Cote d'Ivoire: La belle, la brute et le brave

24 Septembre 2022

" L'exagération mène toujours au ridicule ". Cette pensée du philosophe algérien Taha-Hassine Ferhat dépeint parfaitement le comportement de la junte au pouvoir au Mali. Dans l'affaire dite des 49 militaires ivoiriens injustement détenus, nous assistons à une escalade. Jusque-là réservé sur la question, le gouvernement ivoirien a haussé le ton à l'issue d'une réunion du Conseil national de Sécurité, dénonçant " une prise d'otage " et du " chantage " de la part de la partie malienne.

Cette qualification des faits a mécontenté les putschistes de Koulouba. Il n'en est pas autrement, pourtant. Prendre des soldats en otage afin d'exercer une forme de chantage sur un Etat souverain qui, en vertu de la Convention de Genève et d'autres textes internationaux, accorde le droit d'asile sur son sol à qui il veut, doit est considéré comme du gangstérisme politique dont sont coutumières les organisations terroristes. Ainsi en a-t-il été de la prise du palais de justice de Bogota en 1985, de la crise d'In Amenas en Algérie en 2013 ou du siège du Théâtre du Nord-Ost à Moscou en 2002.

En effet, alors qu'on la croyait disposée à un règlement pacifique de ce différend après la libération de trois des soldats, la junte a curieusement tourné casaque et exige, désormais, contre toute libération, l'extradition de personnalités politiques maliennes en exil en Côte d'Ivoire depuis la chute du président IBK. Une attitude incompréhensible d'autant que des exilés ne sont jamais utilisés comme monnaie d'échange dans un quelconque " deal ".

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Les exemples sont légion. Après la chute de Blaise Compaoré, son frère cadet François Compaoré s'est réfugié en France, malgré les mandats d'arrêt de la justice burkinabé. Le Burkina, pour autant, a-t-il une seule fois pris des mesures contre la France ou ses ressortissants ? Idem pour l'imam Fethullah Gülen, exilé aux Etats-Unis depuis 1999, que la Turquie réclame à cor et à cri. Ankara, qui n'a pas avec Washington des relations apaisées, n'a toujours pas eu gain de cause. Pourtant, les Etats Unis possèdent trois bases militaires en Turquie. C'est dire que des exilés ne sauraient être sources de conflit entre leur pays d'origine et leur pays d'accueil.

Assimi Goïta et ses hommes s'adonnent à une pression grotesque qui achève de convaincre sur leurs réelles intentions. Manifestement, ils jouent la mauvaise carte. Celle du pourrissement de la situation en sabordant toutes les initiatives de résolution de ce conflit. Et leur attitude commence sérieusement à agacer en Afrique de l'Ouest et en Côte d'Ivoire. Car, elle met à mal les objectifs communautaires pour l'intégration des peuples et des relations cordiales entre les Etats membres de la CEDEAO.

Heureusement que la belle Côte d'Ivoire, face à cette junte brute, vaniteuse et incapable, joue la carte de l'apaisement et, surtout, fait preuve d'une grande responsabilité. Ce qui est tout sauf un signe de faiblesse. La Côte d'Ivoire, puissance sous-régionale, incontestablement, dispose des moyens, sur tous les plans, pour répondre à la provocation et se faire entendre. Car, s'il est vrai que le Mali et notre pays entretiennent mutuellement des liens forts, le pays d'Assimi Goïta reste, en tous points de vue, plus dépendant de celui d'Alassane Ouattara. Son ouverture la plus viable sur la mer, c'est la Côte d'Ivoire avec les ports d'Abidjan et de San Pedro, parmi les plus competitifs, en plus de l'excellente qualité du réseau routier ivoirien, le meilleur de la zone UEMOA.

De plus, la Côte d'Ivoire fournit, avec l'interconnexion, l'électricité au Mali qui reste devoir au Trésor public ivoirien près d'une centaine de milliards de FCFA. Si la Côte d'Ivoire décide de fermer ses frontières avec ce pays voisin, le contrecoup de cette mesure y sera durement ressenti par les populations. Que dire des quatre millions de Maliens à qui la Côte d'Ivoire offre l'hospitalité et qui y gagnent leur vie ? S'il se faisait du souci pour la sécurité et la quiétude de ses compatriotes vivant en Côte d'Ivoire qu'il met en danger par son attitude irresponsable, Assimi Goïta se comporterait autrement.

Si jusqu'à maintenant, la Côte d'Ivoire se garde de représailles contre Bamako, c'est grâce à la sagesse et au grand discernement du Président Alassane Ouattara. Le chef de l'Etat ne veut pas faire payer au peuple malien ou à ses ressortissants de la diaspora, les turpitudes d'officiers militaires incompétents qui ne comprennent rien aux relations internationales et qui se sont imposés à eux par la force des armes.

Homme de paix, il sait que la force ne résout pas les problèmes sur le long terme. C'est pourquoi, il privilégie la voie du dialogue qui reste, indéniablement, comme l'enseignait le père de la Côte d'Ivoire, " l'arme des forts ". Un choix judicieux salué par une bonne partie de l'opinion en Afrique de l'ouest qui félicite le Président Ouattara pour son calme olympien et sa gestion de cette crise. Vivement, que l'esprit de sagesse visite Assimi Goïta qui se ridiculise, chaque jour, avec cette prise d'otages, pour qu'enfin, les 46 soldats retrouvent leurs familles respectives et leurs frères d'armes. Et que la Côte d'Ivoire et le Mali réapprennent à vivre ensemble.

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