Le manque de confiance des acteurs financiers envers les Petites et moyennes entreprises (Pme), avec pour corollaires les garanties et taux d’intérêts élevés créé chez celles-ci, une autocensure à l’endroit des institutions financières. C’est le constat d’une enquête dévoilée récemment par le Cabinet Esp. C’était à l’occasion du lancement de l’édition 2022 de « La Finance s’engage », en partenariat avec la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (Cegci), comme nous l’indiquions précédemment.
Selon cette enquête qui s’inscrit dans le cadre de l’Initiative La Finance s’engage, « il ressort que l’accès et les coûts élevés du financement demeurent selon les entreprises les principaux obstacles à leur croissance. Malgré l’évolution positive du financement. Les Pme relèvent toutefois des conditions défavorables imposées par les banques et attribuent la progression de l’accès au crédit aux Systèmes financiers décentralisés qui selon elles « touchent plus de personnes comparativement aux banques ».
Ainsi, dans le top 3 des contraintes liées à l’accès au financement identifiées par les entreprises figurent notamment le manque de confiance, la demande de garanties, les taux d’intérêts élevés et l’appréciation du risque perçu par les institutions financières et les établissements bancaires.
Les acteurs financiers sont réticents à financer les entreprises devant exécuter les marchés publics principalement en raison du non-respect et de la longueur des délais de paiement de l’Etat, ce qui rend difficile l’accompagnement des fournisseurs de services et de produits dans les marchés publics.
Les structures financières admettent l’existence d’une crise de confiance envers les Pme qu’elles justifient d'ailleurs par le manque de fiabilité des états financiers et des déclarations des Pme. Selon elles, des Pme maquillent leurs chiffres afin d’échapper aux impôts.
De ce fait, il est impossible d’avoir une véritable appréciation de leur situation financière. En outre, certains Centres de gestion agréés (Cga), censés aider les Pme dans l’élaboration de leurs états financiers deviendraient une partie du problème en les aidant à échapper aux services des impôts. D’où la nécessité de mieux accompagner cette catégorie qui constitue environ 80% des entreprises formelles en Côte d’Ivoire.
M. Teddy Roux, directeur Afrique de l’Ouest de Esp note qu’en 2016, « le besoin en financement des entreprises en Côte d’Ivoire était de plus de 3.500 milliards de Fcfa, mais l’offre de capital ne couvrait qu’un tiers des demandes de financement. Aujourd’hui, 50% des Pme qui déposent des dossiers auprès des banques sont financées. Cependant, beaucoup de Pme n’osent pas exprimer leurs besoins de financement devant les banques, en général, pour des problèmes de gouvernance »
Pour M. Patrick Assi, le président de la Commission développement et financement de la Cgeci, le Patronat ivoirien, les Pme doivent tenir des états financiers. Il recommande aux entreprises de faire passer leurs flux dans le système bancaire pour plus de traçabilité. Car,
L’entrée en vigueur dans l’espace Uemoa des réformes Bâle II et III réduit la marge de manœuvre de financements de ces entreprises. Les conditions d’accès au financement des banques deviennent plus sévères, car celles-ci devront désormais renforcer leurs fonds propres.
« La mise en œuvre de Bâle II et III rend difficile le financement des Pme car cela engage les fonds propres en termes de garanties qu’il faut avoir… », rapportent les acteurs financiers, qui notent qu’aujourd’hui avec cette réforme « après trois impayés » le compte est déclassé. Quand le non-paiement à temps au niveau des contrats de commandes publiques, s’y ajoute, la situation devient des plus difficiles pour les patrons de Pme. Qui croulent sous le poids des prêts contractés pour travailler.
En vue d’aider les entreprises prestataires de services pour de l’Etat à se faire payer leurs factures, dans des délais raisonnables, le secteur privée et l’Etat de Côte d’Ivoire, viennent de mettre en place un portail électronique ; e-fournisseurs. Ledit portail a été lancé officiellement le mercredi 22 septembre à Abidjan par le Premier ministre Patrick Achi, en présence des membres du gouvernement, des dirigeants d’entreprises et des organisations professionnelles du secteur privé.
Cet outil jugé « inédit » par le Premier ministre vise à réduire les délais de paiement des factures des prestataires de l’État. Il va permettre également aux fournisseurs de suivre toutes les étapes du processus, à partir de la commande jusqu’au paiement de leurs factures, sans avoir besoin de se déplacer physiquement.
Parlant spécifiquement des Pme, le chef du gouvernement ivoirien a dit : « On règle là la question des délais, mais surtout, on permet aux acteurs du secteur privé d’être rassurés de ce que leur facture est en cours de traitement, surtout les Pme pour lesquelles la question de la trésorerie est essentielle dans les engagements qu’elles prennent. »
Les délais de paiement des créances des entreprises sur l’État et la mise en place d’un système intégré de traçabilité et de suivi de leurs dossiers ont été jusqu’ici les principales préoccupations des entreprises du secteur privé en Côte d’ivoire. Lors d’un séminaire organisé en avril 2021 à cet effet, l’État avait convenu qu’il mettrait en place un système de classement par maturité des factures des fournisseurs dans les délais de 30, 60 et 90 jours à compter la date de prise en charge.
La plateforme déjà accessible en ligne a pris en compte ces nouveaux délais de paiement. Il s’agit, plus spécifiquement, de 30 jours pour les factures de moins de 30 millions de francs Cfa, soit 97% des factures ; 60 jours pour les factures dont les montants sont compris entre 30 et 100 millions de francs Cfa, soit 2% des factures ; 90 jours pour les factures supérieures à 100 millions de francs cfa.
Avec la mise en place de l’e-fournisseur combinée à la réduction des délais de paiement devrait conforter la trésorerie des entreprises et accroître leur capacité de financement du plan national de développement 2020-2021, dont 75% des investisseurs sont attendus du secteur privé. Cette plateforme va en quelque sorte contribuer au renforcement de la confiance entre l’État et le secteur privé.