Cote d'Ivoire: Messou Oi Messou (DG de la Construction, de la Maintenance et de l'Architecture) - " Que les populations nous signalent les immeubles qui présentent des signes d'effondrements "

4 Septembre 2022
interview

En cas d'effondrement d'un immeuble, c'est vers le ministère de la Construction que les regards se tournent. Normal, peut-on dire. Car il est chargé de veiller aux normes d'urbanisme et de construction. Le directeur général de la Construction, de la Maintenance et de l'Architecture, Messou Oi Messou, livre sa part de vérité sur le sujet et répond à certaines accusations.

Pourquoi y a-t-il tant d'effondrements d'immeubles à Abidjan?

Les effondrements d'immeubles constatés sont dus au non-respect des normes d'urbanisme. Les maîtres d'ouvrage construisent dans l'illégalité. Cela se traduit dans la pratique par le non-recours au permis de construire, aux professionnels, par l'incivisme de la population. Il y a aussi la faiblesse du contrôle sur le terrain, au regard des moyens qui ne sont pas suffisants et également du fait de la croissance. Beaucoup de secteurs connaissent un développement important, notamment celui du bâtiment. Il y a beaucoup de chantiers qui sont ouverts.

Quel est le processus de construction d'un bâtiment?

Il faut noter d'abord que ce processus est encadré par des textes. Il y a le code de l'habitat, la loi de la profession d'architecte, le décret relatif au permis de construire, l'arrêté interministériel relatif aux coûts et procédures pour la délivrance des visas, des frais d'urbanisme, le certificat de conformité, etc. Maintenant, que dit le cadre réglementaire quand on veut construire? Le premier acteur professionnel à qui il faut faire recours, c'est l'architecte.

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C'est l'architecte qui est votre conseiller depuis le début jusqu'à l'achèvement de votre travail. L'architecte va prendre en compte vos besoins et il va concevoir votre projet. Après l'architecte, il y a les ingénieurs qui vont prendre le relais à travers les bureaux d'études pour élaborer ce qu'on appelle les plans d'exécution. Ce sont ces plans qui vont permettre à l'entreprise d'exécuter les travaux.

Une fois le plan élaboré, l'architecte va aider le maître d'ouvrage à identifier une entreprise qualifiée chargée des travaux. Cette entreprise va exécuter les travaux, sous l'œil vigilant d'un bureau de contrôle. Cette structure est chargée de veiller à ce que les travaux soient exécutés dans les règles de l'art, pour garantir la stabilité du bâtiment.

Quelles sont les missions du bureau de contrôle ?

Sa première mission est de s'assurer que les plans d'exécution ont été bien élaborés. Parce que si ce n'est pas le cas, cela peut avoir une incidence sur la stabilité du bâtiment. La deuxième mission du bureau de contrôle est de s'assurer que le matériel de travail et les matériaux de construction, notamment le ciment et le fer, sont de bonne qualité. Il va, en lien avec l'entreprise, veiller à ce que les ouvriers soient en sécurité, mais également que le voisinage soit à l'abri de tout accident. Parce que quand on construit, il faut éviter de causer des dégâts chez le voisin. La dernière chose est de veiller à ce que les travaux soient exécutés dans les règles de l'art.

Si ce processus est respecté, il n'est pas certain qu'un bâtiment s'écroule. La preuve, et vous l'aurez remarqué, les bâtiments publics ne s'effondrent pas. C'est tout simplement parce que l'administration prend toutes les dispositions nécessaires. Tous les acteurs cités interviennent. Et à la fin, il y a le certificat de conformité.

Est-ce à dire que tous ces bâtiments qui se sont effondrés ces derniers temps n'ont pas respecté la procédure que vous venez de décrire ?

Absolument ! La quasi-totalité des bâtiments qui se sont effondrés sont des bâtiments dont les travaux ont été exécutés dans l'illégalité. Sans permis de construire, et sans le moindre recours à des professionnels.

Comment s'assurer que toutes les étapes sont respectées par le maître d'ouvrage?

Il faut dire qu'il y a deux groupes de contrevenants en la matière. Il y en a un qui n'ont pas recours au permis de construire et donc qui construisent en toute illégalité. Il y a un deuxième groupe qui a le permis de construire mais ne s'attache pas les services de professionnels. La stabilité du bâtiment n'a rien à voir avec le permis de construire.

