandait à un journaliste d'investigation, comment il fait pour se procurer certaines informations exclusives. Il ne vous dévoilera jamais ses sources au risque de se griller. En réalité, nous nous sommes assignés pour objectif de ne donner que la vraie information aux Burkinabè. Et généralement toutes les informations que nous donnons sont crédibles. Alors quoi de plus normal que les gens nous fassent confiance. Il arrive même souvent que des personnes nous appellent pour nous donner des informations parce qu'elles estiment que nous sommes dans la vérité. Il y a également les réseaux sociaux. Mais dans ce cas, nous essayons d'aller beaucoup plus en profondeur pour avoir plus de détail sur le sujet à traiter, parce que très souvent, ce qui se dit sur les réseaux sociaux est à prendre avec des pincettes. C'est juste pour vous dire que de nos jours, il y a deux méthodes pour traiter l'information. Surtout en ce qui concerne les médias en ligne. Il y a le sensationnel, et tout le monde le fait. Ceux qui ont les pages facebook officielles suivent les informations au quotidien qu'ils publient. Ça c'est du sensationnel. Je prends l'exemple d'un match où Bertrand Traoré marque un but, ou le cas où Dango Ouattara fait un geste d'anthologie. Celui qui est dans le sensationnel n'hésitera pas à le publier. Mais l'autre volet du traitement de l'information, c'est l'investigation. C'est à dire aller au-delà du sensationnel. Nous prenons le sensationnel et nous essayons d'aller en profondeur pour contacter les sources, voir si ce qui est dit sur les réseaux sociaux est fondé, parce que généralement ce qui est dit là- bas n'est pas forcément vrai. Ça peut être des rumeurs. Donc, nous essayons d'aller au-delà pour pouvoir en tirer le maximum. Nous avons pour objectif de traiter de façon professionnelle les informations dont nous disposons. Nous voulons aussi montrer aux gens que les réseaux sociaux peuvent aussi servir pour construire un média crédible.

" Il ne faut pas que le football burkinabè soit l'otage d'un groupe d'individus qui, au lieu de le servir, préfèrent plutôt se servir "

Avez-vous reçu des menaces ?

Jusqu'à présent nous n'avons pas encore reçu de menace. Par contre, on a frôlé un procès. Il y a aussi des injures. Des personnes qui, parfois, menacent de nous poursuivre en justice. Mais tout cela tourne autour des menaces verbales parce les concernés savent que nous sommes dans le vrai. Si quelqu'un s'hasarde de nous traîner en justice, c'est lui-même qui va perdre le procès. Je vous rappelle que nous avons vécu un cas similaire sur un dossier où la personne a menacé de me traduire en justice. En retour, je lui ai rétorqué que je suis disposé à aller répondre à la justice avec toutes les preuves dont je disposais. Je ne dirais pas son nom, mais c'est un président de club très connu dans le milieu. Notre bagarre concernait un joueur qu'il voulait faire jouer alors que ce dernier ne disposait pas de document administratif. Alors, quand j'ai dénoncé cela, il a menacé de me foutre un procès. Alors, je lui ai répondu que s'il nous traduit en justice et que nous sortons les preuves qui l'accablent, cela va lui coûter des sanctions (six à sept matchs perdus sur tapis vert). Finalement, il est revenu à la raison et tout est rentré dans l'ordre. Nous vivons au quotidien ce genre de situation. Mais cela ne pourra jamais nous détourner de notre objectif. Et d'ailleurs, nous sommes conscients du fait que nous avons choisi une voie qui n'est pas sans risque. Mais nous assumons notre choix. Le sport et le football en particulier, est devenu une mafia où il y a beaucoup d'argent qui circulent. Beaucoup de journalistes ont pris des sous avec certains gros bonnets du milieu et cela les empêche de dire certaines vérités, qui, pourtant, sautent à l'œil. Et quand un jeune média comme le nôtre essaie de se démarquer, de garder son indépendance, il va de soi que vous serez combattus. Mais cela ne doit pas constituer un obstacle pour nous parce que nous avons été préparé pour cela. Et par la grâce de Dieu, nous allons y arriver.

