Afrique de l'Ouest: Tournée du président Damiba - Le Mali et la Côte d'Ivoire pour une mise en jambe

Le temps des voyages est venu pour Paul-Henri Sandaogo Damiba. Sept mois après avoir renversé Roch Marc Christian Kaboré, le président du Faso a en effet effectué sa première visite officielle hors du pays, au Mali.

Sans doute lui fallait-il d'abord asseoir son pouvoir, s'occuper des questions sécuritaires et humanitaires lancinantes et urgentes avant d'effectuer une quelconque sortie.

A Bamako, il s'est agi d'une rencontre entre deux putschistes engagés dans des transitions aux défis similaires. L'un, comme l'autre est confronté au terrorisme ; l'un, comme l'autre doit œuvrer à un retour à une vie constitutionnelle normale dans 24 mois en accord avec la CEDEAO. Sans doute, Sandaogo et Goïta se sont-ils donc partagé quelques petites ficelles pour venir à bout de l'hydre terroriste qui se meut comme poisson dans l'eau de part et d'autre des 1000 kilomètres qui séparent la patrie des hommes intègres de celle de Soundjata.

Visite de raison donc s'il en est dans la mesure où le fléau étant transfrontalier, la guerre ne peut que se gagner ensemble ou ne le sera pas. Il se trouve que le Mali a quitté le G5 Sahel et sa force conjointe, que les autorités de la transition malienne sont en délicatesse avec les présidents nigérien Mohamed Bazoum et ivoirien Alassane Ouattara. Le premier n'a jamais ménagé ses critiques contre les deux coups d'Etat successifs de l'ancien patron des forces spéciales maliennes, et le second a un différend pendant dans l'affaire dite des 49 mercenaires. Le 10 juillet dernier, 49 soldats ivoiriens, censés être venus pour intégrer la MINUSMA accusés par le Mali d'être des mercenaires.

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Aux dernières nouvelles, trois soldates ont été libérées en guise de bonne volonté. Bazoum comme Ouattara faisaient même partie des partisans de la ligne dure contre Bamako au sein de la CEDEAO qui avait pris de sévères sanctions commerciales et financières contre le Mali. Tout compte fait, de ses voisins embarqués dans la même galère terroriste, c'est avec le Burkina que le Mali entretient plutôt des relations cordiales.

Ce qui devrait faciliter la collaboration entre les forces de défense et de sécurité des deux Etats. Et peut-être que lors des rencontres à Bamako et à Abidjan, l'affaire soldats ivoiriens écroués figurera en bonne place dans l'agenda de Damiba, lui qui, les 19 et 20 août 2022, a effectué un déplacement à Lomé pour rencontrer le médiateur attitré Faure Gnassingbé.

Lors de la dernière rencontre entre militaires burkinabè et nigériens en août dernier, les deux parties ne désespéraient d'ailleurs pas, à défaut de ramener ce pays frère dans le G5 Sahel, de former à tout le moins avec le Mali une triple entente pour les besoins de la cause. Il faut donc espérer que l'aller-retour du locataire de Kosyam aura permis de pousser les pions dans ce sens. Par ailleurs, connaissant le partenariat privilégié que le Mali entretient avec la Russie, connaissant aussi les appels pressants de certains Burkinabè à se tourner vers Moscou plutôt que Paris, il est à se demander si le visiteur d'un jour a abordé la question avec son hôte.

Autre voyage autre priorité. Après la capitale malienne, le chef de l'Etat s'envole aujourd'hui en principe pour Abidjan. Abidjan où il sera sans doute question de sécurité dans la mesure où le cancer qui nous ronge depuis maintenant sept ans a fini par gagner l'autre rive de la Léraba. Mais avec ADO, il pourrait s'agir de la réconciliation nationale au Burkina Faso. Parce que l'ancien président Blaise Compaoré vit à Cocody-Ambassades depuis 2014, pas plus tard que début juillet, le président ivoirien était à la manœuvre pour faciliter sa venue à la rencontre de haut niveau entre Damiba et les anciens chefs d'Etat burkinabè, autour de questions " touchant à l'intérêt supérieur de la Nation ".

Quelque temps après (date), c'est le même ADO qui a dépêché son ministre d'Etat auprès de la présidence, Ali Coulibaly, et Djamila, la fille de Blaise, pour transmettre aux Burkinabè la demande de pardon de l'ex-enfant terrible de Ziniaré que les fantômes de Thomas Sankara, de Norbert Zongo et de bien d'autres victimes pourchassent inlassablement depuis de longues années. Mais on sait comment une partie de l'opinion burkinabè a accueilli ces démarches même si le lieutenant-colonel Damiba ne semble pas désarmer. Alors la question se pose de savoir s'il mettra à contribution son séjour abidjanais pour rencontrer son prédécesseur.

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