Le permis de construire est un acte administratif qui vous donne le droit d'exécuter les travaux. Le permis de construire est important parce qu'il permet à l'administration de contrôler la mise en valeur des terrains pour avoir une certaine harmonie, une conformité dans la cité afin de préserver la qualité de vie. Ce sont deux choses différentes. Donc si vous avez le permis de construire, vous ne devez pas construire n'importe comment.

Avant de délivrer le permis, pourquoi donc toutes ces étapes ne sont pas contrôlées en amont ?

Tout le problème réside dans le contrôle. Tout à l'heure, j'ai parlé du contrôle des ingénieurs. Ça c'est le contrôle technique. Normalement, si un maître d'ouvrage construit en faisant appel à tous ces acteurs notamment au bureau de contrôle, son bâtiment ne peut pas s'écrouler. Parce que le bureau de contrôle va vérifier que le matériel est de bonne qualité, que les travaux sont exécutés dans les règles de l'art, etc. Autre chose, c'est le contrôle administratif.

Et cela fait partie de nos missions. Le contrôle administratif consiste à parcourir la ville - je veux parler des agents du ministère, du district et de la commune - pour faire le contrôle au niveau de la cité pour s'assurer que les différents chantiers s'exécutent dans la légalité, qu'ils disposent d'un permis de construire, qu'il y a un panneau de chantier, que les différents acteurs sont présents sur le site, etc. Malheureusement, jusqu'en 2020, on ne disposait que de 3 véhicules 4×4 et d'une trentaine d'agents pour tout le district d'Abidjan. Les moyens sont largement insuffisants par rapport à l'immensité de la tâche. Mais le ministre Nabagne Koné, dès qu'il est arrivé, a pris les dispositions pour renforcer cette brigade.

Il a fait recruter 120 contractuels appuyés d'une soixantaine de motos. Mais cela reste encore en deçà des attentes. Toutefois dans notre approche de renforcement de la brigade, c'est un pas. Récemment, la brigade a pu obtenir encore trois véhicules. Dans le cadre des démolitions, nous avons pu avoir une chargeuse, un poclain et puis la tête d'un porte-char. Nous sommes en train de réunir des moyens. Parce que pour démolir, il faut louer des engins. Il faut un budget.

Cela freine souvent nos actions en ce qui concerne les démolitions partielles ou totales. Grâce aux efforts qui sont faits, il y a une évolution en ce qui concerne le nombre de chantiers contrôlés. En 2020, on était à 1000 contrôles, en 2021 environ 10 000. En 2020, il y a eu une démolition. En 2021, une cinquantaine. Ce n'est pas par méchanceté que nous le faisons. Il faut que nous soyons rigoureux pour amener les populations à respecter la réglementation. C'est ce qui va nous amener à éviter les effondrements.

Le promoteur doit-il obtenir le permis de construire avant de mettre le chantier en branle ou après?

Le permis de construire est un document préalable. Tant que vous n'en disposez pas, vous n'avez pas le droit de construire. Même si c'est une clôture. Quels que soient les travaux, il faut disposer d'un permis.

Comment expliquez-vous donc la prolifération des chantiers qui sortent de terre et dont les travaux parviennent sans que le propriétaire ne dispose de permis et que vous laissez les travaux se poursuivre ?

À ce niveau, il y a deux choses. Quand les agents arrivent et que le chantier est dans l'illégalité, il leur appartient de faire arrêter les travaux. Mais souvent, ils n'ont pas d'informations. Dans ce cas-là, ils mettent une croix ou les lettres P.C., c'est-à-dire, permis construire, avec un point d'interrogation. C'est une invite au maître d'ouvrage à se présenter au chef d'antenne.

Lequel procède à la vérification. Si le monsieur est dans les normes, on peut autoriser la reprise du chantier. L'autre raison, c'est que les agents peuvent arriver, ils font arrêter le chantier. Mais le nombre important de chantiers fait que le temps de faire le tour d'autres chantiers, cela peut donner libre cours au propriétaire d'avancer dans ses travaux. Une autre raison, c'est qu'il y a des agents comme dans tous les secteurs qui ne travaillent pas avec une conscience professionnelle. Ça aussi c'est une réalité. Quand c'est avéré, nous sanctionnons.

