Afrique de l'Ouest: Affaire "46 militaires détenus au Mali" - Le jeu trouble de la junte pour s'éterniser au pouvoir

21 Septembre 2022
analyse

Une sortie qui trahit les intentions réelles des putschistes maliens. Suite au communiqué qui a sanctionné la réunion du Conseil national de la sécurité du mercredi 14 septembre dernier, la junte, dirigée par Assimi Goïta, s'est fendue d'une réplique, truffée de fautes, dans laquelle, elle exprime sa volonté de ne pas libérer les 46 soldats ivoiriens injustement détenus depuis le 10 juillet 2022. Et, elle n'entend pas également se soumettre à une quelque décision de la Cedeao, qui a été saisie par les autorités ivoiriennes.

Cette radicalisation, qui saborde toute tentative de règlement pacifique de cette crise, confirme la prise d'otages de ces soldats ivoiriens, et dévoile surtout la stratégie de la junte : faire diversion pour s'éterniser au pouvoir. En effet, Assimi Goïta et ses hommes ont rangé aux oubliettes leur promesse d'œuvrer pour le retour de l'ordre constitutionnel. Curieusement, ils ne font plus cas du chronogramme de sortie de cette transition ni de l'organisation d'élections, alors qu'ils ont pris des engagements fermes devant la Cedeao.

Les hommes forts de Bamako ne sont désormais focus que sur la situation des militaires ivoiriens, ils glissent inlassablement vers l'instauration d'une dictature militaire et prononcent à demi-mot le requiem de la démocratie. A contrario de leurs frères d'armes guinéens et burkinabé qui s'attèlent à organiser des élections, c'est silence radio sur le mont Koulouba. D'ailleurs, c'est désormais de notoriété : tout discours contraire à celui de la soldatesque est un crime de lèse-majesté.

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Le cas le plus récent, l'opposant de très longue date Omar Mariko n'a dû son salut qu'à la fuite. Les nombreux opposants recherchés ne servent qu'à masquer l'incapacité d'Assimi Goïta et la junte à combattre les terroristes qui font feu de tout bois, et qui ont servi d'alibi aux deux coups d'état. Dorénavant, un seul son de cloche est audible au Mali. En s'opposant à l'irruption de la Cédéao dans l'affaire des 46 militaires injustement détenus, le pouvoir du Mali veut se soustraire d'une confrontation qui va lui rappeler ses promesses qui ont permis la levée des sanctions.

Immaturité diplomatique et dictature

A lire attentivement le communiqué émis visiblement à la va vite, l'on conclut que le pouvoir de Bamako interprète à sa guise les propos du ministre Fidèle Sarassoro à Bamako, à la libération des trois soldates. " La République de la Côte d'Ivoire déplore que des manquements et des incompréhensions aient été à l'origine de cet événement fortement regrettable ", avait-il regretté à Lomé.

" La République de la Côte d'Ivoire, soucieuse de maintenir des relations de bon voisinage avec le Mali, s'engage à respecter les procédures des Nations unies ainsi que les nouvelles règles et dispositions maliennes édictées, relatives au déploiement des forces militaires au Mali ", a ajouté le ministre directeur de cabinet du Président Alassane Ouattara. Assimi Goïta et ses frères d'armes ont ainsi compris que la Côte d'ivoire faisait son mea culpa. Que nenni !

" Les manquements " évoqués sont du fait de l'Onu. Cette mauvaise interprétation de ce discours est sans doute liée à l'immaturité politique et leur incompréhension des codes diplomatiques de la junte malienne. Mais aussi leur méconnaissance du fonctionnement du monde et de la géopolitique. Les mots choisis par le proche collaborateur du chef de l'Etat ivoirien se veulent courtois, pour ne pas embarrasser l'organisation mondiale.

En se focalisant sur la sortie de fidèle Sarassoro, Assimi Goïta et ses frères d'armes font donc montre de leur inexpérience, et semblent peu se préoccuper du sort des 26 millions de Maliens qui pourraient pâtir de possibles sanctions internationales.

