Afrique de l'Ouest: Nouveau gouvernement sénégalais - Amadou Ba saura-t-il relever les défis ?

18 Septembre 2022
analyse

Amadou Ba a été nommé Premier ministre du Sénégal, le samedi 17 septembre dernier par le président Macky Sall. Dans la foulée, un nouveau gouvernement a été formé le même jour dans la soirée.

La nouvelle équipe, composée de 38 ministres au total, dont huit femmes et huit jeunes, a été présentée comme " un gouvernement de combat ". L'on peut d'abord s'arrêter sur la personnalité de l'homme sur lequel Macky Sall a jeté son dévolu. Amadou Ba, puisque c'est de lui qu'il s'agit, est à la fois un technocrate et un politique.

En effet, après avoir travaillé pendant plusieurs années au service des impôts, comme cadre supérieur, il a intégré le gouvernement en occupant les portefeuilles de ministre des Finances et de ministre des Affaires étrangères. Mis sur la touche lors du dernier remaniement, pour avoir affiché, disait-on à l'époque, des ambitions présidentielles, Amadou Ba a fini par reconquérir la confiance du président au point que sa nomination au poste de Premier ministre, n'a pas étonné grand monde au Sénégal. C'est donc sa loyauté et sa fidélité à Macky Sall qui viennent d'être récompensées. Il ne faut donc pas s'attendre, lors de son mandat, à ce qu'il mette le doigt là où Macky Sall pourrait avoir mal.

Et tous les observateurs avisés de la scène politique sénégalaise, savent que par là, l'on fait référence à un éventuel troisième mandat de Macky Sall. En effet, à tort ou à raison, l'opposition politique prête à Macky Sall, des intentions de vouloir retoucher la Constitution pour s'offrir un troisième mandat. Amadou Ba, Premier ministre, peut ne pas s'y opposer au point de provoquer la rébellion et la scission au sein du parti présidentiel, l'APR (Alliance pour la République). Par contre, une personnalité comme Aïssata Tall pourrait susciter l'implosion de l'APR au cas où Macky Sall serait tenté de briguer un troisième mandat.

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Amadou Ba sera surveillé comme du lait sur le feu

C'est peut-être pour cette raison essentielle que Macky Sall n'a pas pris le risque de la propulser à la tête de l'Exécutif. En tout cas, Macky Sall sait que cette dame est loin d'être un béni- oui-oui. D'ailleurs, elle avait déjà donné le ton en déclarant qu'elle s'opposerait à un troisième mandat de son mentor.

En Afrique, cette attitude est rarissime. C'est pourquoi on peut se permettre de lui faire chapeau bas, pour son courage, voire sa témérité. L'on peut par ailleurs s'arrêter sur le gouvernement qui vient d'être mis en place. On peut noter d'abord, le fait que presque tous les poids lourds de Benno Bokk Yakaar en général et ceux de l'APR en particulier, sont dans l'équipe de Amadou Ba. Et un savant dosage a été fait, de sorte que toutes les régions du pays sont représentées dans le nouveau gouvernement.

En Afrique, cela ne compte pas pour du beurre. Car, et c'est malheureux de le reconnaître, la région, pour ne pas dire l'ethnie, passe avant le pays. L'effet induit de cette façon bien " gondwanaise " de faire les castings, est le caractère pléthorique des équipes gouvernementales. L'équipe que vient de former Amadou Ba, en est l'illustration parfaite. En effet, on n'a pas besoin de 38 ministres pour gérer les affaires du Sénégal. Quinze auraient suffi sans que le Sénégal ne s'en porte pour autant pas plus mal. Mais que voulez-vous ?

En Afrique, quand on gagne les élections, on doit " manger avec tout le monde ". Cela dit, le nouveau Premier ministre a beaucoup de défis à relever. Le premier est celui de la flambée des prix des hydrocarbures et des produits alimentaires. Les pays africains en général, le vivent au quotidien certes mais certains pays en particulier, broient aujourd'hui du noir.

Le Sénégal en fait partie. De manière donc impérative, Amadou Ba doit soulager ces millions de ménages pour éviter que le front social ne s'embrase. Le deuxième défi va consister à gérer au mieux le fragile équilibre des rapports de force, qui prévaut aujourd'hui au sein de l'Assemblée nationale. S'il s'y prend mal, il pourrait s'exposer à un vote de défiance.

Le troisième défi se situe dans le camp de la coalition qui soutient Macky Sall. Le moindre faux pas de ce dernier pourrait faire voler en éclats ce regroupement. Même à l'intérieur du parti présidentiel, l'APR, il pourrait avoir du mal à tenir dans les rangs certains militants qui, légitimement, pourraient lorgner le fauteuil présidentiel en 2024. L'homogénéité du gouvernement risque donc, dans les mois à venir, de prendre un coup.

En tout cas, Amadou Ba sera surveillé comme du lait sur le feu aussi bien par l'opposition que par ses propres camarades de parti. Saura-t-il relever tous ces défis ? S'il réussit, et c'est tout le mal qu'on lui souhaite, il pourrait être le dauphin de Macky Sall en 2024 au cas où ce dernier voudrait bien passer la main. Mais cela, seuls les marabouts du pays peuvent le prédire tant ils sont passés maîtres dans l'art de dire de quoi demain sera fait.

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