Est-ce qu'il y a eu des cas où un chantier a été arrêté. Ensuite l'agent est passé derrière pour prendre de l'argent et les travaux ont continué ?

Non pas ce cas. Mais concernant les écroulements par exemple, quand il est avéré que le chef d'antenne n'a pas respecté toute la procédure concernant sa mission, il est sanctionné. Je peux citer Yamoussoukro. Quand il y a eu l'éboulement, le directeur régional de la construction a été relevé de ses fonctions. On a estimé qu'il n'a pas fait son travail comme cela se doit.

A Treichville, le chef d'antenne a été relevé de ses fonctions parce qu'il a initié le processus mais il n'est pas allé jusqu'au bout. S'il était allé au bout, le bâtiment serait démoli. A Angré, il y a eu des sanctions également. Et les maîtres d'ouvrage sont arrêtés. Ils vont répondre de leurs actes devant les tribunaux.

Vous indiquiez plus haut que le permis de construire est le préalable pour faire une construction. Mais selon ce que nous avons appris, beaucoup hésitent à faire la demande parce que ça met du temps. Que répondez-vous ?

C'est un alibi. Avant 2013, tous les acteurs qui intervenaient dans la délivrance du permis de construire étaient éparpillés. Les demandeurs devaient faire le tour pour réunir les différents documents. Ce qui faisait que le délai était relativement long. Tous les acteurs sont aujourd'hui réunis sur un même site. Aujourd'hui pour quelqu'un qui a son titre de propriété, en trois semaines, il obtient son permis de construire.

Quel est le nombre de dossiers de permis de construire par an et combien sont délivrés ?

La délivrance du permis de construire connaît une évolution. En 2019, 1200 permis ont été délivrés. En 2020, ce 1388 et en 2021, nous sommes à 1488. Il y a une évolution. Nous traitons annuellement 2500 demandes.

Quel sort vous réservez aux bâtiments qui n'ont pas respecté le process et qui sont habités ?

Un bâtiment ne tombe pas d'un seul coup. Il y a toujours des signes précurseurs. Que nous soyons saisis dès lors que ces signes apparaissent. Pour un bâtiment en exploitation, nous ne sommes pas compétents. Ce sont les maires, les préfets. Si nous sommes saisis, il nous appartient de prendre les dispositions pour sauver des vies humaines. Donc il faut qu'on nous remonte l'information.

Parce qu' à vue d'œil, on ne peut pas savoir que ce bâtiment va s'effondrer. Quand je prends le cas d'Abobo qui est le dernier, il semble que la dame qui a perdu son enfant a interpellé le propriétaire à l'effet de prendre les dispositions pour stabiliser le bâtiment. Malheureusement le propriétaire ne l'a pas fait et elle n'a pas saisi la mairie ou le ministère. Donc la solution, qu'on soit informé à temps.

Quelles sont les sanctions prévues à l'égard des personnes qui violent les différentes dispositions ?

Premier niveau de sanction, ce sont les amendes administratives. Ces amendes ont été renforcées dans le cadre du code de l'habitat. Le deuxième niveau de sanction, ce sont les démolitions partielles et totales. Et le troisième niveau, ce sont les peines privatives de liberté. Donc celui qui construit et qui ne respecte pas la réglementation, s'il y a un incident, il va répondre de son acte.

Et si vous avez bien suivi ma démarche, il y a trois niveaux de responsabilité. Le premier, c'est le maître d'ouvrage. C'est sa première responsabilité parce que c'est lui qui décide de construire. C'est à lui de prendre les dispositions pour que son bâtiment tienne. Le deuxième niveau ce sont les acteurs professionnels. Si le maître d'ouvrage a eu recours aux professionnels et que le bâtiment tombe, est-ce qu'il est inquiété ? Non.

S'il apporte la preuve qu'il y a un contrat entre lui et un architecte, il n'a pas de problème. S'il y a un incident, on va situer les responsabilités à travers les différents acteurs. On va regarder celui qui n'a pas bien travaillé. Et c'est le mis en cause qui est sanctionné. Le troisième niveau de responsabilité, c'est l'administration. Si nous laissons faire notre responsabilité est engagée parce que nous avons pour mission de veiller au respect de la réglementation en matière de construction.

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