" L'affaire des militaires ivoiriens est purement judiciaire et bilatérale ", indique le gouvernement de transition malien, pour rendre forclose l'institution sous-régionale saisie par le Président Ouattara : " Au regard des derniers développements, qui sont de nature à porter atteinte à la paix et à la sécurité dans la sous-région, le président de la République a instruit la ministre des Affaires étrangères de saisir la Commission de la Cédéao en vue de la tenue dans les meilleurs délais d'une réunion extraordinaire des chefs d'État et de gouvernement pour examiner la crise entre la Côte d'Ivoire et le Mali ", avait communiqué le Cns, il y a quatre jours. En riposte, Assimi Goïta et ses hommes disent niet et mettent en garde contre " toute instrumentalisation " de l'instance communautaire par la Côte d'Ivoire.

Union et solidarité autour de Ouattara

Cet argument cité plus haut est une fuite en avant, qui sonne comme un délire des militaires maliens en transe. Ils estiment que la médiation togolaise " est l'unique cadre de règlement du dossier ".

En clair, les soldats au pouvoir au Mali semblent jouer avec le feu. De sources concordantes, la Cédéao devraient bander les muscles lors de sa réunion prévue à New York, sur le dossier ivoiro-malien, et ce ne serait pas la faute au Président Ouattara qui a opté depuis le début, pour une résolution diplomatique.

A l'issue de la dernière réunion du Cns, il a été rappelé les personnalités qui se sont impliquées, en vain dans la recherche d'une solution consensuelle : Faure Gnassingbé, président de la République togolaise et plusieurs autres chefs d'État, notamment Macky Sall, président de la République du Sénégal et président en exercice de l'Union africaine, Umaro Sissoco Embaló, président de la République de Guinée-Bissau et président en exercice de la Cedeao, Colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, président de la Transition du Burkina Faso, Muhammadu Buhari, président de la République fédérale du Nigeria, Colonel Mamadi Doumbouya, président de la transition de la République de Guinée et António Guterres, Secrétaire général des Nations Unies. Une posture qui situe amplement sur la volonté de la Côte d'Ivoire de régler ces dissensions par la diplomatie, et montre la bonne foi du Président Ouattara.

Et qui mérite l'union et la solidarité autour du chef de l'Etat, car la Côte d'Ivoire paye pour des sous-traitants onusiens, dont l'Allemagne

L'aveu de l'Allemagne qui dit tout

Le 13 juillet 2022, dès l'arrestation des militants ivoiriens, L'Allemagne a d'ailleurs donné de la voix. " Le comportement des dirigeants maliens est un signal très problématique. Ici, malheureusement, de sérieux doutes surgissent de nouveau quant à savoir si le Mali montre un quelconque intérêt pour une coopération constructive dans le cadre de la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali) ", s'est offusqué " J'appelle les autorités du Mali à libérer immédiatement les soldats ivoiriens ", s'est ainsi offusquée la ministre allemande de la Défense, Christine Lambrecht, trois jours après l'arrestation des soldats ivoiriens.

Elle avait alors bien expliqué que ces soldats dont c'était la 7è rotation, " relevaient bien de ce mécanisme NSE, en vertu duquel un pays contributeur de troupes peut apporter un soutien complémentaire à un contingent déployé au sein de la Mission ". Déjà le 11 mars 2022, les autorités militaires allemandes et ivoiriennes échangeaient sur ces rotations impliquant les soldats ivoiriens.

" Le commandement des opérations de la force conjointe de la Bundeswehr allemande exprime par la présente sa gratitude pour le soutien que votre nation a fourni à l'aéroport de Bamako. En raison de la situation géopolitique actuelle et de la présence possible d'éléments militaires opposés à proximité du camp Senou, le commandement des opérations des forces conjointes de la Bundeswehr apprécierait beaucoup le soutien et la contribution continus des forces armées ivoiriennes ", écrivait le Général de Brigade Leitgeh à son collègue Général de corps d'armées Lassina Doumbia. Voilà encore une preuve officielle de l'appartenance des militaires ivoiriens aux forces onusiennes.

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