Madagascar: Amulettes et chapelets - La tradition persiste, le moderne insiste

Fétiche, sampy, ody gasy, gri-gri, on lui attribue des noms, ça peut être des objets, des boissons ou de l'eau de toilette. Quelle que soit la forme, solide, liquide, ou gazeux, c'est sacré, il améliore les conditions de vie. Ça peut être une feuille qui orne la chemise lors des entretiens d'embauche, cette petite baguette qui aide l'étudiant à se rappeler des formules mathématiques pendant l'examen, ces petites statuettes qui ornent les quatre coins des murs de bureaux pour ne pas être éjecté de la chaise berçante ministérielle. Le fétiche est toujours une arme ultime au XXIème siècle. Ça défie la technologie !

Radar traditionnel, les adeptes le croient, comme un conducteur guidé par son GPS. Valeur sentimentale pour les uns, sorcellerie pour les autres, elles témoignent du passé, assurent le présent et prévoient l'avenir, et incarnent le sacré. L'histoire enseigne que les rois et les reines de ce pays les ont gardés pour pérenniser le pouvoir temporel, et rester en contact avec l'au-delà. Le sampy est en quelque sorte un porte-bonheur légué par les ancêtres. L'avènement des religions monothéistes notamment, le christianisme et l'islam dans la Grande-Ile n'ébranle guère cette croyance.

En réalité, les amulettes sont puissantes. Au début de la colonisation, ces objets sont des ustensiles de la sorcellerie. Ceux qui les vénèrent sont jugés superstitieux, voire arriérés. Madagascar, au début de la colonisation, la religion traditionnelle a été considérée comme l'image d'un passé, et ceux qui la pratique étaient qualifiés en quelque sorte de primitif, puisque le colonisateur se croit porteur de lumière et de civilisation. Cependant, l'historienne Aline Tathi Rahanitramalala précise que du temps du gouverneur général Victor Augagneur, les autochtones ont été incités à revenir aux sources.

%

" En fait, c'est une politique coloniale. Alors les cérémonies culturelles comme le fitampoha ont été autorisées durant cette période ". La tradition malgache en général demeure un moyen de revendication identitaire. S'en débarrasser était hors de question. Des témoignages révèlent même que les fétiches servaient à se protéger des balles pendant l'insurrection du 29 mars 1947.

Une histoire qui suscite le débat. En effet, la jeune génération se pose la question, si ces objets sont sacrés, pourquoi les Malgaches de l'époque ont été facilement matés par les colonisateurs ? Efficace ou pas, l'essentiel est d'y croire. Et la foi transforme les balles en gouttelettes d'eau ! Pourtant, des centaines de milliers de morts ont été répertoriés.

La deuxième moitié des années 1950 est le début de la revendication sur tous les plans. Les colonisées avaient une conscience commune et affichaient sans complexe leur identité. Bien que la culture malgache soit hybridée, la recherche de l'identité perdue se voit à travers la manière de s'habiller, de parler.

Le syncrétisme:

La raison pour laquelle Philibert Tsiranana commence son serment en disant " au nom de Dieu et les ancêtres " sur la pierre sacrée à Mahamasina, donne une image symbolique. Sous un autre angle, le père de l'indépendance essaie de rappeler ce que faisaient les aïeux. Enfin, les Malgaches semblent retrouver l'identité perdue durant les soixante quatre années de domination française. En fait, la religion traditionnelle a été ancrée dans l'esprit autant que l'acculturation. Sachant que la période coloniale a laissé des traces indélébiles dans la culture malgache.

Les habitants ont absorbé une partie de la culture française, de la religion étrangère, ensuite, il y a eu un mélange avec les us et coutumes. Cette mixité a marqué l'histoire contemporaine de la Grande île. Certes, le syncrétisme a été pratiqué dès le XIXème siècle dans différentes régions de Madagascar, mais au cours de la deuxième moitié du XXème siècle, la fusion des cultes reprend une insistance. Le rituel traditionnel et la religion étrangère, les citadins les maintiennent avec aisance. Ce grand écart permet de soulager la conscience. De ce fait, le chapelet et le médaillon décorent le cou.

Deux bijoux utiles qui rendent invisible le croyant. De lourds "bling-bling" qui allègent le poids des problèmes du quotidien. Dans les doany, les cantiques chrétiens sont chantés avant les rituels... On y trouve même des statues de la sainte vierge, Andranoro, Ankazomalaza sont des lieux d'intersection du christianisme et de la croyance traditionnelle.

Elle perd quelques éléments, tout en gardant une base. Elle a failli être éradiquée, mais grâce à des racines bien implantées, elle plie mais ne rompt pas face aux influences étrangères. La tradition perdure jusqu'ici. C'est à travers les fétiches qu'on s'aperçoit que l'héritage laissé par les ancêtres est conservé.

Même si différents savoir-faire se sont empilés au fil du temps, la base est restée presque intacte. Actuellement, des jugements et des accusations contre les traditionalistes remplissent les fils d'actualité des réseaux sociaux. L'ironie de l'histoire, les accusateurs, une fois atteints d'une étrange maladie, viennent taper à la porte des moasy pour se soigner !

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.