Afrique de l'Ouest: Faux braves

C'est un constat implacable. Dans leur bras-de-fer inique avec la Côte d'Ivoire autour des 46 militaires ivoiriens encore détenus au Mali, les putschistes maliens ont totalement perdu la face.

Et, sans aucun doute, la raison. Présents à New York, dans le cadre de la 77ème session ordinaire de l'Assemblée générale des Nations unies, les dirigeants des pays de la sous-région ouest-africaine, réunis au cours d'un sommet extraordinaire de la CEDEAO ont, unanimement, dénoncé le " chantage " de la junte, condamné l'incarcération de ces soldats ivoiriens, et, surtout, demandé, clairement leur libération sans délai. Ce qu'exige, depuis leur arrestation le 10 juillet dernier, la Côte d'Ivoire. Cette requête de la CEDEAO confirme, ni plus ni moins, la prise d'otages des militaires ivoiriens que déplore Abidjan.

Déjà, peu avant ce sommet, Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU, les présidents Umaro Embalo Sissoco (Guinée-Bissau) et Mohamed Bazoum (Niger) et Geoffrey Onyema, ministre nigérian des Affaires étrangères avaient, sans langue de bois, balayé du revers de la main la thèse brandie par les autorités maliennes, selon laquelle ces militaires sont des mercenaires. Tous, sans exception, ont rejeté sans ménagement cette idiotie à laquelle ne peuvent croire que des esprits peu équilibrés mentalement.

Ces prises de position constituent, évidemment, pour Assimi Goïta et sa coterie, un désaveu cinglant. Et si on veut être direct, c'est une honte. Car, cette levée de boucliers contre la détention des militaires ivoiriens prouve, une fois de plus, aux yeux du monde, que la junte malienne a tout faux, sur toute la ligne. Elle devrait, donc, avoir l'humilité - à défaut de reconnaître ses erreurs publiquement - de faire machine-arrière.

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C'est justement le sens de la mission de haut niveau, dite de la dernière chance - conduite par les chefs d'Etat du Ghana, du Sénégal et du Togo - que la CEDEAO a décidé de dépêcher au Mali cette semaine, pour l'ultime médiation en vue de la libération de ces 46 soldats. Là, encore, la junte, sans qu'on ne sache trop pourquoi, veut jouer les difficiles, en tirant, à nouveau, sur la corde de la provocation. En effet, elle ne souhaite pas recevoir la délégation de la CEDEAO ce mardi, mais plutôt le jeudi 29 ou vendredi 30 septembre.

Une manière de montrer implicitement, sans doute à ses partisans (ces pseudo-panafricanistes qui portent le glaive sans cesse contre l'occident), que c'est elle qui contrôle la situation et qu'elle ne se soumet pas à la volonté de la CEDEAO. Ce n'est pas tout, car à Bamako, elle mobilise ses soutiens, encagoulés sous le manteau d'acteurs de la société civile, pour agiter le chiffon rouge devant les chefs d'Etat, histoire de faire passer le message subliminal de ne pas se soumettre mordicus aux recommandations.

La junte sort son " arme " secrète, le populisme de mauvais aloi, pour braquer une opinion contre la CEDEAO. Alors qu'ici, il s'agit moins de toucher à la souveraineté du Mali, qui d'ailleurs ne veut pas dire grand-chose quand une bonne partie du territoire est sous contrôle des groupes terroristes, que de résoudre une situation qui peut déboucher sur une véritable crise entre deux pays voisins. En clair, il s'agit de faire comprendre à la junte qu'elle doit simplement libérer, pour les relations de bon voisinage, les militaires ivoiriens qu'elle détient abusivement, en mettant fin à son chantage abject.

Manifestement, Assimi Goïta et ses hommes se trompent lourdement de combat. Ce que le peuple malien, et le reste de l'Afrique attendent d'eux, ce n'est pas qu'ils bombent leurs muscles sur les pauvres militaires ivoiriens, mais qu'ils boutent les terroristes hors du Mali. N'est-ce pas la raison qu'ils ont avancée pour renverser le président démocratiquement élu, Ibrahim Boubacar Kéïta, en août 2020, à la faveur d'un mouvement insurrectionnel ?

Aujourd'hui, après sa prise de pouvoir, le bilan de la junte est tout simplement tristounet : le Mali est toujours sous l'emprise des terroristes. Malgré la présence des chiens de guerre de la milice Wagner, la junte est totalement en situation de quasi-échec face aux djihadistes qui continuent de semer la terreur et la désolation au nord du Mali, échappant à tout contrôle du pouvoir militaire de Bamako. Comme du temps d'IBK.

Au lieu de se concentrer sur l'essentiel, à savoir la reconquête du territoire, cette junte, préfère ouvrir des fronts inutiles avec la Côte d'Ivoire et la communauté ouest-africaine ; donner dans l'invective, sur fond de propagande souverainiste. A l'image du discours surréaliste tenu à la tribune des Nations unies par son Premier ministre par intérim, le colonel Maïga, dont voici un morceau choisi : " Le Mali et son peuple ne seront pas spectateurs face aux assauts et l'adversité : pour chaque mot employé de travers, nous réagirons par réciprocité, pour chaque balle tirée contre nous, nous réagirons par réciprocité".

Une mise en garde qui devrait plutôt être adressée aux groupes djihadistes ; le vrai terrain de l'adversité où Assimi Goïta et ses frères d'armes sont attendus.

Ce n'est pas en se braquant contre la Côte d'Ivoire et la CEDEAO, que la junte sortira le Mali de sa torpeur. Seule contre tous, elle ne fait qu'en rajouter au calvaire du peuple malien... Et c'est dommage !

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