Cameroun: La question taboue

28 Septembre 2022

Le débat sur l'avenir politique du Président camerounais, Paul Biya, revêt tout son sens sur un continent, où l'alternance au sommet des Etats pose souvent problème. A presque 90 ans, celui-ci règne sans partage sur le Cameroun, pays d'Afrique centrale de plus de 26 millions d'habitants, depuis 1982.

A telle enseigne que sa succession est devenue une question taboue, dans un pays où les appareils politico-administratif et sécuritaire et le système électoral sont totalement acquis.

A Yaoundé et dans les autres villes du pays, parler de l'après- Paul Biya est un crime de lèse-majesté. Personne n'ose aborder ce sujet publiquement, dans un contexte où les services de renseignements sont très alertes, au risque de se créer des ennuis. Il vaut mieux ne pas afficher ses ambitions présidentielles au grand jour. Il faut se préparer dans la pure discrétion, si vous lorgnez le fauteuil présidentiel au Cameroun, pays qui ressemble plus à une monarchie qu'à une démocratie.

Le régime de Paul Biya est réputé très autoritaire et nombre de ses compatriotes peuvent rendre témoignage. L'intéressé lui-même, qui parle très rarement à la presse, n'hésite pas à éluder la question de sa succession à chaque fois qu'il est interpellé. L'illustration a été donnée, courant juillet 2022, lors de la conférence de presse relative à la visite officielle du Président français, Emmanuel Macron, en terre camerounaise. A la question de savoir s'il va briguer un nouveau mandat en 2025, Paul Biya avait botté en touche. " Le Cameroun est dirigé conformément à sa Constitution.

%

D'après cette Constitution, le mandat que je mène a une durée de 7 ans. Alors, essayez de faire la soustraction : 7-4 ou 3, et vous saurez combien de temps il me reste à diriger le pays. Mais autrement, ça sera su quand ce mandat arrivera à expiration. Vous serez informés sur le point de savoir si je reste ou si je m'en vais au village", avait répliqué le maitre à penser du parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), d'une voix fébrile. Il a fallu d'ailleurs reprendre la question pour avoir la réaction du chef de l'Etat camerounais, ce qui a permis de déceler clairement des problèmes d'audition et de compréhension chez lui.

Paul Biya est-il toujours en état d'assumer les charges de la fonction présidentielle dans ces conditions ? Les malaises, dont il est souvent victime, selon certaines indiscrétions, laissent entrevoir de gros soucis de santé. Il aurait d'ailleurs subi une délicate intervention du cerveau, courant 2021. Le Président camerounais, qui n'est pas réputé être un gros travailleur, en témoigne la rareté des conseils des ministres, semble plus prendre soin de lui que des affaires du pays. Ses séjours médicaux coûteux et répétés en Suisse peuvent apporter de l'eau au moulin de tous ceux qui doutent de sa capacité à continuer à diriger le Cameroun.

Mais, c'est sans compter avec cette fringale du pouvoir qui, en toute vraisemblance, n'est pas prêt à s'asseoir sur une chaise longue, malgré le poids de l'âge et sa santé précaire. Paul Biya devrait pourtant œuvrer à céder son fauteuil à la jeune génération, au lieu de confisquer le pouvoir à vie. Il n'a plus rien à prouver après quatre décennies aux affaires. Le Cameroun mérite une nouvelle race de dirigeants.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.