Burkina Faso: Une lettre pour Laye - Où est donc passé le sergent Magloire Yougbaré ?

analyse

Cher Wambi,

Que d'eau ! Que de pluies, cher Wambi, en ce mois de septembre ! Rarement cette période de l'année aura été aussi pluvieuse. Au point qu'en plus des cas d'inondations constatés çà et là, on craint par endroits, si la tendance se maintient, pour certaines spéculations qui s'accommodent mal de l'excès d'eau.

Mais à Dieu et aux ancêtres ne plaise.

Sur ce, voici, cher cousin, le relevé pluviométrique de la semaine du 15 au 21 septembre 2022 :

Bobo-Dioulasso : 43,6 mm ; Bogandé : 6,5 mm ; Boromo : 86,1 mm ; Dédougou : 59,7 mm ; Fada N'Gourma : 104,0 mm ; Gaoua : 61,6 mm ; Ouagadougou-Aéroport : 70,3 mm ; Ouahigouya : 74,4 mm ; Pô : 73,0 mm.

Cher Wambi, dans sa livraison du 15 septembre 2022, notre confrère " Le Courrier confidentiel " faisait cas de nombreuses distorsions constatées aussi bien au niveau du gouvernement qu'au niveau de l'Assemblée législative de transition dans le traitement du rapport provisoire de l'audit sur la gestion d'Alassane Bala Sakandé, chef du Parlement de septembre 2017 à janvier 2022. Et le journal d'investigation de se demander si toutes ces entorses à la procédure réglementaire ne trahissaient pas une volonté manifeste de s'acharner particulièrement sur l'ex-PAN.

En effet, relève " Le Courrier confidentiel ", alors que l'Autorité supérieure de contrôle d'Etat et de lutte contre la corruption (ASCE/LC) a remis son rapport provisoire à l'ALT pour transmission à Bala en vue d'y apporter ses observations, contre toute attente, le président de cette institution, Aboubacar Toguyeni, a fait déposer le document, même provisoire, sur la table du gouvernement. Dans son résumé du Conseil des ministres du mercredi 3 août 2022, Valérie Kaboré, du département de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme, a annoncé ce jour-là que le Premier ministre, qui a réceptionné le rapport d'audit, avait reçu pour instruction d'examiner avec précaution ledit rapport et qu'en cas de besoin le public serait informé.

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Ce n'est qu'après plusieurs semaines que le président de l'ALT fera transmettre le rapport provisoire à Alassane Bala Sakandé avec un délai de réaction de treize jours alors que les textes en prévoient trente.

De sources proches du dossier j'ai appris qu'en vue de formuler ses observations, comme l'autorise la procédure de l'ASCE/LC, l'ancien titulaire du Perchoir a adressé une correspondance au président de l'ALT, dans laquelle il demande, d'une part, à avoir accès aux archives de l'institution parlementaire et, d'autre part, à se faire assister par ses avocats. Mais si la première requête a été acceptée, la seconde, c'est-à-dire la présence de son conseil lors de la consultation des documents comptables, lui a été purement et simplement refusée.

En attendant donc de revenir sur cette affaire d'audit de l'Assemblée nationale qui n'a pas encore fini de livrer tous ses tenants et aboutissants, je reste à l'ALT pour te rapporter cette histoire, certes cocasse, mais qui ne fait pas rire tout le monde. Bien au contraire !

Tout serait parti du député Dr Arouna Louré, connu pour ses positions tranchées.

En effet, voulant se soulager, comme on le dit par pudeur, celui-ci a quitté la salle de la Commission des affaires générales, institutionnelles et des droits humains (CAGIDH) pour celle de la Commission finance et budget (COMFIB) afin de se libérer d'un besoin pressant. Mais sans qu'on sache comment, un employé de l'institution a refermé la porte par mégarde. Dans l'impossibilité de ressortir par où il est entré, l'infortuné député a dû passer par la fenêtre pour se libérer cette fois de la prison de circonstance dans laquelle il était.

Suite à cet incident, l'auteur de cette inadvertance a écopé d'une sanction disciplinaire de quatorze jours de mise à pied.

Une décision qui n'est pas du tout du goût des travailleurs de l'ALT qui, à travers le bureau du Syndicat autonome du personnel de l'administration parlementaire (SYNAPAP), entendent s'élever contre une mesure qu'ils qualifient de " velléités de sanctions arbitraires et injustes ".

A ce propos, une assemblée générale extraordinaire est prévue dans l'après-midi d'aujourd'hui vendredi 23 septembre 2022.

Cher Wambi, comme je te l'annonçais la semaine dernière, le tribunal de grande instance Ouaga II abrite depuis le 19 septembre 2022 les assises criminelles. Le bal des audiences s'est ouvert par l'emblématique dossier Boukary Dabo, du nom de cet étudiant en 7e année de médecine. Ce jeune homme avait été arrêté dans le cadre de la répression des grèves estudiantines pour la réintégration de leurs camarades renvoyés de l'université mais aussi pour l'amélioration des conditions de vie et d'études sur le campus. Arrêté le 19 mai 1990 et " déporté " illico presto au Conseil de l'entente, l'antre des soldats de la garde présidentielle de Blaise Compaoré, Boukary Dabo va mourir dans la nuit suite aux mauvais traitements qui lui ont été infligés par les bidasses. Le nom de Gaspard Somé et celui de Magloire Yougbaré sont revenus comme une antienne dans la bouche des survivants, codétenus de l'ancien étudiant de médecine.

