D’anciens ministres africains dénoncent les tares qui grippent la machine de gouvernance établie dans nos pays. Ils l’ont soulevé lors d’une table ronde virtuelle que le Groupe de Réflexion et d’influence des femmes (Grif) a organisé le samedi 17 septembre 2022.
« Élection, Nomination, Démission en Afrique ? ». C’est le thème autour duquel la réflexion a été convoquée pour aborder la question du « défi de l’élection et de la nomination et son corollaire de la démission en Afrique ».
L’objectif visait était d’explorer les contextes sociopolitiques et culturels ainsi que les considérations de déontologie, d’éthique, de leadership et de responsabilité personnelle dans l’exercice d’une fonction au service du public, qu’elle soit élective ou nominative.
L’occasion était saisie pour d’anciens ministres démissionnaires de pointer du doigt les tares qui alimentent la mauvaise gouvernance dans des pays comme le Sénégal, le Mali, la Guinée et le Tchad.
Mamadou Ismaïla Konaté, ancien garde des Sceaux, ministre de la Justice du Mali, a d’entrée pointé du doigt la perception que les gens ont donné de la fonction ministérielle en Afrique.
Alors que, souligne-t-il, « C’est beaucoup de leurres qui peuvent vous mettre dans la posture d’un demi-dieu alors que tout dépend des humeurs d’une personne qui peut vous démettre sur la base d’un décret présidentiel ».
Démissionnaire de son poste de garde des sceaux du temps du président Ibrahima Boubacar Keïta du Mali, M. Konaté dit avoir toujours refusé de pouvoir s’aplatir pour faire plaisir ou gérer des intérêts de personne.
Même son de cloche pour Thierno Alassane Sall ancien ministre de l’Énergie et du Développement des Énergies Renouvelables du Sénégal.
Dénonçant les conditions léonines proposées par la multinationale française Total pour entrer dans l’exploitation pétrolière sénégalaise, M. Sall assure avoir agi de la sorte pour préserver les intérêts de son pays.
A l’en croire, cette posture colle avec les principes et valeurs qui l’ont mené en politique. « Je suis venu en politique avec les valeurs fondamentales dont le patriotisme africain ».
Député nouvellement élu dans la 14ème législature sénégalais, M. Sall promet de poursuivre la lutte en prenant des initiatives avec ses collègues élus pour soulever tous ces scandales dont celui de Petrotim qui a fait couler beaucoup d’encre suite à un reportage de la chaine anglaise BBC et une sortie médiatique de l’opposant Ousmane Sonko.
Dans la même dynamique, Mme Rosine Amane Djibergui, ancienne ministre de l’Aviation civile, du Transport et de la Météorologie du Tchad dit avoir subi les mêmes pressions depuis qu’elle avait refusé de se soumettre à la prestation de serment confessionnel exigée à tous les membres du gouvernement. Ce qui, selon elle, l’avait poussé à démissionner vu son éducation et ses confessions religieuses.
Pour Thierno Alassane Sall cette forte dépendance au président de la république s’explique par le fait que dans nos pays l’Etat est l’agent économique principal, contrairement aux USA et en France où on est ministre pour gonfler son CV et aller servir dans le privé.
A son avis, la justice doit pouvoir fonctionner normalement ainsi que les députés qui ont démissionné de leur mission de contre-pouvoir et de contrôle de l’action de gouvernement.
L’ancien ministre sénégalais du pétrole pense qu’un élu doit savoir dire non quand il n’est pas d’accord et que les décisions d’intérêt commun doivent être collégiales.
Garantir une forme de gouvernance solide et pérenne revient, selon M. Sall, à se doter d’institutions fortes et des hommes de valeur qui fondent leurs actions sur de la critique.