Cameroun: La ville de Mbanga se meurt...

8 Septembre 2022

Lorsque celui qui a connu la ville de Mbanga il y a 30 ans plus tôt débarque à nouveau aujourd'hui dans cette ville, grande est sa désolation de constater que cette cité agricole du département du Moungo dans la région du littoral offre un visage de décrépitude fortement prononcée. Une situation qui ne peut qu'inciter la nostalgie chez ladite personne lorsqu'on sait ce que fut Mbanga des décennies avant.

Une ville qui faisait rêver et qui n'éprouvait aucun complexe face à certaines grandes villes du pays avec des rues belles propres. Circuler à Mbanga procurait du plaisir aux automobilistes et autres usagers de la route et, les habitants de la ville affichaient un orgueil légitime.

Aujourd'hui, c'est un triste tableau que présente la ville de Mbanga. Ces belles rues d'hier se sont converties en pistes de campagne. Les arbres qui boisaient lesdites rues ont été abattus par les autorités municipales pour qui, les attitudes peuvent s'interpréter telle que, la présence des arbres se justifie mieux en forêt qu'en périmètre urbain.

L'arrondissement phare du département du Moungo croupit dans l'insalubrité. Les autorités communales évoquent le manque de moyens

Lorsqu'une pluie s'abat sur la ville, les eaux y stagnent formant de véritables lacs artificiels et du coup, les routes se révèlent impraticables pour tous les usagers en voitures, motocyclettes ou à pied.

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Les voyageurs empruntant la nationale n° 5 traversent régulièrement la ville de Mbanga avec l'image d'une ville sale, Du poste de péage de Mujuka, banlieue de Mbanga jusqu'à la sortie de la ville, l'on ne dénombre plus les montagnes d'ordures.

" Faites un tour dans les quartiers et je suis convaincu que vous allez en repartir, pas sans avoir contracté une maladie ", prévient une vendeuse de vin blanc non loin de l'ancienne gare ferroviaire devenue elle aussi vétuste, abandonnée et sale. Il y a longtemps qu'un peintre est passé par là.

Des caniveaux construits à l'époque coloniale pour l'évacuation des eaux usées et celles de pluies temps sont aujourd'hui obturés par des constructions au pire et au mieux, ils sont simplement devenus des décharges de déchets ménagers, ainsi que le lieu où convergent des matières fécales en provenance des fosses sceptiques ingénieusement construites tout au long des drains.

Cette situation vient en plus compliquer la fragilité de la santé des populations qui doivent lutter contre le paludisme que provoquent les moustiques en développement dans les eaux environnantes ainsi que des épidémies diverses survenant à l'improviste.

" Mbanga encore appelé Mbengue dans les années 50 " d'hier , ville chère à l'artiste Lapiro de Mbanga de regrettée mémoire, est devenue aujourd'hui une ville poubelle au regard des sombres tableaux que cette cité agricole présente dans tous les aspects de la vie.

La décrépitude prononcée de cette ville trouve son origine dans une association de facteurs qui vont de l'incivisme, de l'insouciance et l'égoïsme de certains citoyens de cette ville qui font table rase de la bienséance.

D'un autre côté, l'attitude des responsables des collectivités municipales en charge de la gestion du bien collectif qui sont plus enclins à se remplir les poches qu'à œuvrer pour l'intérêt de leurs administrés.

En fin de compte, la ville se meurt au grand désarroi de tous ceci facilité par l'inertie observée tant chez les décideurs que chez les populations de cette ville qui participent toutes de manière directe ou indirecte à la mort lente et inexorablement de la ville.

Cette ville de quelques 135 000 habitants s'enlise au fil des jours dans une décrépitude

Les populations accompagnaient l'Etat qui puisait lui aussi dans les impôts pour entretenir de la ville. Des sacrifices qui en valaient la peine, assure Essoka Simon. " Comme c'était vraiment propre, il n'y avait pas de malaria, pas de fièvre typhoïde ", rappelle ce commerçant à la retraite. Surtout, des agents désinsectisaient pour éradiquer les moustiques, vecteurs du paludisme. " De petits avions bombardaient la ville. Mes amis et moi ça nous faisait peur à cause du bruit, mais voir cette fumée blanche nous faisait rire ! ", s'amuse encore Moussa, 76 ans, boutiquier d'origine sénégalaise installé au quartier fonctionnaire depuis les années 70

Pour beaucoup, Mbanga représentait également la ville du challenge entre plusieurs équipes du championnat national de football. L'étoile sportive de Mbanga avait fait de Mbanga une ville pétrie de grands talents de football. Le stade municipal de la ville jadis entretenu par les autorités municipales est devenu un refuge du sissongo qui a carrément pu dompter le gazon

Essoka Simon, Moussa et bien d'autres, souffrent d'une profonde nostalgie, d'un vague à l'âme qu'ils partagent même avec les jeunes. Car " Mbanga" fait partie de l'histoire ancienne. Pire, on la surnomme désormais " Mbanga Ndotti".

Il est temps que les pouvoirs publics remettent de l'ordre dans cette ville. Si les anciennes politiques d'assainissement de la ville ont porté leur fruit en leur temps, pourquoi ne pas revenir sur ses points positifs ?

Il est aussi temps de "dépolluer" nos mentalités de leurs effluves d'indifférence et d'irresponsabilité, en vue de construire un cadre d'existence dont chaque personne serait responsable. Nos villes sont les miroirs de nos mentalités. Nous les changerons quand nous aurons pris la peine de changer les structures profondes de ces mentalités.

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