Madagascar: La bonne attitude politique et morale de Robert Farquhar

Pour avoir Radama Ier à la cause anglaise, Sir Robert T. Farquhar veut obtenir son " adhésion volontaire ", pour que son plan soit efficace. C'est-à-dire d'égal à égal. Ludvig Munthe, Charles Ravoajanahary et Simon Ayache (lire précédentes Notes) font remarquer dans leur étude sur Radama Ier et les Anglais, que " sincèrement ou non ", le gouverneur de Maurice adopte et affiche une attitude politique et morale qui sera rentable, " le respect de la liberté et de la dignité du roi merina, son interlocuteur ".

Les trois auteurs pensent même que, pris à son propre jeu et connaissant de mieux en mieux les qualités de Radama, il ait mis dans ses procédés " autant de sincérité que d'habileté ". En tout cas, les instructions qu'il adresse à " ses ambassadeurs auprès du roi merina " sont claires et nettes : " Son Excellence ne prétend pas dicter la loi aux puissances de Madagascar. "

Le choix de l'Imerina et de son roi comme point d'appui de la politique anglaise, ne relève pas de l'improvisation. D'abord, Sir Robert Farquhar l'étudie soigneusement, consulte tous ceux qui peuvent le renseigner sur la Grande ile, y compris les traitants... L'historien Raombana expose avec humour : " Les meilleurs conseils, Farquhar les a tirés des traitants qui allaient y perdre leur principale ressource. " À savoir les marchands Ramitraka ou Rabedoko, roi de Vangaindrano, Jean René, prince de Toamasina... Mais la position géographique de leurs royaumes ne serait pas favorable. " Il demande s'il n'y avait pas un prince de l'intérieur capable, grâce à un peuple nombreux, de répondre à ses désirs. "

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Le traitant Ducasse lui parle alors du jeune prince nommé Radama. " Par la situation centrale de son royaume et par son énergie, Radama serait bientôt en mesure de conquérir tout Madagascar s'il était aidé par des conseillers anglais et ravitaillé en fusils, poudre... par le gouvernement britannique. " Cela emporte la décision de Sir Robert Farquhar.

Dans ses instructions à Chardenoux, son premier ambassadeur auprès de Radama Ier, en avril 1816, Sir Robert Farquhar précise : " Le Roi des Hova, le plus éclairé de cette ile, ne peut manquer de goûter aux observations présentées avec délicatesse, circonspection et attention... Vous devrez établir vos raisonnements de manière à lui faire toujours entrevoir son intérêt personnel et celui de son pays dans l'interdiction de la traite des Naturels de l'ile. " Et au roi Radama lui-même, il écrit une lettre à la date du 9 avril 1817 : " Vous voyez que je vous conseille pour votre propre bien sans aucune considération des intérêts des Blancs qui désirent emmener des hommes noirs dans leur pays pour les y faire travailler. " Le texte Sorabe étudié par les trois auteurs, traduit les sentiments de Radama Ier en " pleine manœuvre diplomatique ", donc ceux du comportement du principal acteur malgache de la négociation avec les Anglais. Raombana, contemporain des évènements, apporte aussi son point de vue. Bien qu'il reste fidèle aux options morales reçues en Grande-Bretagne et au roi auquel il le doit, il critique avec virulence Farquhar et le roi merina " pour leur choix d'une conquête militaire de l'ile et d'une unité réalisée par la force ".

D'ailleurs, aux yeux de l'historien, la date de l'arrivée du deuxième ambassadeur du gouverneur de Maurice, Lesage, à Antananarivo avec Brady, Craden et trente soldats anglais dont l'équipement fascine Radama, marque une " date tragique ". " Cette année 1817 fut l'année la plus sinistre que connut jamais le peuple merina car, au début de cette année fatale, l'ambassadeur du gouverneur arriva en Imerina. " Mais surtout, Raombana ne se fait pas d'illusion sur les intentions intéressées des Européens. " Il est hors de doute que le but des Européens, c'est l'exportation des produits malgaches vers leur pays, c'est de pouvoir manger notre beau bétail, nos oies, nos dindes... " En revanche, il approuve et admire le valeureux, le digne gouverneur pour son humanité et son respect de l'indépendance malgache comme de la dignité du roi merina, pour son attitude d'amitié qu'il estime réelle. Par-dessus tout, il lui manifeste " une vraie reconnaissance pour l'abolition de la traite ". Il reconnait, en outre, que Farquhar est " tourmenté par ce trafic d'esclaves toujours croissant en raison de son désir de faire aboutir à un complet succès l'abolition de la traite... ".

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