Ceux qui vous suivent au quotidien estiment que depuis un certain temps, vous vous êtes ramollis. Ils vous reprochent d'ailleurs d'être des pions de l'ancienne équipe dirigeante de la FBF.

Peut-être que c'est leur manière de voir et de penser. Mais en ce qui nous concerne, nous n'avons pas changé. Nous travaillons en fonction de l'actualité. C'est vrai qu'il fut un moment où l'actualité était dominée par la crise à la Fédération burkinabè de football. Et on ne pouvait pas passer sous silence cette actualité. CS Médias en a parlé comme tous les autres médias d'ailleurs. Nous avons donné notre point de vue sur la situation et c'était à chacun d'apprécier. Mais quand il n'y a rien à se mettre sous la dent, on ne va naturellement pas inventer des choses qui n'existent pas. Surtout que nous visons l'excellence.

Maintenant ceux qui disent que nous nous sommes ramollis, qu'ils attendent qu'il y ait un sujet qui interpelle les consciences pour voir si nous n'allons pas réagir. Le journaliste ne crée, ni ne fabrique l'information. Ce sont ce que les acteurs nous donnent que nous traitons. Tout dernièrement, quand il s'est agi du partage du butin à la Fédération burkinabè de football, nous nous sommes prononcés. Nous avons estimé que tous ces acteurs qui se battaient pour avoir des postes n'avaient qu'un seul et unique objectif, c'était de pouvoir bénéficier des retombées de la CAN. Voilà qu'aujourd'hui, les faits nous donnent raison. Cette réconciliation de façade à laquelle nous avons tous assisté a donné les résultats que nous savons tous. C'est ce genre de comportement que nous dénonçons. Il ne faut pas que le football burkinabè soit l'otage d'un groupe d'individus qui, au lieu de le servir, préfèrent plutôt se servir. Et c'est ce qui est bien dommage. Sinon, nous ne sommes contre personne. Nous dénonçons seulement certaines pratiques qui ont cours dans le milieu du sport burkinabè.

Vos sources de financement proviennent d'où ? Il se murmure que c'est un membre de l'ancienne équipe dirigeante qui serait derrière la création de CS Médias. La preuve, vous n'êtes pas souvent tendre avec l'actuelle équipe dirigeants sur le plateau d'une télévision de la place où vous intervenez en tant que consultant.

Vous savez, dans notre pays, on est tellement habitué à la malhonnêteté qu'on pense que certaines personnes ne peuvent pas travailler dans l'honnêteté. Quand j'entends cela, j'avoue que j'ai mal. C'est comme si nous vivons dans une société sans valeur. J'ai entendu certaines personnes dans notre milieu qui tiennent ce genre de propos. Comme ils ont toujours été dans les compromissions, les coups bas, ils pensent que tout le monde est pareil. Ils sont dans la logique que des jeunes de notre génération ne peuvent pas avoir de vision, le courage d'engager un projet sans passer par tous ces mics macs. Cela est déplorable. Quel exemple donnons-nous à nos petits frères ? Nous devons travailler à quitter dans ça comme disent les ivoiriens. Si vous savez le combat que nous menons au quotidien pour pouvoir faire vivre CS Médias, vous ne me croirez pas. Si j'avais ces financements dont vous parliez tantôt, je n'en serais pas là aujourd'hui. J'aurais même appris qu'on m'a offert un véhicule, vous comprenez. Mais peut-être que cela va se faire un jour mais pour l'instant ce n'est pas encore arrivé. Donc, les gens peuvent raconter ce qu'ils veulent. Mais ce qu'il faut retenir, c'est que CS Médias vit de ses propres ressources. Nous n'avons bénéficier jusque-là d'aucun centime de la part de qui que ce soit.

" Le sport et le football en particulier, est devenu une mafia où il y a beaucoup d'argent qui circulent "

Vous employez combien de personnes ?

