Afrique de l'Ouest: Affaire " 46 militaires ivoiriens détenus au Mali " - Pourquoi le gouvernement hausse le ton

21 Septembre 2022

Le 10 juillet 2022, l'opinion nationale et internationale a été surprise d'apprendre l'arrestation au Mali de 49 soldats ivoiriens en mission pour le compte de la MINUSMA.

Alors qu'elle ne s'était pas remise de cette nouvelle aussi rocambolesque qu'ubuesque, le régime malien porte l'estocade en se fendant d'un communiqué, le lendemain, 11 juillet, dans lequel il accusait lesdits soldats d'être des " mercenaires ". La junte malienne justifiait cette allégation par un certain nombre de faits dont celui de n'avoir pas été informée de leur présence au Mali.

Le gouvernement ivoirien n'a pas tardé à réagir à ce communiqué malien. A l'issue d'un conseil national de sécurité (CNS) spécial, Abidjan a fait savoir, le 12 juillet, que la présence de ses soldats dans le cadre d'opérations de soutien logistique à la mission des Nations unies au Mali (MINUSMA) est " bien connue des autorités maliennes ". Et demande leur libération " sans délai ".

Dans la foulée, l'on a appris de sources introduites que dès les premières heures de l'arrestation des 49 soldats ivoiriens, c'est-à-dire le dimanche 10 juillet, les autorités militaires d'Abidjan et celles de Bamako ont eu des échanges téléphoniques sur la situation. Ces dernières qui avaient reçu, selon ces sources, toutes les assurances de leurs homologues de la Côte d'Ivoire, avaient promis de relâcher les militaires ivoiriens aussitôt. Le gouvernement ivoirien qui croyait qu'il s'agissait juste d'un problème " administratif" tombe des nues quand un communiqué du gouvernement de transition malien accuse ses soldats de mercenariat.

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Dans ce climat de tension entre les deux capitales, les putschistes maliens tentent de calmer le jeu. Ils font appel au président togolais Faure Eyadema pour mener une médiation. Ces négociations piétinent voire bloquent. Car Bamako, selon des observateurs, exige des " excuses publiques " au pays d'Alassane Ouattara. Chose à laquelle la Côte d'Ivoire refuse de consentir. La junte qui avait, entre-temps promis, de ne pas donner une suite judiciaire au dossier passe outre sa promesse.

Elle inculpe les soldats ivoiriens le 14 août. " Les autorités de la junte en décidant de filer la patate chaude à la justice veulent se couvrir de toute poursuite plus tard. Car elle pourrait être poursuivie pour séquestration si elle continue de les maintenir en prison dans ces conditions. C'est en même temps une porte de sortie qu'elle se crée. Parce que d'une manière ou d'une autre, les soldats détenus vont recouvrer la liberté. Si c'est le cas, il revient à la justice de se prononcer sur un non-lieu et l'affaire est close ", commentent des observateurs.

N'empêche ! Abidjan fulmine. Le médiateur togolais ne baisse pour autant pas les bras. Ainsi le 3 septembre trois soldates sont libérées officiellement pour des raisons " humanitaires ". L'espoir renait. La Côte d'Ivoire se met à rêver d'un retour à la maison de ses militaires "injustement" arrêtés. Mais le pouvoir malien finit par montrer ses vraies intentions. Le putschiste en chef, colonel Assimi Goïta, fait une demande surréaliste. Il demande à présent une " contrepartie " à la relaxation des 46 autres militaires restants.

Le colonel Goïta l'a ouvertement signifié vendredi 9 septembre. " Au moment où la Côte d'Ivoire demande la libération de ses soldats, elle continue de servir d'asile politique pour certaines personnalités maliennes faisant l'objet de mandats d'arrêt internationaux émis par la justice ", a dit le colonel Goïta lors d'une rencontre avec le ministre nigérian des Affaires étrangères, Geoffrey Onyeama. " Ces mêmes personnalités bénéficient de la protection de la Côte d'Ivoire pour déstabiliser le Mali. D'où la nécessité d'une solution durable à l'opposé d'une solution à sens unique qui consisterait à accéder à la demande ivoirienne sans contrepartie pour le Mali ", a-t-il déclaré.

Parmi les personnalités visées par la junte, on compte notamment Karim Keïta, le fils de l'ancien président Ibrahim Boubacar Keïta, et Tiéman Hubert Coulibaly, ministre de la Défense et des Affaires étrangères. En faisant ouvertement cette demande, le Mali révèle ses vraies intentions depuis le début de cette affaire. Pour Fidèle Sarassoro, ce n'est ni plus ni moins qu'une prise d' " otages ". " Cette demande confirme, une fois de plus, le fait que nos soldats, ne sont, en aucun cas, des mercenaires mais des otages ", a déclaré mercredi 14 septembre, Fidèle Sarassoro, secrétaire exécutif du CNS. Et décidé de hausser le ton.

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