Ile Maurice: Achat de terrains - Etrangers privilégiés, Mauriciens pénalisés

16 Septembre 2022

Maurice creuse-t-il son propre trou ? Enterrant ainsi les ambitions légitimes de ses citoyens de devenir propriétaire d'un terrain. Les problématiques de l'accès à la propriété sont à nouveau relancées avec une vidéo mise en ligne hier par l'ONG "Rising Ocean".

Malgré les trois mois qui séparent cette vidéo (qui réagit aux mesures du Budget 2022-23 qui ouvrent davantage l'accès aux terres aux étrangers) de la présentation du Budget en juin dernier, les questions de fond n'en demeurent pas moins très inquiétantes. Surtout celle, fondamentale, de la flambée des prix des terrains, qui éloigne encore plus la possibilité aux jeunes actifs de se porter acquéreurs.

Premier intervenant devant la caméra de Rising Ocean : Kugan Parapen, économiste et membre de Rezistans ek Alternativ (ReA). À partir d'une recherche sur le site l'express property, "le site de référence de l'immobilier", il démontre que les propriétés disponibles dans la fourchette de Rs 3,5 millions à Rs 4 millions se font rares. "ReA dénonce cette politique depuis plusieurs années." Deux choses ont changé avec le Budget 2022-23, souligne Kugan Parapen. D'abord, le seuil donnant accès à la propriété à Maurice aux étrangers. Le montant d'investissement diminue de moitié passant de 500 000 USD (environ Rs 23 millions) à 350 000 USD (environ Rs 15,8 millions). À la condition que l'acheteur contribue 10 % de la somme au National Solidarity Levy.

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Ensuite, l'acheteur étranger n'est plus cantonné aux schemes, tels que l'Integrated Resort Scheme, le Property Development Scheme (PDS), les Real Estate Scheme ou les smart cities. "Désormais, s'il a l'autorisation du bureau du Premier ministre, l'acheteur étranger peut faire l'acquisition de trois, quatre maisons à Maurice." Bien que cela ne fait que trois mois depuis que ce nouveau cadre est en place et qu'il est encore trop tôt pour en mesurer l'impact en termes réels, la tendance des "projets immobiliers destinés à la clientèle étrangère champignonne à Maurice", souligne Kugan Parapen. Ce qui vient se greffer sur "une grosse crise du logement, notamment pour la classe moyenne. Il n'y a qu'à parler aux jeunes qui travaillent et qui cherchent une maison pour s'en rendre compte".

À l'annonce de ces mesures, le député travailliste Osman Mahomed avait réagi, lors des débats budgétaires à l'Assemblée nationale. Il avait souligné deux désavantages majeurs : "On encourage les propriétaires de terrains à aller vers les développements immobiliers plutôt que de se tourner vers la sécurité alimentaire." Ensuite, les acheteurs mauriciens seront "priced out" du marché, les prix des biens immobiliers étant trop élevés pour leurs ressources financières.

Quelles conséquences donc pour la coexistence d'une part du projet de l'État de construire 12 000 logements et d'autre part, cette politique d'ouverture de l'achat des terres aux étrangers ? David Sauvage, militant écologiste et membre de ReA, qui intervient lui aussi dans la vidéo de Rising Ocean, affirme qu'il y a là une "ghettoisation de la manière de vivre ensemble. Eski nou met tou dimounn ki ena gro kas enn koté ek bann dimounn ki ena mwins kas lot koté ? Est-ce comme cela que les rapports humains doivent être organisés ?"

Il y a 11 ans. Les recommandations de la commission justice et vérité

Il y a 11 ans, le rapport de la Commission Justice et Vérité (CJV) consacrait son deuxième volume à la "Land Reform". La question de la dépossession, mais aussi de la difficulté d'accès à la propriété foncière, fait partie des problématiques héritées de notre histoire coloniale. Parmi les principales recommandations de la CJV : la création d'une "land bank", qui serait une "panacée" pour aider la population. Une banque des terres pour recenser les terrains agricoles ou ceux disponibles pour des activités industrielles, "pour que tous les descendants d'esclaves et de travailleurs engagés puissent y avoir accès". L'an dernier, Landscope Mauritius a lancé la "Centralised Land Bank of State and Private Agricultural Land". Cette mesure figurait dans le Budget 2020-21. Il s'agit d'une plateforme pour "assurer la sécurité alimentaire". Les baux proposés sont pour une durée d'au moins 10 ans. L'achat des terrains de propriétaires privés est aussi prévu.

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