Sénégal: Fondation de Touba - La cité sacrée ou le sacre d'un rêve

15 Septembre 2022

Portée tout haut par Cheikh Ahmadou Bamba, la cité religieuse de Touba est devenue la deuxième ville du Sénégal en termes de démographie. La fondation de cette localité par le guide de la communauté mouride, en 1888, pour en faire une cité d'adoration d'Allah, est couverte de mythe et de mystère. Elle est surtout le produit d'un rêve devenu réalité : Touba rayonne de grâces.

Entre le Cayor, le Baol et le Sine-Saloum, se trouve la ville religieuse de Touba. Fondée en 1888 par Cheikh Ahmadou Bamba, l'histoire de ses origines est couverte de mythe et de sacré. Elle est intimement liée à celle du Mouridisme. Cheikhoul Khadim l'a fondée pour l'adoration de Dieu, explique Khaly Diakhaté, Président de la section Touba de la Ligue des écoles coraniques du Sénégal. En effet, l'inspirateur de cette communauté dévote a, dans ses périples, découvert cette terre située entre plusieurs royaumes de l'époque : le Cayor, le Baol, le Sine-Saloum et, d'un autre côté, le Ndiambour. Cependant, selon Khaly Diakhaté, ce qui fait la spécificité de Touba est que cette partie n'a été sous domination d'aucun royaume. Elle n'a jamais été annexée par un quelconque royaume. Elle est restée une terre vierge jusqu'à sa découverte par le saint homme. Cheikh Ahmadou Bamba cherchait un endroit non souillé, où il pouvait se consacrer uniquement à l'adoration de son Seigneur et d'être au service du Prophète Mohamed (Psl).

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C'est cette quête de la " solitude " pour se consacrer à la prière qui l'a conduit à ce lieu. D'après Serigne Fallou Galass Sylla, quand Cheikh Ahmadou Bamba entrait dans ce site qui est devenu, aujourd'hui, la ville religieuse, l'endroit était une forêt où ne vivaient que des animaux sauvages. Le chercheur sur le Mouridisme renseigne que le Cheikh a fait plusieurs jours dans cette immense forêt. Personne ne savait où il se trouvait. Il y a fait des dizaines de jours à la quête du lieu idéal où il devait ériger sa future cité. Ses proches, très inquiets, sont partis à sa recherche, raconte M. Sylla. En entrant dans la forêt de Touba, ils ont croisé un chasseur qui leur a dit l'avoir vu au pied d'un arbre appelé " sexaw ".

Cité des rêves de Bamba

Pourtant, avant Touba, Cheikh Ahmadou Bamba avait fondé Darou Salam. Malgré l'expansion qu'a connue cette première cité quelques années plus tard, il l'a quittée pour trouver un autre endroit où il pourrait s'isoler pour faire ses dévotions. " Touba n'est pas une terre que Cheikh Ahmadou Bamba s'est échiné à trouver pour y pratiquer l'agriculture ou l'élevage. C'est un endroit réservé exclusivement à la prière, à l'enseignement coranique, à la recherche ", explique Ahmadou Ndiaye Nguirane, maître coranique et chercheur.

Celui-ci renseigne que le fondateur de l'une des plus importantes confréries du Sénégal a remercié le Seigneur en ces termes après avoir découvert cette luxuriante forêt qui abrite, aujourd'hui, la ville religieuse de Touba : " Je rends grâce à Dieu de m'avoir conduit vers une terre où il a annihilé mes obstacles ". Après avoir fait la découverte de cette belle terre, le Cheikh lui a donné le nom de Touba. Touba, explique Serigne Fallou Galass Sylla, est un imposant arbre qui se trouve au paradis. " Il couvre toutes les demeures du paradis ", renchérit-il. Touba est " la cité de ses rêves ". Un grand temple d'Allah. " L'autorisation de fonder Touba m'a été donnée par le Seigneur ", disait Cheikh Ahmadou Bamba, selon ce chercheur.

En effet, Serigne Fallou Galass Sylla raconte que c'est à Touba que le Cheikh a écrit son célèbre panégyrique " Matlabul Fawzeyni " ou " La quête du bonheur des deux mondes ". Dans " Xasida ", il a formulé tous ses vœux et prières pour " la ville idéale ". Le Cheikh a prié pour le rayonnement de la ville et de ses habitants, pour que Touba reste une cité bénie, à l'abri des mondanités de ce bas monde.

Demeure éternelle

En s'installant à Touba, rapporte Ahmadou Khadim al-Mountakha, fils de l'actuel Khalife général des Mourides, la cité était dépourvue d'eau. Mais, venu avec la ferme intention d'adorer Dieu le Tout-Puissant, Cheikh Ahmadou Bamba s'est installé. Petit à petit, ses disciples commencèrent à le rejoindre dans sa cité. Sa première demeure, indique Serigne Fallou Galass Sylla, est le site qui abrite, aujourd'hui, la grande mosquée. Par la suite, il en a créé d'autres parmi lesquelles Darou Khoudoss. C'est dans cette demeure qu'il a prêté allégeance au Prophète Mohamed (Psl) et a décidé d'être à son service. Ahmadou Ndiaye Nguirane informe qu'après son installation, il a commencé à mettre en place des " dahiras " pour démarrer l'enseignement du Coran. Le guide de la communauté mouride a dédié toute sa vie au Coran, son livre de chevet. Partout où il se trouvait, il lisait les écritures saintes ou se mettait à écrire.

En fondant Touba, le Cheikh voulait en faire le point de départ d'un changement sociétal avec des compagnons capables de pérenniser son projet de société. Ainsi, Serigne Dame Abdou Rahmane, Serigne Mbacké Bousso, Mame Thierno Birahim et d'autres ont reçu la bénédiction de Khadim Rassoul pour commencer les enseignements religieux dans la cité bénie de Touba. Ses disciples venaient de tous les horizons pour rejoindre la ville religieuse. Cependant, explique Ahmadou Ndiaye Nguirane, Cheikh Ahmadou Bamba n'a pas trop duré dans la ville. Il avait déjà réussi la mission que lui avait confiée son Seigneur : mettre en place cette cité bénie destinée à l'adoration d'Allah. Il quitte la terre de Touba en 1895 sans jamais y remettre les pieds. Mais, son rêve pour le rayonnement de sa cité continuait à se réaliser. Même en exil, raconte le spécialiste de cette cité, il priait pour Touba. De retour en exil, Cheikh Ahmadou Bamba n'est pas revenu dans sa cité. Le grand retour n'aura lieu que le 19 juillet 1927, soit 33 ans après. D'après Ahmadou Ndiaye Nguirane, Cheikh Ahmadou Bamba a toujours prié pour que Touba soit sa demeure éternelle. C'est pourquoi, quand il a rendu l'âme à Diourbel, il a été inhumé, le 19 juillet 1927, sur le site de la Grande mosquée de Touba, car de son vivant, il en avait émis la volonté. " Cheikh Ahmadou Bamba a une fois dit à Mame Thierno Birahim (son petit frère), que c'est ici qu'il le verra pour la dernière fois, en désignant l'endroit où il a été inhumé ", rapporte M. Nguirane.

Quatre-vingt-quinze ans après sa disparition, les fondements de Touba, tels que voulu par son fondateur, sont jalousement préservés par ses prédécesseurs. Malgré une urbanisation galopante, l'enseignement coranique et la recherche scientifique restent dominants dans la cité de Bamba. Les mosquées, les écoles coraniques et les espaces dédiés à la recherche poussent comme des champignons. Son projet de société pour cette ville continue de faire son chemin, plus d'un siècle après.

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