Cote d'Ivoire: Les complexés

Plus d'une semaine après le show ahurissant du Colonel Abdoulaye Maïga à la tribune des Nations unies, l'agitation ne s'est encore pas estompée sur le continent. Le discours brûlant et, pour le moins, surréaliste du Premier ministre malien à la 77ème session ordinaire de l'Assemblée générale des Nations unies, le samedi 24 septembre dernier, continue d'agiter l'opinion en Afrique.

D'un côté, sans doute les plus nombreux, il y a ceux qui abhorrent cette sortie, totalement inopportune, regrettant que le Mali n'ait pas su utiliser à bon escient cette perche pour poser toutes les problématiques de sortie de crise et solliciter, par la même occasion, la solidarité de la communauté internationale. De l'autre côté, les pseudos " panafricanistes " qui ricanent à gorge déployée, tout en saluant la " bravoure " des autorités maliennes devant "les impérialistes". Comme en témoignent les réactions de ces populistes sur les réseaux sociaux, qui nourrissent certains esprits manipulables, avec leur rengaine contre l'Occident.

A l'analyse, loin de toute cette passion, force est de reconnaître que c'est quand même désolant que les propos d'un putschiste devant l'ONU aient eu autant d'échos, plus par les injures qu'ils comportaient que par leur pertinence au moment où le Mali est confronté à la pire crise de son histoire et qui voit, chaque jour qui passe, son territoire s'émietter. Pour ne pas dire - si on veut être franc - que ce pays est totalement impuissant face au péril djihadiste qui menace sa souveraineté.

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De tels discours n'apportent rien au problème malien. Ils sont plutôt révélateurs de l'état d'âme d'une partie de l'opinion africaine qui continue de vivre dans le passé. Pour elle, l'Afrique doit cesser toute coopération avec l'Occident, et surtout la puissance coloniale, pour ce qui est notamment des pays africains francophones. Mais, derrière cette rhétorique anticoloniale qui cultive du reste un paradoxe affligeant, on constate, pour ces gens, qu'il s'agit, plus de chasser la France que de diversifier ses partenaires. Leur idée, c'est de dire non à la France que de chercher une coopération multilatérale entre Etats, entre institutions. Ce qui est totalement aberrant car, on ne peut dire non à la France, et confier la sécurité de son pays à une milice privée, composée de mercenaires qu'on paie en nature à travers les mines et autres ressources naturelles. C'est justement la démarche illisible de la junte malienne, qui évoque d'une part la souveraineté pour rompre les amarres avec la France et, d'autre part, signe un contrat avec la milice Wagner pour la sécurisation de son territoire. Dire une chose et en même temps faire tout ce qui va contre.

Une véritable démarche de crabe dont se départissent totalement les pays qui ont à cœur le développement. C'est le cas de la Côte d'Ivoire "l'amie de tous et l'ennemi de personne ", comme le disait le Président Houphouët-Boigny.

Mû par cette pertinente philosophie politique, son disciple Alassane Ouattara construit tranquillement, depuis un peu plus d'une décennie, son pays en diversifiant ses partenaires. Ainsi, en plus de la France, partenaire primordial grâce à une histoire pleinement assumée, la Turquie, l'Arabie Saoudite, le Japon, la Chine, les Etats-Unis, le Maroc, l'Afrique du sud et d'autres pays, participent, tous, à la reconstruction de la Côte d'Ivoire. Et, le monde entier, voit les résultats.

En dix ans, le pays a fait un bond qualitatif inouï avec la construction d'infrastructures importantes (routes, ponts, barrages, électrification, accès à l'eau potable, université et hôpitaux) et une embellie économique traduite par un taux de croissance annuel moyen de 8% entre 2011 et 2019. De même, sur le plan diplomatique, le pays a renoué avec sa place dans le concert Nations et est redevenu l'une des locomotives de la sous-région ouest-africaine.

Ce que le Mali et la Guinée, hier, n'avaient malheureusement pas compris. Le premier avait quitté la zone CFA, il y a quelques décennies, et on sait ce qu'il est advenu du Franc malien par la suite. Le second avait dit non, sous la houlette de son premier président Sékou Touré, à la coopération occidentale pour se rapprocher de l'ex-URSS. On voit l'état dans lequel se trouve la Guinée.

Visiblement, il n'y a aucun complexe à avoir vis-à-vis du maintien de la coopération avec une ancienne puissance coloniale. Aujourd'hui, nous sommes à une autre ère. La Côte d'Ivoire, le Mali, la Guinée ou le Sénégal sont des pays souverains. Leurs peuples ont leur destin entre leurs mains et se donnent les dirigeants qu'ils veulent ou qu'ils méritent. Il ne sert à rien de ressasser le passé et culpabiliser la France ou une autre puissance. Il faut se débarrasser du complexe du colonisé. Tous ceux qui n'ont pas compris cela et persistent dans la rancune permanente font incontestablement fausse route.

Nous devons travailler d'égal à égal avec les pays occidentaux. Etablir des partenariats et bénéficier de leur savoir-faire et de leurs capitaux.

Du reste, quel est le poids de la Russie dans les économies des pays ouest-africains, comparé à celui de la France ? En dehors des armes pour la guerre et des vieux avions de chasse réchappés dont elle se débarrasse, la Russie a-t-elle une seule fois développé un laboratoire, construit une route ou investi dans la cacaoculture en Côte d'Ivoire ou la cotonculture au Mali ? Comparativement à la France, à la Grande Bretagne ou à l'Allemagne, combien d'Africains obtiennent-ils le visa ou un séjour à Moscou ?

Les réponses à ces interrogations devraient indiquer le chemin à suivre. Le chemin suivi par des pays comme Hong Kong, Singapour ou Dubaï qui, pour se développer, ont tous renforcé leur coopération avec la Grande Bretagne, puissance colonisatrice.

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