Sénégal: Inondations à Touba - Le délogement, la voie du salut ?

14 Septembre 2022

La ville sainte de Touba grandit, les problèmes d'assainissement avec. Pour des solutions structurelles, la délocalisation semble être la voie la mieux indiquée, selon l'avis d'acteurs de divers titres.

Des rues presque coupées par-ci, des maisons entières sous les eaux par là... Le décor de bon nombre de quartiers à Touba inquiète, désole et préoccupe les habitants de la ville sainte. Cette situation perdure. Il y a, au total, 57 quartiers inondés, si l'on en croit Modou Diop Diaobé, de la dahira Khoudamoul khadim, chargé de la sécurité et du contrôle du périmètre de la ville sainte. Une situation qui tarde à trouver une solution pérenne. Entre camions de vidange, motopompes, bassins de rétention... les tentatives sont nombreuses, mais le résultat est resté le même. Chaque fois que le ciel ouvre ses vannes, il devient difficile, voire impossible, de circuler dans la ville sainte.

" Tant qu'il n'y a pas de délogement, on ne sortira pas de l'ornière. Délocalisation-transfert-relogement, le salut ne passera que par cela ". Cet expert en assainissement, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, est catégorique. Pour lui, les réponses conjoncturelles ont montré leurs limites depuis longtemps. Du côté des populations sinistrées, on semble déjà dans les dispositions.

À Keur Niang, un des quartiers les plus impactés, il faut faire plusieurs détours pour accéder à la station qui abrite le système de pompage. Des jeunes, habits déchiquetés et regards préoccupés, cachent difficilement leur désarroi. Leurs proches ont été obligés de patauger pour sauver ce qui pouvait l'être. Pour Maka Thiam, un des plus actifs, après l'échec de toutes les solutions conjoncturelles, même les populations ont compris que la seule solution est le déguerpissement. " Ce n'était pas envisageable au début, parce qu'à Touba, les gens ont un lien très fort avec leur quartier. Mais, depuis un certain temps, ils ont fini par comprendre qu'il fallait faire un choix fort pour ne plus vivre cette situation ", a-t-il confié, l'air ému. C'est dans ce sens, dit-il, avec le concours de l'Office national de l'assainissement du Sénégal (Onas), des responsables de l'urbanisme, des autorités administratives, etc., 14 propriétaires de maisons ont donné leur aval pour être délogés. Mieux, les discussions sont même très avancées. Il s'agit, selon Maka Thiam, d'utiliser l'espace laissé par les futurs déguerpis pour augmenter la capacité du bassin. " En échange, une somme d'argent leur sera remise en guise de dédommagement ", indique M. Thiam. Si cette solution peut, dans le moyen terme, soulager le quartier Keur Niang, force est de reconnaître que cette stratégie peut être plus complexe à mettre en œuvre dans d'autres quartiers.

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Une vingtaine de points bas

Selon cet expert en urbanisme qui a requis l'anonymat, il y a plus d'une vingtaine de points bas qui ont été relevés. Les sites sont connus. Pour lui, à Touba, les habitants ont un rapport très fort avec leurs quartiers, soit par l'histoire, soit par les liens avec leurs descendants. C'est pourquoi il estime que l'autorité religieuse doit s'impliquer, et de manière ferme, s'il le faut. " Il faut déguerpir dans certaines zones, proposer des Zones d'aménagement concerté et impliquer tous les services compétents afin de faire comprendre à l'autorité, avec des termes clairs, ce qu'il faut faire concrètement. À partir de là, il faudra que l'autorité religieuse s'implique et avec beaucoup de fermeté. À Touba, même le chef de village a un gros pouvoir pour ce qui concerne le foncier. La seule autorité qui peut lui donner des ordres, c'est le Khalife général. Aujourd'hui, tout le monde a compris que le délogement est inévitable, mais le plus dur, c'est comment s'y atteler définitivement ", analyse l'urbaniste.

Au rapport que les populations ont avec le foncier, il faudra ajouter la question de la boulimie foncière. Même si Touba est un Titre foncier, des personnes réussissent à vendre des terres. Selon l'urbaniste, c'est ce qui fait que " le relogement ne sera pas une tâche aisée, mais elle demeure la seule solution ".

Pour Modou Diop Diaobé, même si tout semble indiquer que le relogement est la voie du salut, il pourrait être lourd à supporter. Selon lui, rien que l'année dernière, " 2528 ménages ont été recensés. Le nombre est plus important cette année. Cela risque d'être coûteux. Il n'y a que l'État et le Khalife général qui peuvent le faire ", assure-t-il, moins convaincu que l'expert de sa faisabilité.

Un plan d'assainissement de 23 milliards de FCfa en cours, selon le Ministre de l'Intérieur

À moins de trois semaines du Magal de Touba, le Ministre de l'Intérieur, Antoine Félix Abdoulaye Diome, alors en visite dans la ville sainte, a constaté de visu l'ampleur des inondations. D'après lui, parallèlement aux réponses conjoncturelles, comme la création d'un bassin de pompage à Keur Niang, l'installation d'une électropompe d'une capacité de 1000 mètres cubes, les travaux structurants, tels que le plan d'assainissement de Touba de 23 milliards de FCfa, dont les travaux sont en cours, devraient permettre de relever le défi.

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