Madagascar: Vocodeur - Pas besoin d'être à la chorale pour être chanteur

L'autotune ! Ce logiciel qui embellit la voix, les chanteurs l'utilisent sans complexe à présent. La technologie a permis aux artistes de cacher leur handicap. " De nos jours, il n'est pas étonnant que tout le monde chante. Les matériels de traitement sonore de différentes marques inondent Behoririka, et les magasins des grandes villes. Donc tous les jours, les malgaches découvrent des chanteurs en herbe. Oui, des chanteurs qui chantent tous pareils ! ", selon un passionné de musique urbaine malgache.

Critiqué dès son avènement, le vocodeur est désormais à la mode. Les voix se transforment, les messages sont incompréhensibles. Actuellement, une dose d'Auto-Tune rend les fredonneurs célèbres. C'est sexy, c'est vendable ! Les moniteurs de studio deviennent des magiciens. On a plus besoin de justesse, de voix ! Merci vocodeur, il fait tout le travail. À Madagascar, si la chorale était le passage obligé d'un chanteur, dorénavant, la nouvelle génération a tous les matériels qu'il faut pour produire de belles chansons.

Des " instrumentaux " composés en 5 minutes, un hit enregistré en 30 minutes. Cette manière de faire est souvent critiquée par les anciens. Eux qui consacrent une journée voire une semaine à gratter leurs guitares, et un mois pour la prise vocale. Pour ces anciens, la mélodie doit être bien structurée. Elle est conçue par l'inspiration pure. Celle de la nouvelle est-elle polluée ? En réalité, chaque génération apporte une nouvelle tendance différente de celle des précédentes. Dans les années 1960 par exemple, les grand-pères d'aujourd'hui ont été critiqués par leurs parents lors de l'avènement du Rock'n'Roll, le Yéyé.

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Étant vieux, déphasés, déconnectés de la réalité, ils reprochent à leurs petits-fils d'avoir dénaturé la " bonne musique ". Cependant, la musique évolue. Si les chansons du terroir ont été chanté avec des battements de mains, elles sont composées par des instruments de musique entre 1970 et 1980. Les chanteurs de l'époque réinterprètent les paroles à leur manière. Ensuite, les mêmes textes seront également repris par les jeunes, c'est le cover.

Par ailleurs, les chansons se transmettent de père en fils. Effectivement, c'est de cette façon qu'on conserve les paroles des ancêtres. Diavolana, arô malemilemy sont des chansons de terroir inspirées par les ancêtres, et qui pourtant ne quittent pas les lèvres des enfants de l'an 2000. L'Auto-Tune joue également un rôle important dans la musique urbaine, bien qu'il soit blâmé. Le logiciel fait naître un style, un courant musical depuis le succès du rappeur américain T-Pain, quoi qu'il était déjà utilisé par le collectif Daft Punk, ou encore 2Pac dans California love en featuring avec Dr Dre. À Madagascar, l'autotune a été intégrée dans la musique à partir de 2008, les rappeurs et les chanteurs de RnB l'ont fréquemment usé pour se démarquer. En 2014, le dispositif de traitement du signal sonore prend de l'ampleur. La musique urbaine malgache change rapidement de sonorité. De leur côté, les adeptes de la musique tropicale, pour étendre leur influence, s'y mettent.

Honorez Barinjaka !

Il, est l'un des premiers chanteurs de kilalaky à en tirer profits. Au début, les connaisseurs du rythme montrent une certaine hostilité en écoutant le nouveau style que propose l'interprète de Patron n'aomby. Jugés trop lourds aux oreilles, les morceaux de l'artiste traversent toutefois les montagnes de la région Ihosy et les 12 collines de l'Imerina. Il a fallu attendre 2016 pour que Gadana soit un tube écouté par le grand public. Courageux, malgré les injures, Barinjaka arrive en haut du classement sans être essoufflé.

Il devient une grosse pointure et piétine ses concurrents. Le phénomène Barinjaka éveille l'ambition de la jeunesse malgache puisqu'il ne s'est pas avoué vaincu. Au contraire, il livre des spectacles, ses pas de danse et son hochement de tête impressionnent le public.

De ce fait, la musique a pris une autre dimension. Elle est électroniquement modifiée. Les instruments sont accrochés au mur. Tout est digitalisé. Les cordes des guitares se détendent, les planches rétrécissent, les musiciens sont presque au chômage. Maintenant, deux personnes occupent la scène, le DJ et le chanteur. Une fois que le dernier perd sa concentration, ou oublie ses paroles en plein live, il suffit de dire "pull up Dj" et redémarrer l'instrumental, le concert reprend.

Mixité:

Par ailleurs, l'influence venant de l'extérieur contribue à l'évolution exponentielle des sonorités. Le métissage musical s'avère le fruit de la mondialisation. Cela revient à l'uniformisation musicale. Sans parler des rythmes jamaïcains et américains qui ont toujours été une référence malgache, les tempos africains gagnent l'oreille des artistes du pays.

Faut-il rappeler que la rumba congolaise, le coupé-décalé Ivoirien ont été en vogue entre les années 1980 et le début des années 2000. Papa Wemba, Koffi Olomide, Magic System sont des références. En réalité, le panafricanisme s'est manifesté sur le plan culturel. Madagascar, une Grande-Île à mi-chemin entre l'Afrique et l'Asie, avait un style spécifique. Néanmoins, la part africaine se révèle à partir des 2010.

Les succès de Toofan, Fusee Odg, MHD, Wizkid, Burna Boy en occident nourrissent l'ambition des chanteurs malgaches. Par conséquent, ils se mettent à composer des mélodies similaires à celles de leurs idoles. En arrangeant des sons, les beatmakers malgaches trouvent enfin un nouveau rythme, l'afro-gasy. Ce style voit le jour en 2015. Entre afropop et cadence du terroir, afro-gasy parvient à enjoliver le paysage musical malgache. L'afro-gasy et l´Auto-Tune font bon ménage. Le vocodeur est indispensable. Sous un autre angle, le logiciel a décomplexé les chanteurs à suivre leur voie avec une voix assez hors norme.

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