Madagascar: La gouvernance publique - Les différentes modalités selon les recherches en sciences de gestion

La mise en œuvre des politiques publiques demeure un défi pour les États du monde entier, la question sur le : " Comment organiser le fonctionnement opérationnel de l'État ? " est d'une importance cruciale. Cet article, issu d'études en Sciences de Gestion, expose l'histoire et les perspectives des modalités de la Gouvernance Publique. La gouvernance publique est passée par plusieurs principes dominants : le Old Public Administration (l'ancienne administration publique) qui a longuement dominé depuis la fin du XIXe siècle jusqu'à la fin des années 1970 et début des années 1980; le New Public Management (La nouvelle gestion publique) jusqu'au début du XXIe siècle et les modalités du Post New Public Management depuis les années 2000.

Old Public Administration

Selon Max Weber, économiste et sociologue allemand, le Public Administration relève de la pure bureaucratie et se focalise sur la mise en place de procédures légales pour la conduite des programmes publics. Il a été supposé que si ces procédures sont transparentes et suivies par les agents, l'efficacité serait atteinte.

De l'autre côté de l'Atlantique, le contexte des constitutions libérales et l'influence des travaux de Weber ont favorisé le modèle du Public Administration. 28e Président des États-Unis, Woodrow Wilsons est le père de l'Administration Publique. En effet, son idée est d'adopter une méthode scientifique pour administrer. Ainsi, durant sa présidence, il a emprunté le principe de gestion scientifique de travail de Frederick Taylor.

%

Les travaux de ces trois auteurs se complètent et constituent l'édifice du Public Administration dont les principales caracté-ristiques sont :

- La domination des lois et des règles ;

- L'attention particulière à la gestion des règles et des lignes directrices établies ;

- Le rôle essentiel de la bureaucratie dans l'élaboration et la mise en œuvre des politiques ;

- La distinction entre la politique et l'administration;

- L'engagement en faveur de la budgétisation ;

- La prééminence des professionnels dans le système de prestation de services.

Facteurs déclencheurs d'une réforme

Les crises financières et fiscales traversées par beaucoup d'États dans les années 1970 et 1980 comme les États-Unis et le Royaume-Uni sont considérées comme le point de départ du New Public Management. Les contribuables avaient du mal à supporter les dépenses publiques et se soustraient de leurs impôts. C'est ainsi, que la réduction des dépenses publiques a été le premier résultat attendu du déploiement du New Public Management. L'amélioration de la qualité du service, l'efficience et l'efficacité, toutes des principes de gestion du secteur privé, ont été intégrées dans la gestion des opérations publiques.

Crise financière aux Etats-Unis des années 1970.Outre les crises financières et fiscales, les changements politiques dans les pays développés tels que le Royaume-Uni, les États-Unis, l'Australie ou la Nouvelle-Zélande ont aussi joué un rôle important dans le déclenchement de la réforme. Les programmes des leaders politiques conservateurs de ces pays sont influencés par les idéologies néolibérales selon lesquelles l'introduction des mécanismes de marché dans l'administration des affaires publiques permet une optimisation de la gestion. À part, le mimétisme entre pays développés, les soutiens et appuis techniques des consultants internationaux en management, les firmes d'audit et les institutions financières internationales ont beaucoup contribué à la normalisation et à la globalisation des réformes.

Le développement de la technologie des informations a, par ailleurs, été un facteur facilitateur de la transformation des entités publiques pour mieux s'imprégner des principes du New Public Management. Même si le New Public Management avait eu son origine dans les pays anglo-saxons, il s'est répandu à travers le monde, y compris les pays en développement en Afrique.

Il est important de noter que pour bon nombre de pays d'Afrique dans les années 1980, les institutions internationales constituent des acteurs majeurs de changement. Ces institutions ont la capacité de débloquer des tranches de crédit en devises fortes et d'offrir des expertises aux pays demandeurs. A titre d'exemple, les accords de rééchelonnement de la dette avec les créanciers publics et privés sont dans la majeure partie des cas, subordonnés à un accord préalable de ces institutions. Les dits accords préconisent la mise en place des programmes d'ajustement structurel et des mesures de libération économique.

Ces programmes d'ajustement structurel vont mettre l'accent sur la réduction des déficits budgétaires et réorienter les États vers un " Minimal State " par la réduction de la taille, des coûts et des responsabilités du secteur public. Cet ajustement est fortement inspiré des idéologies néolibérales.

