Burkina Faso: Acte fondamental MPSR II - Qu'importe l'habillage juridique, pourvu que les résultats suivent

Et nous voilà repartis pour une nouvelle couche de replâtrage juridique. Moins d'une semaine après avoir renversé le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, le capitaine Ibrahim Traoré, en attendant l'adoption de la future Charte de la Transition, a rendu public le mercredi 5 octobre 2022 l'Acte fondamental du MPSR II qui restaure un tant soit peu la légalité républicaine.

La Constitution, qui avait été dissoute dans la déclaration de prise du pouvoir est ainsi rétablie en même temps que l'officier subalterne de 34 ans devient chef de l'Etat pour assurer la continuité des affaires étatiques.

Une annonce tout de suite accueillie par une salve de critiques de la part de certains juristes qui n'entendent pas s'accommoder d'un raccommodage textuel "nul et de nul effet". Rien de bien surprenant en réalité dans la mesure où c'est la même polémique qui s'était installée en janvier 2022 avec l'Acte fondamental qui avait gravé le coup d'Etat de Sandaogo sur le marbre du droit.

On fera donc avec cela une fois de plus, d'autant plus allègrement que viol du droit pour viol du droit, ce n'est pas la première fois que les Burkinabè torturent les textes qui régissent l'organisation de la vie en société, notamment de l'activité politique. A défaut de légitimité, les apparences légales sont ainsi sauves et "l'Etat de droit d'exception " continue, la révolution de palais de vendredi dernier n'étant qu'une simple rectification du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration qui, pour les putschistes, a été dévoyé par le désormais prestigieux exilé de Lomé.

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Voici donc, en attendant qui sait une prestation de serment, le rectificateur paré de (presque) tous les attributs de la fonction pour pouvoir gouverner. Car s'il n'est pas (encore) président du Faso, le statut de chef de l'Etat lui confère en effet un certain nombre de prérogatives régaliennes comme nommer aux fonctions civiles et militaires. Autant dire que depuis mercredi, il a toutes les cartes en main pour imprimer sa marque. Et sans tarder. Car plus que le débat intellectuel sur le maquillage juridique de pure forme qui intéresse surtout les élites urbaines, ce qui préoccupe les Burkinabè de Djibo, de Gaskindé, de Titao, de Solenzo, de Madjoari et des nombreuses autres localités de notre territoire occupé, ce sont des résultats visibles sur le terrain de la lutte contre le terrorisme. Pendant que nos militaires se chamaillaient à Ouagadougou, la vermine continuait d'ailleurs à s'incruster dans tous les coins et recoins du pays, de Lâ-Todin à Bouroum en passant par Bagmoussa, Zourma-kito, Kouy, Titao, Boussou, Bagaré, Kalangboko, Natiaboani pour ne citer que quelques cas recensés entre le 30 septembre et le 5 octobre.

Damiba a si vendangé en un temps record le relatif capital de sympathie qui l'a accueilli à son arrivée que le capitaine IB a été reçu comme un messie le week-end passé. Et alors qu'il a dès sa première prise de parole promis de remettre le pouvoir à un président " civil ou militaire " qui sera désigné par les Forces vives de la nation, nombre de ses compatriotes le conjurent de garder la chose pour laquelle il s'est battu au péril de son nez.

Certes en quittant directement le terrain miné de l'action pour le tapis rouge et les lambris dorés de la République, il est bien placé pour connaître la réalité des hommes et les failles de notre stratégie (à supposer qu'on en ait vraiment une) ; certes il peut tirer leçon des errements de son prédécesseur mais on ne sait que trop, qu'on l'ait arraché par les urnes ou par les armes, il est plus facile de conquérir le pouvoir que de le gérer, surtout en temps de guerre comme c'est le cas aujourd'hui.

Et ceux qui le portent aux nues actuellement seront les mêmes qui vont dresser le bûcher qui va le consumer si -à Dieu ne plaise-, il devait, lui aussi, se fourvoyer. Pour son bien donc et pour celui des 22 millions de Burkinabè, il sait ce qu'il lui reste à faire, à condition de ne pas se laisser déborder par la noria de soutiens plus ou moins intéressés qui grenouillent déjà à qui mieux mieux et qui peuvent causer sa perte. Un petit conseil pour terminer mon capitaine : même si, à l'évidence, vous avez des facilités d'élocution, agissez beaucoup et parlez peu car comme dit l'adage " trop parler c'est maladie.

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