Transférée dans la même nuit à Pô à bord d'une ambulance, la dépouille de l'infortuné sera sommairement inhumée sous un arbre quelque 10 km après la ville garnison du Nahouri.

Quant aux autres étudiants qui étaient aux mains des soldats, ils seront répartis et convoyés dans les détachements du Centre national d'entraînement commando (CNEC) à Koudougou, Dédougou et bien sûr à Pô où ils vont subir une formation militaire forcée durant quelques mois. Par la suite, la possibilité sera offerte à ceux qui le souhaitaient d'intégrer les rangs des forces armées nationales. Et de fait, quelques-uns ont accepté de se faire enrôler.

Cher cousin, trente-deux ans après ces tristes événements, le dossier est parvenu au rôle d'audience de la Chambre criminelle de la Cour d'appel de Ouagadougou. Mais pour qu'on en arrive là, les promotions successives des étudiants militants de l'Association nationale des étudiants burkinabè (ANEB) et de l'Union générale des étudiants burkinabè (UGEB) ont su maintenir et transmettre le flambeau de la mémoire de Boukary Dabo afin que justice lui soit rendue.

Outre ces syndicats d'étudiants, il y a également le rôle joué par l'avocat Me Bénéwendé Stanislas Sankara qui, à moins de 72 heures de la prescription judiciaire de l'affaire Dabo, a déposé une plainte avec constitution de partie civile dans un cabinet d'instruction du tribunal de grande instance de Ouagadougou le 16 mai 2000. Il a fallu que l'avocat fasse des pieds et des mains pour sortir le dossier de sa léthargie et voilà qu'après 22 ans de procédure, l'affaire est enfin enrôlée aux assises criminelles avec trois personnes dans le box des accusés : le général Gilbert Diendéré (capitaine au moment des faits), le lieutenant-colonel Mamadou Bamba (étudiant en médecine à l'époque) et le sergent Magloire Yougbaré (soldat du CNEC).

Quant au caïd Gaspard Somé qui est mort dans un accident de la circulation, l'action publique le concernant est évidemment éteinte.

Après trois jours d'instruction à la barre, la Chambre a commencé à livrer son verdict tard dans la nuit de mercredi à jeudi peu avant une heure du matin :

- Général Gilbert Diendéré : 20 ans de prison ferme et 1 million de FCFA d'amende ;

- Lieutenant-colonel Mamadou Bamba : 10 ans de prison ferme et 1 million de FCFA d'amende ;

- Sergent Magloire Yougbaré : 30 ans de prison ferme et 5 millions de FCFA d'amende.

En comparant les réquisitions du parquet général, on peut dire que la Cour a eu la main lourde contre le général puisque c'est 7 ans de prison qui avaient été requis contre lui. Par contre Yougbaré s'en sort bien, car il échappe à la réclusion criminelle à perpétuité que le ministère public lui promettait. Enfin concernant Bamba, on constate que la Cour a suivi le parquet général dans ses réquisitions.

Cher cousin, comme tu le sais, le sergent Magloire Yougbaré a été jugé par défaut. Le ministère public a considéré que cet accusé était en fuite sans dire plus. Mais lors d'une pause, j'ai approché l'avocat qui devait défendre les intérêts de Magloire Yougbaré. Il m'a expliqué qu'en fait son client est en soins hors du pays, plus précisément en Italie où il s'est réfugié depuis des années. Et vraisemblablement le soldat s'est retiré dans le Pied de botte pour " sauver son nez " comme on le dit ici, tant il se sentait en insécurité dans son Faso natal.

Cher Wambi, la tenue des assises criminelles est un grand moment judiciaire qui permet de vider les tiroirs et participe du respect des droits de l'accusé pour ne pas dire, tout court, des droits de l'homme. Avant la dernière réforme de la loi, la Chambre criminelle de la Cour d'appel tenait ponctuellement des sessions d'assises criminelles. La raison invoquée était le manque de moyens, surtout financiers. On imagine que les assises coûtent des millions de nos francs. Je dis bien on imagine puisqu'il y a comme un tabou pour la justice de communiquer sur le budget nécessaire à la tenue de ces sessions. Dans le passé, on voyait sur les banderoles que c'étaient des partenaires techniques et financiers qui mettaient l'argent sur la table pour permettre l'organisation des assises. Cela a encore été le cas pour la présente session qui est financée par le programme Cohésion sociale, sécurité et Etat de droit (COSED) et le PNUD. A mon avis, ç'aurait été bien que nous puissions nous-mêmes prendre en charge la facture du fonctionnement de notre justice et non pas tendre la main pour qu'on nous vienne en aide. Franchement on croyait que les choses allaient changer avec la nouvelle réforme qui dispose que les assises ne doivent plus se tenir seulement de temps en temps mais de façon ordinaire et régulière. Hélas...