Mais en plus des programmes de réajustement structurel, les instabilités politiques dans les pays en développement ont fortement conduit à une modification de l'administration en vue de créer des institutions plus démocratiques, plus transparentes et plus redevables vis-à-vis des citoyens. Avec ces nouvelles données, les Etats ont été appelés à améliorer leur capacité en Gestion stratégique dans la mise en œuvre des politiques publiques et donc de se défaire progressivement du mécanisme de l'Old Public Management.

New Public Management

Le New Public Management apparait comme la réponse aux demandes d'efficience du secteur public. Le concept est forgé et popularisé dans les années 1970 par Christopher Hood de la London School of Economies.

Les principes de cette modalité de gouvernance publique sont :

- L'incorporation des outils et leçons du management privé ;

- Le développement d'une gestion d'organisation indépendante où la mise en œuvre des politiques est organisationnellement éloignée des décideurs politiques ;

- La concentration sur le leadership ;

- L'accent sur le contrôle des entrées et sorties, l'évaluation, la gestion de la performance et l'audit ;

- L'accent mis sur l'épargne ;

- L'augmentation de l'utilisation des principes du marché pour l'attribution des ressources et la prestation de services ;

Ces principes ont conduit à des réformes culturelles, fonctionnelles et structurelles de l'Administration. En premier lieu, la culture de performance et de redevabilité est introduite dans le secteur public par le New Public Management. Ensuite, les transformations fonctionnelles comprennent la réduction budgétaire, l'introduction de la philosophie du marché, la mesure et l'audit de la performance, l'importation des outils de management du privé. Enfin, les transformations structurelles concernent les décentralisations, les privatisations, la réduction de la taille de l'administration publique, l'externalisation d'une partie du secteur public par la création d'agences ou d'établissement publics autonomes, la séparation entre le pouvoir politique et la gestion opérationnelle, et la réduction de la hiérarchie.

Cette désagrégation, plus particulièrement la création d'organismes autonomes constitue un des piliers du New Public Management. Ces organismes, qui sont ni exclusivement publics, ni exclusivement privés, sont classés d'organisations hybrides. Pour répondre à la volonté de dissocier les responsabilités stratégiques, conservés par l'administration centrale et les fonctions opérationnelles, ces dernières sont confiées aux organisation hybrides. En effet, ces structures sont affranchies des lourdeurs hiérarchiques et sont réputées conjuguer expertise, souplesse d'organisation interne et flexibilité de gestion. Les usagers bénéficient d'un service de meilleure qualité de ces structures et l'Administration en bénéficient des gains d'efficience.

Limites du New Public Management

Les idées et les pratiques véhiculées par le New Public Management ont favorisé des changements positifs dans l'administration publique, y compris l'ouverture à de nouvelles expertises et de nouveaux outils de gestion. Cependant, les résultats sont mitigés. L'affaiblissement de l'éthique publique, la valori-sation de l'intérêt général au profit des valeurs de marché, de l'efficacité et efficience ont été relevés. De plus, des difficultés d'application des nouvelles pratiques managériales sont remarquées à cause de résistance individuelle et collective ; et le manque de moyens. Ce qui risque un retour de la bureaucratie. L'aspect le plus critiqué du New Public Management est aussi la création intensive des organismes autonomes pour deux facteurs : l'effectivité du contrôle des agences et l'efficacité du pilotage des politiques. En effet, le New Public Management impose la mise en place de nouveaux instruments de pilotage et de supervision orientés sur l'efficacité et la performance comme la contractualisation. Par ailleurs, la multiplication des agences spécialisées a entrainé une fragmentation du service public, un manque de clarté du système organisationnel, et une difficulté croissante de coordination d'organismes de plus en plus diversifiés.

Après le New Public Management ?

Pour tenter de dépasser les limites du New Public Management, trois modalités de gouvernance abondent la recherche : le Digital Era Governance (l'ère de la gouvernance digitale) qui accentue les changements technologiques dans la transformation publique ; la New Public Governance (la nouvelle gouvernance publique) qui met l'accent sur l'inclusion de la production de l'action publique ; et la Whole-of-Government Approach (l'approche du gouvernement intégré) qui se concentre sur la coordination administrative pour corriger les effets néfastes du New Public Management.

Digital Era Governance

La gouvernance à l'ère digitale se base sur la rupture aux technologies numériques. Il serait ainsi impossible de penser l'organisation de l'Etat sans penser sa numérisation. Trois caractères principaux marquent la Digital Era Governance : la réintégration, l'holisme fondé sur les besoins et la conversion numérique.

