Burkina Faso: Affaire Ousmane Guiro - Le jugement renvoyé à la prochaine année judiciaire

Cour de Cassation du Burkina (Illustration)

Aussitôt ouverte le jeudi 22 septembre 2022, l'audience du procès Ousmane Guiro est émaillée d'un incident et d'une exception soulevée. Alors qu'on n'était que dans les préliminaires, c'est le ministère public qui s'est retiré du dossier.

Après une suspension qui a permis de régler l'incident d'audience, c'est une exception soulevée par les avocats de l'accusé qui va contraindre la Cour à renvoyer le dossier à la prochaine session de l'année judiciaire pour une bonne administration de la justice.

D'un procès à l'autre, l'auditoire diffère. Au procès Ousmane Guiro, débuté peu après 11 heures, la salle n'était même pas à moitié pleine. Il n'y avait que des proches du mis en cause et quelques journalistes.

A la barre, l'un des deux accusés manque à l'appel : il s'agit d'Eric G. Zongo. " L'accusé est un employé de commerce et il lui a été bien notifié la date d'audience d'aujourd'hui ", a fait observer le parquetier.

L'inspecteur des douanes de 69 ans Ousmane Guiro, drapé dans un Faso Danfani, est bien présent à la barre pour répondre des chefs d'accusation de corruption passive, enrichissement illicite et violation de la réglementation des changes. Mais il va devoir prendre son mal en patience après 12 années d'attente.

Au prétoire on s'affaire. A la défense comme à la partie civile, des avocats se constituent de part et d'autre. Alors qu'on entame la phase préliminaire, deux autres avocats qui étaient dans ce dossier auparavant manquent à l'appel. L'un d'eux, Me Guy Hervé Guy Kam, par le biais de son confrère Me Prosper Farama a notifié à la Cour par écrit qu'il se déportait de ce dossier. Mais pour le second avocat, rien du tout. " Le contrat d'assistance des deux avocats est arrivé à échéance. C'est ce qui vaut que les deux avocats se soient déportés du dossier ", a tenté d'expliquer l'Agent judiciaire de l'Etat (AJE). Face à cette explication fournie par l'AJE, Me Paulin Salembéré a fait observer qu'ils devaient au préalable se constituer avant de se déporter du dossier. La question d'avocats déportés épuisée, c'était le tour du parquet de formuler ses réquisitions préliminaires.

%

Le parquet se retire du dossier

Après donc la remarque de l'avocat de la défense, le président de la Cour a appelé à la barre les témoins et donné la parole au ministère public pour ses réquisitions préliminaires. C'est contre toute attente que le procureur a demandé un renvoi du dossier à la prochaine année judiciaire au motif qu'il lui manquait certaines pièces pour soutenir l'accusation.

Comme il fallait s'y attendre, la raison avancée n'a pas convaincu le conseil du principal mis en cause dans cette affaire. " Nous sommes étonnés de cette demande. Le parquet a estimé que toutes les diligences étaient accomplies et nous a convoqués devant votre barre. Si ce n'était pas le cas, il n'aurait pas dû enrôler ce dossier ", a souligné l'ancien bâtonnier Me Paulin Salembéré. Les avocats de la partie civile et l'AJE, quant à eux, s'en remettent à la sagesse du président de la Cour.

Après avoir écouté toutes les parties et procédé à une suspension de quelques minutes, le président de la Cour a décidé de maintenir le dossier et de le juger. Le parquet est revenu à la charge et a demandé cette fois-ci une suspension de trois heures pour lui permettre de se mettre en état de soutenir l'accusation. Mais le président de la Cour n'était pas de cet avis et a indiqué que cela n'était pas envisageable. " Le ministère public, en tant que partie, a décidé de se retirer du dossier ", a répliqué le parquetier qui a immédiatement quitté la salle d'audience. Me Salembéré, qui a affirmé qu'en 27 ans d'expérience c'était la première fois qu'il voyait cela et en se fondant sur ce retrait du parquet, a demandé tout simplement la relaxation de son client.

La défense exige la présentation des scellés

Suite à cet incident, l'audience était de nouveau suspendue. Plus d'une heure après l'incident étant réglé et le ministère public était de retour dans la salle, l'audience avait repris son cours. Alors que le président de la Cour donnait la parole au greffier pour donner lecture de l'arrêt de renvoi, ce sont les avocats de Guiro qui entrent cette fois-ci dans la danse en exprimant cette préoccupation : est-ce que le procureur a fait diligence pour transmettre les scellés constitués de numéraire au greffe en chef ? En d'autres termes, est-ce que les cantines d'argent à l'origine de cette procédure existent encore ?

La défense dit soulever cette exception car elle a appris par voie de presse que l'argent a été réintroduit dans le circuit financier. Interpellé sur cette question, le parquet a tout simplement signifié qu'il n'avait pas de réponse à cette question. Une réponse qui a suscité des réactions au sein du conseil du mis en cause. " Nous sommes embarassés par la réponse qui nous a été donnée. C'est une préoccupation essentielle pour nous. Une certaine somme qui constitue pour la partie poursuivante une pièce à conviction ; il n'y avait pas matière à disposer de cette somme alors que le procès devait reprendre ", a réagi Me Adrien Nion.

Sur cette exception qui porte sur le corps de délit, Me Salembéré Paulin a expliqué à la Cour que sur sommation interpellative au greffe de la Cour d'appel de Ouagadougou le greffier en chef a dit qu'il n'a jamais pris en charge ces scellés. Cette exception soulevée par les avocats de Guiro a finalement eu raison de l'audience du jour. " Vu la demande des avocats, la Cour a ordonné au parquet la présentation des scellés et renvoie le dossier à la session prochaine pour une bonne administration de la justice ", a finalement tranché le président de la Cour.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.