Cher Wambi, je suis tombé des nues en apprenant cette nouvelle aussi surprenante que déconcertante.

Il s'agit de ce communiqué de presse de l'université Jean Moulin Lyon III au sujet de l'ancien président burkinabè Blaise Compaoré.

En effet, en date du 20 septembre 2022, le président de cette prestigieuse institution, Eric Carpano, a fait part d'une de ses décisions à travers la déclaration suivante :

"L'université est une communauté fondée sur des valeurs essentielles au sein desquelles les droits humains occupent une place centrale et fondatrice. Par le passé, l'université Jean Moulin a gravement manqué à ces valeurs en décernant le 23 avril 2004 le titre de docteur honoris causa à Blaise Compaoré, dictateur du Burkina Faso ayant asservi son peuple durant des années et symbole d'une Francophonie dévoyée par le néocolonialisme de la "Françafrique".

Ce qui était déjà inacceptable en 2004 l'est encore davantage aujourd'hui, ce dernier ayant été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour l'assassinat, entre autres, de Thomas Sankara.

En conséquence, et afin de laver l'affront fait aux valeurs universitaires autant qu'au peuple burkinabè, j'ai pris la décision, en responsabilité, de soumettre au prochain Conseil d'administration le retrait sans délai dut titre de Docteur honoris causa de l'université Jean Moulin à M. Blaise Compaoré".

Cher cousini, walaï, à la lecture de ce communiqué, que j'ai dû lire et relire pour être sûr que je ne m'étais pas gouré, j'ai d'abord pensé à une mauvaise blague, comme les internautes en ont le secret. Mais après plusieurs recherches approfondies, j'ai dû me rendre à l'évidence : le document est authentique.

Alors, sans pour autant chercher à répondre à M. Carpano, je ne peux me retenir de lui poser cette toute petite question : l'université Jean Moulin Lyon III, au moment où elle élevait Blaise Compaoré au rang de Docteur honoris causa, ignorait-elle les circonstances dans lesquelles celui dont il instruit le procès en indignité était arrivé au pouvoir ?

Je n'oserai pas jusqu'à dire comme ce karansamba de l'école de Laye qu'il s'agit encore là d'un des paradoxes de nos cousins les Gaulois, mais j'avoue que ce rétropédalage n'honore pas ladite université.

A lire entre les lignes, on se demande si cette décision ne procède pas davantage de considérations idéologiques que de valeurs académiques.

Pendant qu'on y est, que nos preux défenseurs des valeurs universitaires travaillent aussi à faire enlever du Larousse le nom de l'ancien président du Faso, qui figure à la page 1408, à la 3e colonne de l'édition 2022 !

Cher Wambi, à présent, je t'invite à feuilleter avec moi le carnet secret de Tipoko l'Intrigante, particulièrement menu cette fois. Renseignement pris, les grosses pluies de ces derniers temps ont eu raison du chaume décati de sa case. Résultat : son fameux carnet secret en a pris un sacré coup.

- Demain samedi 24 septembre au CBC, conférence publique de très grande importance en ces temps-ci, comme l'atteste son thème : " La laïcité au Burkina Faso : mythe ou réalité ? Construire l'entente nationale ".

Organisée par l'association BADEN-YA SULLI, elle sera animée par le professeur Abdoulaye Sawadogo, enseignant-chercheur à l'université Joseph Ki-Zerbo, qui aura à ses côtés le Dr Kayala Aristide Béré, administrateur civil, comme modérateur.

Créée en 2013, BADEN-YA SULLI est une association apolitique, non confessionnelle et à but non lucratif. Elle a pour objectif la production et la diffusion de réflexions visant la promotion de la dignité humaine et de la morale dans la société burkinabè.

- Nombreux ont été les usagers de certaines mairies de Ouagadougou, ces derniers jours, à devoir rebrousser chemin insatisfaits. En cause, la pénurie de timbres communaux dans lesdits services alors que ceux-ci doivent être apposés obligatoirement sur certains documents tels les certificats de vie. Une des conséquences aura été la hausse du ton entre des retraités et des agents chargés du traitement de leurs pensions, les mois de mars et septembre étant consacrés à la réception de ces pièces communales attestant leur existence. Une équation qui gagnerait à être résolue au plus vite quand on sait que certains retraités survivent difficilement avec ce qui leur est servi comme maigreurs à titre de pension.

Tipoko l'Intrigante n'apprend rien d'elle-même, elle n'invente jamais rien. Tipoko l'Intrigante est un non-être. Elle n'est ni bonne en elle-même, ni mauvaise en elle-même. Elle fonctionne par intuition, car "l'intuition c'est la faculté qu'a une femme d'être sûre d'une chose sans en avoir la certitude..."

Ainsi va la vie.

Au revoir.

Ton cousin

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