La réintégration

La technologie offre une capacité de collecte, de croisement et d'exploitation d'une variété de données éparses. Le besoin d'alignement et de connexion des systèmes d'informations est ainsi poussé à des fusions et de consolidation organisationnelle. La fusion entre les douanes et l'administration fiscale britannique en 2004 illustre cette connexion de système d'informations. Cette réintégration consiste également à centraliser certaines activités stratégiques comme l'analyse de données et le contrôle des finances publiques. Des unités déconcentrées de l'administration servent d'outils de collecte de données et de distribution de service. L'analyse est dans ce cas centralisée et effectuée par des datas scientists. Cette réintégration est opposée à la fragmentation de l'administration préconisée par le New Public Management.

L'holisme fondé sur les besoins

Le numérique pousse l'administration à des transformations globales inter-organisationnelles. Dans le Digital Era Governance, c'est au niveau de l'usager que les informations nécessaires à la satisfaction de leur besoin sont collectées, concentrées, regroupées, mutualisées et rendues. Les guichets uniques, le fédérateur d'identité numérique, la déclaration directe à la maternité des nouveaux nés à l'état-civil et aux aides sociales en sont des illustrations.

La conversion numérique

Le numérique n'est plus uniquement une séquence d'activités mais transforme les modalités concrètes d'interaction entre les citoyens et l'administration par la dématérialisation, l'automatisation, la désintermédiation et la réduction des étapes dans la relation aux services publics.

New Public Governance

Le New Public Governance est fondé sur la transformation des relations à l'intérieur du secteur public et entre les administrations et les citoyens. Dans cette optique, l'action publique est plus inclusive et la logique, moins hiérarchique, est fondée sur la coordination horizontale des réseaux d'acteurs. L'Etat devient de moins en moins l'acteur unique de la production des politiques publiques. Son défi est de susciter des réseaux et de trouver de nouvelles formes de coopération. Cette modalité de gouvernance publique dépasse la focali-sation de l'Etat et organise ses réseaux de coproduction de services publics. L'attention est beaucoup plus portée sur les impacts globaux à long terme des acteurs qui coproduisent le service public et ne se limitent pas uniquement sur les résultats immédiats comme on l'a vu à travers le New Public Management. Par ailleurs, cette modalité de gouvernance considère le recours à la hiérarchie ou au réseau comme mode de coordination pertinent à l'addition de la concurrence et la compétition.

Whole of Government Approach

La Whole of Government Approach (l'approche pana gouvernementale) consiste en une approche plus intégrée, holistique, de la réforme des services publics mobilisant des savoirs issus de différentes sciences sociales. Les racines de l'approche datent de Tony Blair. Il a créé des unités et réseaux interministériels pour coordonner des problèmes épineux du gouvernement. Elle entraine des réformes structurelles (fusions, guichets uniques) ainsi que des transformations culturelles ou managériales (méthodes de travail collaboratif, technique de facilitation etc.). Deux variantes de cette approche peuvent être recensées : l'approche hiérarchique et l'approche horizontale.

L'approche hiérarchique

Cette approche renforce le pouvoir central du gouvernement par la centralisation de décisions ou par la création de nouvelles entités visant à renforcer le leadership interministériel comme les tasks forces ou les délégations interministérielles.

L'approche horizontale

Cette approche repose sur des initiatives structurelles ou culturelles qui visent à briser le sillonnement de l'Etat par la création de structure de coordination au sein de la structure existante en vue d'assurer une meilleure intégration. Les guichets uniques peuvent être l'illustration de cette approche.

Particularités de chaque pays

L'influence de l'environnement institutionnel de chaque pays n'est pas à négliger dans la gouvernance publique. Cet environnement institutionnel auquel est soumis l'administration publique sont l'environnement régulateur (lois, droits, ... ), l'environnement normatif (attentes, valeurs, normes de sociétés... ) et l'environnement cognitif (rites, mythes, croyances, symboles... ). Les problèmes de gestion rencontrés par les Administrations Publiques diffèrent selon leur environnement. Ainsi, un vaste domaine de recherche s'ouvre, notamment sur l'adaptation des modalités de gouvernance publique ou la conception d'une nouvelle modalité adaptée à chaque contexte. Pour répondre à cette attente, les recherches-interventions constituent une forme de recherche qui permet une production des connaissances qui seront utiles aux chercheurs et aux acteurs du terrain qui verront leurs problèmes éclaircis sur des aspects autres que purement opérationnels.

Une collaboration entre l'Express de Madagascar et l'INSCAE

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.