Tchad: Le dialogue national au Tchad et la crainte d'un bégaiement de l'Histoire

DNI : entrevue entre le PCMT et les Partenaires Sociaux.

Au Tchad, le présidium du dialogue national inclusif et souverain a été installé mardi 30 août en fin d'après-midi. Le président de l'organe chargé de diriger les débats, Gali Ngothé Gatta, a immédiatement tendu la main aux absents et les invite à rejoindre les discussions. Mais ces assises ne sont pas les premières que le Tchad ait connues.

En 1993, trois ans après la prise de pouvoir du défunt président Idriss Déby Itno, une grande Conférence nationale souveraine (CNS) s'ouvre le 15 janvier. Elle va durer trois mois et va servir de base à la construction d'un État démocratique au Tchad. Elle est encore considérée aujourd'hui comme un modèle de dialogue à suivre.

" À la CNS de 1993, il y a eu la souveraineté et le consensus. Les participants arrivaient à trouver des solutions et les décisions étaient réellement exécutoires, analyse le constitutionnaliste Ousmane Ouzibé. Il y a eu par la suite trahison et forfaiture. On a dérouté les recommandations de la CNS pour en faire quelque chose de politique. Aujourd'hui, le peuple veut mettre des garde-fous pour empêcher une répétition de l'Histoire, mais l'Histoire est têtue. La vieille classe politique de cette période est également associée au dialogue national actuel, elle ne veut pas lâcher. La jeunesse conteste vigoureusement cette façon de faire et veut plutôt le changement. "

Cette jeunesse souhaite justement éviter la répétition du scénario de 2018 et 2020, où des forums ont été organisés par le régime du maréchal Déby. Mais pour nombre d'acteurs de la société civile, ils ont surtout servi à saper les acquis démocratiques de la CNS, notamment avec la suppression du poste de Premier ministre et de la Haute cour de justice.

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" Ces forums étaient des monologues, ils n'ont réuni que les militants du Mouvement patriotique du salut (MPS, fondé par Idriss Déby Itno, NDLR). Les recommandations issues de ces forums ont aboli presque toutes les institutions mises en place par la CNS, juge Dobian Assingar, ancien président de la Ligue tchadienne des droits de l'homme, qui insiste pour que les autorités actuelles tirent les leçons du passé. Nous venons d'ouvrir le dialogue national inclusif et souverain, c'est vrai. Mais imaginez que d'ici novembre, après la saison des pluies, les différentes forces comme le parti des Transformateurs, la plateforme de la société civile Wakit Tamma, les groupes rebelles tels que le Front pour l'alternance et la concorde au Tchad (FACT), le Conseil de commandement militaire pour le salut de la République (CCMSR), qui ont une véritable frappe de feu, viennent tout remettre en cause. La sagesse aurait voulu que les autorités puissent y prêter attention, car nous risquons de tout recommencer à zéro. "

Le forum de 2018 était nécessaire, selon les soutiens du maréchal

Mais pour l'ex-secrétaire général du MPS, Mahamat Zen Bada, le forum de 2018 était indispensable. Il estime que le dialogue actuellement en cours n'est pas celui de la dernière chance, comme beaucoup le répètent, dont Mahamat Idriss Déby Itno, président du Conseil militaire de transition et fils du maréchal. M. Zen Bada pense au contraire que le Dialogue national inclusif et souverain qui vient de s'ouvrir peut améliorer les précédentes assises, tant que les groupes politico-armés posent les armes : " 1993 a jeté les bases des institutions démocratiques qui ont par la suite régi notre pays. Par rapport à aujourd'hui, je ne dirai pas qu'il y a eu recul, mais des choses n'ont pas été appliquées ou alors mal appliquées. Ce qui a relancé le cycle de la rébellion armée, et c'est cette dernière qui est un recul. En 2018, nous avions constaté que les institutions étaient lourdes, le forum a servi à en réformer un certain nombre pour alléger la marche de l'État. Ça a réuni les forces vives de la nation, même si quelques partis politiques et les groupes politico-militaires ne sont pas venus, bien que tous invités à ce forum. "

En revanche, l'ancien ministre et président du parti d'opposition Union pour la refondation du Tchad, Siddick Abdelkerim Haggar, actuellement à la tête d'une coalition d'une centaine de formations politiques, est favorable à un dialogue calqué sur le modèle de la Conférence de 1993 : " Si vous mettez dans la même salle 1400 à 1500 personnes comme pour le dialogue actuel, les résolutions seront totalement faussées. Finalement, ce n'est qu'une alchimie pour avoir une audience totalement acquise aux tenants du pouvoir. Ensuite, il faut que la souveraineté soit réelle. Or il y a le Comité d'organisation du dialogue qui se revendique également d'une certaine souveraineté dans la mesure où c'est lui qui décide des organes à mettre en place. Lors de la CNS a été installé un bureau d'âge qui a composé le présidium, il a approuvé le règlement intérieur et utilisait le vote par bulletin secret, refusé aujourd'hui. Pourquoi n'utilisons-nous pas les mêmes méthodes qui avaient produit de très bons résultats à l'époque? "

Le groupe de l'opposant fait justement partie de ceux qui boudent les débats, tant que le présidium actuel reste en place.

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