Cameroun: La science de la réduction des effets nocifs du tabac

23 Septembre 2022

Depuis 40 ans que le professeur Michael Russell, un expert Sud-africain et spécialiste du comportement tabagique, a lancé la logique selon laquelle les fumeurs fument pour la nicotine mais sont tués par le goudron, cette affirmation est restée largement incontestable malgré l'opposition de certains milieux. Cette logique a servi de base au concept de réduction des méfaits du tabac (RMT) et aux arguments en sa faveur.

Avec le temps, cette logique a donné vie à diverses innovations en matière de consommation de tabac, comme les produits de vapotage ou le tabac sans fumée, qui éliminent l'élément combustible et donc réduisent considérablement les risques de santé liés à la consommation du tabac.

Une étude réalisée par la Public HealthEngland sur les e-cigarettes en janvier 2018 a conclu que : " Sur la base des connaissances actuelles, affirmer que le vapotage est au moins 95% moins dangereux que le tabagisme reste un bon moyen de communiquer sans ambiguïté la grande différence de risque relatif afin d'encourager davantage de fumeurs à passer du tabagisme au vapotage ".

En outre, un ensemble de tests scientifiques récemment élaborés pour évaluer le potentiel de réduction des risques des produits de vapotage, notamment par rapport aux cigarettes conventionnelles, montre que la vapeur a un impact biologique très réduit ou nul sur les cellules humaines en laboratoire, par rapport à la fumée de cigarette conventionnelle, selon le test utilisé.

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Au cours des dernières décennies, nous avons assisté à l'introduction des produits du tabac et sans tabac susceptibles de réduire l'impact de la consommation du tabac sur la santé. Ces produits sont connus sous le nom des produits à risque réduit (PRRs).

Le concept de réduction des risques n'est pas nouveau ni propre à la consommation de tabac. On le retrouve dans plusieurs domaines d'action tels que la lutte contre l'alcoolisme, la sécurité automobile et l'éducation sexuelle des enfants, entre autres.

Dans le cas de la réduction des méfaits du tabac, le concept fondamental est qu'en plus des interventions visant à prévenir et à promouvoir le sevrage tabagique, il s'agit de fournir des produits à risque réduit (PRRs)à ceux qui ne sont pas capables d'arrêter de fumer. Alors que certains experts estiment que les PRRs réduiront considérablement l'impact de la consommation du tabac sur la santé, pour ceux qui opteront complètement pour ces produits alternatifs, d'autres mettent en garde contre le risque que les PRRs incitent les non-fumeurs à consommer et à devenir dépendants de la nicotine et des produits du tabac. Néanmoins, la science continue de prouver l'efficacité des PRRs en vue d'atteindre l'objectif de réduction des méfaits inhérents aux produits du tabac combustibles.

Depuis quelques années, des changements de politique et de réglementation ont eu lieu sur plusieurs marchés à travers le monde, car la science continue de mettre en évidence les avantages des PRRs comme alternatives au tabagisme. Toutefois, même si les actions de politiques publiques et la volonté politique en matière de réduction des méfaits du tabac ont varié d'un pays à unautre, certaines nations ont choisi de mettre en œuvre des mesures fondées sur la science pour atteindre cet objectif de santé publique.

Par exemple, le Royaume-Uni a mis en place un régime réglementaire équilibré qui encourage les fumeurs adultes à adopter les PRRs tout en dissuadant les jeunes d'en consommer. Cette position est scientifiquement fondée et soutenue par des groupes multipartites et notamment par des organismes de santé publique tels que le Public HealthEngland (PHE) et le Royal college of physicians qui, ces dernières années, ont fait des découvertes intéressantes sur la sécurité des PRRs et leur efficacité dans le sevrage tabagique.

Il existe également des exemples de réussite dans des pays comme la Suède, la Norvège, l'Islande, le Japon et la Corée qui ont adopté les PRRS et ont réalisé des progrès significatifs dans la réduction de leur taux de tabagisme en encourageant les fumeurs à passer à ces produits.

Pour la plupart des pays africains, bien qu'il existe une réglementation sur le tabac, celle relative aux PRRs est presque inexistante, voire inexistante. Les autorités de régulation considèrent toujours la prévention de la consommation de tabac comme une approche unique de la réduction des méfaits du tabac, avec peu ou pas d'intérêt pour l'efficacité des PRRs.

Au Cameroun par exemple, l'arrêté interministériel n°0001/MINSANTE/MINCOMMERCE du 03 Janvier 2018 fixant les modalités de conditionnement et d'étiquetage des produits du tabac et la loi n°2006/018 du 29 Décembre 2006 régissant la publicité au Cameroun, qui sont les principaux textes de loi du pays sur le tabac, ne prennent pas en compte de manière adéquate ces produits à risque réduit. Les preuves montrent que les pays qui réussissent à réduire les taux de tabagisme avec la réduction des méfaits du tabac ont également établi une législation ou des stratégies distinctes pour guider l'utilisation, la catégorisation et la vente des PRRs. Pour que la réduction des méfaits du tabac fonctionne, il faut des réglementations efficaces et équilibrées qui reconnaissent les avantages de la réduction des risques que ces produits alternatifs peuvent offrir aux consommateurs adultes qui ont choisi de fumer en toute connaissance de cause.

Un autre défi pour le Cameroun, ainsi que pour de nombreuses autres économies en développement, est le niveau de sensibilisation des consommateurs aux PRRs. Aux États-Unis, par exemple, une étude de Brose et al. suggère que le fait de fumer quotidiennement des cigarettes électroniques renforce les efforts de l'utilisateur pour arrêter de fumer ou contribue à réduire le nombre de cigarettes fumées. On ne peut pas en dire autant du Cameroun où la consommation de cigarettes combustibles reste élevée.

Il sied de constater que de plus en plus de gouvernements et de régulateurs, partout dans le monde, prennent conscience de l'efficacité des alternatives plus sûres, non seulement pour réduire l'impact de la consommation du tabac sur la santé, mais aussi comme stratégie efficace de sevrage tabagique. Les PRRs, selon les experts, présentent une approche plus réaliste, pragmatique, orientée vers le consommateur et fondée sur la science pour accélérer la lutte contre le tabagisme et le sevrage tabagique. Par conséquent, on espère que le gouvernement camerounais adoptera la réduction des méfaits du tabac comme stratégie de santé publique en créant un cadre réglementaire ou en établissant des politiques distinctes pour orienter le public au sujet de l'utilisation, la catégorisation et la vente des PRRs au Cameroun

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