Ile Maurice: Sans soutien du ministère des ARTs - MOMIX 2022 - Que la musique soit...

29 Septembre 2022

Loin de toute fanfare gouvernementale, de sérieux professionnels de l'industrie musicale africaine, européenne et indienne sont à Maurice pour quatre jours. C'est un secteur en effervescence. Des accords seront scellés pour l'export de la musique mauricienne, ainsi que pour l'import et une structuration de l'activité économique que la musique génère sur notre sol. Les artistes mauriciens auront le privilège de rencontrer et d'échanger avec le directeur de Soulbeats Music, un des label-managers de Tarrus Riley, Groundation, Takana Zion, les références mondiales du reggae.

Fred Lachaize, qui a, depuis l'année dernière, pris sous son aile la distribution digitale du dernier album La Famille de Jason Heerah et les Otentik Groove, ainsi que la coproduction du vinyle de Blakkayo, animera une des six conférences au programme ce week-end. C'est dire que la musique est rentable quand on sait s'y prendre. C'est justement cela le but de MOMIX: être un marché de musique où des conventions d'échange sont signées.

Mais pour cela, il faut faire encore plus pour professionnaliser le secteur, même si "l'industrie mauricienne compte des acteurs très sérieux", confie Patrice Sheik Bajeet, di- recteur marketing de Phoenix Bev, qui ne cesse d'investir dans ce secteur (voir son analyse plus loin). D'où les sujets aussi importants que variés qui seront abordés par des experts nationaux et internationaux : une analyse de la place du bhojpuri dans la musique mauricienne ou encore le "soft power" de la filière musicale. Ce concept veut que la musique soit non seulement une filière économique, mais qu'elle pèse aussi sur les prises de décisions politiques.

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Dans ce contexte, les organisateurs ont également voulu entendre ce que dit la nouvelle génération; ceux que les aînés auraient tendance - à tort - à qualifier de "musique de racaille". Pourquoi font-ils le buzz ? Comment surfer sur leur influence auprès des ados et jeunes adultes ? Comment canaliser leur énergie ? La parole sera donnée à Bigg Frankii, Fabrice Labonne de Virus Records (qui enregistre Lion Squad, 666 Armada, Tii Diams, Ti Alexandre), entre autres, lors d'une des conférences.

Parmi les personnalités à avoir fait le déplacement, on retrouvera également Michel Mey, directeur de la SACEM pour La Réunion et Mayotte. Il animera un atelier sur un thème limpide : "Comment s'affilier à la SACEM." Si la MASA reste légalement incontournable pour la protection des droits à Maurice, un artiste qui veut s'internationaliser doit absolument profiter des avantages de sociétés internationales, comme la SACEM, qui compte un répertoire mondial de 166 millions d'œuvres, 200 000 membres de 175 nationalités.

Au risque de ne pas le savoir, la SACEM protège par exemple les œuvres de Victor Hugo, Aimé Césaire, Edith Piaf, jusqu'à Stromae et des centaines de milliers d'autres. "Que le directeur régional de la SACEM choisisse de venir personnellement pour s'adresser directement aux artistes, directeurs de label, bref toute l'industrie, est une preuve du potentiel de la musique mauricienne", analyse Stephan Rezannah, directeur du label Jorez Box, organisateur de tout l'événement MOMIX.

Un potentiel dans lequel croient de gros opérateurs économiques, tels que Phoenix Bev (PBL), qui a affiché un chiffre d'affaires de Rs 7,9 milliards en 2021. Depuis des années, le groupe soutient financièrement et logistiquement des événements musicaux. "Ce n'est pas qu'une question de retour financier sur investissement", explique Patrice Sheik Bajeet. "La musique et la culture sont l'âme d'une société, il faut les sauvegarder et les protéger", dit-il, pour expliquer le soutien de son entreprise à l'industrie musicale. D'ailleurs, le CEO de PBL, Bernard Theys, sera l'un des intervenants à la conférence "Think-tank on Soft Power" centrée sur l'économie culturelle.

Des "grants" qui ne servent à rien

Ce week-end du marché de la musique (conférences, workshops, concerts avec des artistes mauriciens, réunionnais, sénégalais, indiens) est entièrement gratuit. Jorez Box doit pour cela payer les billets d'avion et héberger la cinquantaine de délégués, sans l'aide du ministère des Arts et du patrimoine culturel. La MTPA a payé les billets et l'hébergement de la délégation indienne ; le Centre Nelson Mandela pour la culture africaine, parce qu'il est aussi question de conventions d'échanges entre Maurice et plusieurs pays d'Afrique, a accordé une enveloppe de Rs 200 000. Des opérateurs locaux de sono et de la scène ont également apporté leur logistique. Résultat, Jorez Box, une toute petite boîte de label, doit assurer 60 % des coûts d'un total de Rs 3 millions pour un projet aussi national et crucial qu'une industrie en soi.

"Nous avons recherché le production grant de Rs 800 000 du National Art Fund. Mais même avec un dossier complet, le ministère n'a pas décaissé une roupie. Simplement parce que le comité qui évalue les projets ne s'est pas réuni", déplore Stephan Rezannah. "Au ministère, il y a des grants, il y en a eu, sur papier, de nouveaux dans le Budget 2021-22. Cela sert à quoi s'ils ne sont pas distribués à temps ? Doit-on désormais caler les dates des événements en fonction de l'administration ad vitam aeternam du ministère ?" ajoute-t-il.

Mais même sans le ministère des Arts, l'événement aura bien lieu, et tous les stake- holders l'abordent avec enthousiasme et optimisme. Coïncidence du calendrier, le ministre Avinash Teeluck ne sera pas à Maurice durant les quatre jours du marché de musique. "Ce n'est pas plus mal", observe un participant.

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