Ile Maurice: Rapport annuel de l'Ombudsperson for Children - Une unité spécialisée pour consolider les familles est vitale

Certaines familles dans la République de Maurice vont mal. Pour éviter que celles-ci ne se disloquent, il faudrait mettre en place une unité de consolidation des familles. Lorsque l'éclatement de la cellule familiale est inévitable, l'enfant devrait être placé dans une petite structure où le nombre d'admis ne dépasse pas 12. Ce sont là deux des mesures phares recommandées par Rita Venkatasawmy, l'Ombudsperson for Children, dans son rapport annuel présenté à la presse hier et dont l'objectif est que chaque enfant grandisse dans une famille aimante.

Travail de fourmi que celui accompli par Rita Venkatasawmy et les enquêteurs qui l'épaulent, pour boucler son enquête portant cette année essentiellement sur les Residential Care Institutions (RCI) ou maisons d'accueil pour les enfants, l'objectif étant d'analyser le système d'encadrement offert en profondeur, d'identifier ses forces et ses faiblesses et de faire des recommandations pour que les enfants placés dans ces institutions aient le meilleur encadrement possible. Pour arriver à produire ce rapport de plus de 500 pages présenté hier à son bureau, l'Ombudsperson for Children et son équipe ont effectué, de jour comme après les heures de bureau, plus de 100 visites aux RCI accueillant des bébés comme des enfants, interrogé des résidents actuels, de même que 27 anciens résidents, des managers d'institutions comme le personnel d'encadrement, des fonctionnaires de la Child Development Unit et du Probation Office et toutes les parties concernées, en vue de faire des recommandations basées sur des législations locales comme le Children's Act mais aussi internationales comme les United Nations Guidelines for Alternative Care.

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Comparant son enquête à un examen clinique, Rita Venkatasawmy a déclaré avoir vu des enfants en maisons d'accueil qui présentaient de sérieux problèmes de comportement, voire des troubles psychologiques. Elle a rappelé que ce n'est pas parce qu'un enfant est calme et tranquille qu'il n'est pas en souffrance. Citant un ancien résident qui a dit qu'il devait mettre à sac la maison d'accueil pour que le personnel d'encadrement l'écoute, elle a souligné qu'il n'y a pas d'enfant méchant et que souvent, un mauvais comportement traduit un manque d'affection.

L'enfant qui a des problèmes sérieux de comportement (Serious Behavioural Concern) est soit placé en maison d'accueil ou en Probation Hostel avec des enfants en situation de conflit. Or, sans une évaluation convenable de ses besoins, a-t-elle dit, il risque de déranger les autres résidents de la maison d'accueil.

Tout comme sa place n'est pas avec des enfants en situation de conflit. De ce fait, il faudrait dès le départ une bonne évaluation de l'enfant et pas "un jugement at face value". Elle a cité l'exemple de Terre de Paix dont l'approche est louable. Cette organisation ne se contente pas de référer l'enfant au psychologue dont le travail n'est pas traçable mais mise sur une approche psychodynamique, c'est-à-dire qu'une formation a été donnée à tout son personnel pour que celui-ci aille au cœur du problème de l'enfant et si besoin est de le référer alors au psychologue. "Il faudrait établir un care plan individualisé pour chaque enfant."

S'il est vrai que toutes les conventions internationales disent qu'il faut écouter l'enfant, Rita Venkatasawmy a insisté sur le fait qu'il y a des enfants qui savent comment contourner l'autorité, exercer une dynamique de groupe, comme lui a raconté une ancienne résidente. "Le manager de la maison d'accueil et son personnel d'encadrement doivent être formés à écouter et à exercer leur discernement pour ne pas être manipulés. C'est pour cela que lorsque nous faisons l'évaluation des enfants, nous devons exercer notre discernement pour équilibrer les groupes."

