Madagascar: Les magistrats sommés à être redevables

Le nouveau Premier président de la Cour suprême a prêté serment, hier. Dans son discours, il a souligné l'impératif de la responsabilité et de la redevabilité sociale des magistrats. Responsabilité et redevabilité. Deux qualités, deux principes auxquels doivent s'en tenir les magistrats vis-à-vis de la société selon Ranary Robertson Rakotonavalona, Premier président de la Cour suprême. "Une nouvelle vision de la fonction de magistrat, de la fonction de juger, de la fonction du juge", qu'il a affirmée dans son discours durant la cérémonie de sa prestation de serment, hier, au palais de la Cour suprême, à Anosy. Pour le nouveau Premier président de la Cour suprême, le magistrat doit dorénavant casser avec l'imaginaire d'être sur un piédestal, dans un système fermé, du fait de son savoir, de son statut, de son pouvoir.

Le juge doit désormais prendre conscience qu'il est un acteur de la société, qu'il y vit, qu'il a sa part de responsabilité sur la bonne marche vivre ensemble au sein de cette société, du développement du pays. Qu'en tant que salarié de la fonction publique et, de plus, rendant des jugements au nom du peuple malgache, a une obligation de redevabilité envers cette population. "Le juge doit toujours prendre en considération en amont, la loi, ainsi que sa raison d'être et considérer et prévoir en aval, les conséquences, les impacts, le retentissement de toutes ses décisions dans la société", soutient Ranary Robertson Rakotona-valona . "Comme nous le savons tous, la loi est créée pour régir la vie en société, pour la protéger, pour la développer, pour l'épanouissement de tous ses membres. D'y établir et y maintenir un équilibre. Et si pour une raison, ou pour une autre, cet équilibre venait à être rompu, c'est là qu'intervient le juge, en appliquant la loi et en rendant des décisions", ajoute-t-il.

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Équilibre

Dans son explication, qu'en tenant des impacts d'une décision judiciaire sur la société, on pourra également dire que "juger c'est prévoir". Dans son allocution, le nouveau Premier président de la Cour suprême brise aussi un tabou en évoquant, brièvement, la redevabilité du magistrat vis-à-vis des décideurs politiques. Un point qui s'enchevêtre, de prime abord, avec l'obligation de réserve des magistrats. En principe, le juge se doit de ne pas laisser transparaître son obédience politique, ni d'affirmer ses idées ou opinions politiques. L'obligation de réserve connaît, toutefois, différentes interprétations. Dans la pratique, plusieurs magistrats n'hésitent plus à afficher leur penchant politique et affirmer leur opinion politique bien qu'ils assurent toujours la fonction de juger.

Une question s'impose, néanmoins, comment se traduit cette redevabilité pour les hauts responsables au sein du système judiciaire, dont la procédure de désignation est actée par une décision des décideurs politiques. C'est justement le cas du Premier président de la Cour suprême. Il a été nommé lors du conseil des ministres du 3 août. Le fait que le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), soit présidé par le président de la République, et a comme vice-président le ministre de la Justice, selon la Constitution, pourrait expliquer cette idée de redevabilité.

"Mais, ce n'est pas aussi facile que cela puisse paraître. C'est même loin d'être évident", concède toutefois le nouveau patron de la Cour suprême, s'agissant de la responsabilité et la redevabilité sociale des juges. "Aussi, je voudrais suggérer le retour aux sagesses ancestrales, aux valeurs traditionnelles malgaches. D'emprunter ce que j'appellerai la voix du milieu", ajoute-t-il. Pour Ranary Robertson Rakotona-valona, dans cette optique, il est impératif que le magistrat trouve la juste mesure, "l'équilibre", entre les extrêmes.

"Le signe de la Justice est la balance. La balance en parfait équilibre. Il ne faut, en aucun cas, que la balance soit plus inclinée à cause de la décision des magistrats", soutient alors le numéro un de la Cour suprême. Sur sa lancée, il déclare alors, "non seulement, le magistrat doit se placer dans une position médiane.

Mais le magistrat doit être à même de faire l'équilibre entre les extrêmes, entre les points opposés. Il doit pouvoir faire l'équilibre entre d'un côté, l'indépendance, de l'autre côté, le loyalisme". L'équilibre entre le corporatisme, d'un côté, et l'isolement de l'autre côté, ou encore l'équilibre entre le juridisme, d'un côté, et l'arbitraire de l'autre ont également été soulignés par le Premier président de la Cour suprême. Selon ses dires, "c'est seulement ainsi, me semble-t-il, que la Justice va retrouver son vrai visage et son rôle qui est un des piliers de l'État de droit".

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