Nous fonctionnons en ce moment avec quatre journalistes. Nous avons également deux stagiaires et deux correspondants. CS Médias s'est aussi attaché les services d'un chargé des affaires juridiques. Son rôle consiste à nous conseiller et à s'occuper du volet administratif. Vous êtes sans ignorer que nous avons parfois des articles assez poignants. Et c'est pour éviter des risques de diffamations et de poursuites judiciaires, que nous l'avons sollicité. Nous lui soumettons nos articles afin qu'il y jette un coup d'œil avant toute diffusion. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, les gens vont toujours continuer d'épiloguer, mais ils ne pourront jamais nous attaquer parce que nous travaillons de façon professionnelle. Nous ne balançons pas les informations au hasard. Tout ce que nous disons est matérialisé par des preuves. Maintenant pour ceux qui sont allergiques aux critiques, je voudrais leur dire de bien se comporter. Qu'ils arrêtent les mauvaises pratiques et qu'ils donnent le bon exemple à la jeunesse burkinabè.

Quelles sont les difficultés que vous vivez au quotidien ?

Nous avons beaucoup de difficultés au niveau de CS Médias. A ce propos, je ne partage pas du tout l'opinion de tous ceux qui pensent qu'on peut entreprendre en partant de 0. Il ne faut pas se leurrer. On ne peut pas partir de rien pour entreprendre un business. C'est ce que nous vivons en ce moment. Nous avons démarré avec nos téléphones portables. Et au fur et à mesure, nous avons pu acquérir quelques matériels pour pouvoir travailler. Mais je vous avoue que c'est vraiment difficile. A l'heure où je vous parle, nous manquons d'ordinateurs. Les deux ordinateurs dont nous disposons sont désuets et ne répondent plus aux normes. L'espace qui nous sert de studio n'est pas encore achevé. Notre plateau aussi laisse à désirer. Nous manquons presque de tout. Problème de lumière, de sonorisation, d'équipements de bureau. Bref, tout est primordial chez nous. Et cela me fait souvent sourire quand certaines personnes disent que nous sommes soutenus par des dirigeants de football. Si tel était le cas, je n'aurais pas de mal à me procurer un simple ordinateur pour mes collaborateurs. On m'a souvent prêté des intentions du genre. " Il est à la solde d'untel. C'est la raison pour laquelle, il se permet de dire certaines choses sur les plateaux télé ". Mais je le répète encore une fois, si c'était le cas, CS Médias ne serait pas à ce stade aujourd'hui. Notre slogan est " La vision de la nouvelle génération ", c'est-à-dire, voir les jeunes évoluer à partir de ce qu'ils ont.

Quelles sont les attentes de CS Médias dans l'univers médiatique où la concurrence devient de plus en plus rude ?

Nos attentes, c'est d'inviter toutes ces personnes qui sont passionnées de sport et d'informations justes et crédibles de nous appuyer à travers leur contribution. Nous manquons presque de tout. CS Médias est un média de jeunes burkinabè qui n'ont absolument rien. Mais nous pensons qu'avec nos idées et les contributions des uns et des autres, nous irons très loin. Nous sommes ouverts à toutes sortes de propositions. Pourvu qu'elles soient en adéquation avec nos ambitions. Nous rêvons grand. Nous avons pour vocation de devenir plus tard une web télé, une télé en ligne qui va couvrir le championnat national, vendre l'image de notre football. Déjà avec nos petits directs, des gens nous écrivent de partout à travers le monde, Canada, Turquie, des Etats-Unis et j'en passe. Ces personnes suivent notre championnat national.

Qu'est ce qu'on peut retenir de cet entretien ?

Ce que j'ai à dire, c'est qu'on nous juge à travers notre travail. Qu'on arrête de nous coller des étiquettes. Cela ne servira à rien parce que nous sommes déterminés. C'est d'ailleurs pour cela que nous n'avons pas eu de grands hommes dans notre pays. Je le dis parce que tous ceux qui ont tenté de l'être, on a travaillé à les éteindre. Je pense que cela est un échec pour notre Nation. Il ne faut pas aller dans ce sens. On a le droit de donner la vraie information. Et c'est ce que nous faisons au quotidien.

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