Pour que les enfants placés en maisons d'accueil puissent recevoir l'encadrement dont ils ont besoin, elle est pour la désinstitutionalisation de ces maisons, c'est-à-dire que ces enfants, à commencer par les bébés, ne soient plus placés dans une immense structure mais dans de petites maisons individuelles n'accueillant pas plus de 12 résidents. "Il faut mettre en place une stratégie de désinstitutionalisation" qui commencerait avec les bébés, qui ne doivent pas être considérés comme un tube digestif mais qui ont besoin de "secure attachement", pas avec deux ou trois différents Carers à s'occuper d'eux par jour, tout comme ils ont besoin d'être stimulés par des interactions humaines.

Et pour cela, tout le personnel d'encadrement doit être formé au développement de l'enfant et de ses droits. Les enfants en bas âge, a-t-elle poursuivi, doivent non seulement être exposés à des jeux à l'intérieur et dans la cour de la maison d'accueil. Et une attention particulière devrait être apportée aux détails comme éviter les fils barbelés sur les murs ou encore la présence d'un gardien, éléments qui pourraient rappeler une prison. "La désinstitutionnalisation est un must, une priorité. Quand vous mettez un enfant dans un grand groupe et une grande structure avec d'autres, il va étouffer."

Rita Venkatasawmy a budgétisé le coût mensuel de gestion de ces petites maisons d'accueil qu'elle souhaiterait voir et qu'elle soumettra au National Social Inclusion Foundation, à savoir Rs 450 000 par mois. Elle a rappelé que le ministre des Finances a alloué un budget de Rs 200 millions pour les RCI et que 32 maisons d'accueil sur 46 ont déjà commencé à se structurer en petites unités accueillant moins de 12 résidents, la structure la plus petite n'ayant que trois résidents étant et SOS Village des Enfants.

Pour empêcher les familles de la République de Maurice à risque de se disloquer, elle préconise la mise en place d'une unité spécialisée dont le rôle sera de les consolider. Tout comme il faudrait une vaste campagne de sensibilisation pour augmenter le nombre de familles d'accueil dénombrées actuellement à 91. L'Ombudsperson for Children a déclaré que le personnel d'encadrement était mal payé pour les lourdes tâches qu'il accomplit et qu'il fallait respecter ses conditions de repos pour lui éviter fatigue et Burn-out.

Pour conclure, elle a indiqué que bien que le Children's Act ait été voté en 2020, aucun Ancillary Order destiné à améliorer les compétences parentales n'a été émis, ni de Contact Order permettant aux parents de pouvoir rendre visite à leur enfant placé dans une maison d'accueil.

Quelques chiffres importants

L'Ombudsperson et son équipe n'ont pas chômé. En parallèle à l'enquête approfondie sur les RCI, ils ont animé 92 ateliers, traité 468 plaintes, effectué 200 visites de terrain dont une à Rodrigues et assisté à 55 activités. Frictions entre la Head du CDU et les journalistes

La présentation du rapport de l'Ombudsperson for Children a été marquée par des frictions entre Karuna Chooramun, Head de la Child Development Unit et les journalistes présents, à commencer par Jean Marie Gangaram de 5-Plus dimanche. A l'heure des questions de la presse, lorsque le journaliste de 5-Plus dimanche a demandé à l'Ombudsperson for Children si elle avait enquêté sur un cas particulier de maison d'accueil ayant un trop plein de résidents à Curepipe et où la CDU ne jouait pas son rôle, Karuna Chooramun s'est sentie visée et haussant le ton, elle a cru bon d'accuser les journalistes de ne rapporter qu'une partie de la vérité.

Mal lui en a pris car une journaliste lui a rétorqué que le ministère ne répondait jamais aux sollicitations des journalistes quand on recherchait la version de la ministre. Pour ses prochaines fonctions, Karuna Chooramum a demandé à Rita Venkatasawmy d'inviter des journalistes sachant faire preuve de respect. Ce à quoi Jean Marie Gangaram lui a rappelé que le rôle des journalistes était justement de poser des questions. Au final, l'express lui a rappelé qu'il est important d'avoir l'humilité de se remettre en question.

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