Madagascar: Laza Eric Donat Andrianirina - " Il y a une hémorragie de détournements de deniers publics "

interview

Laza Eric Donat Andrianirina, directeur général du Bureau indépendant anti-corruption (BIANCO), déplore une prolifération des cas de détournement de deniers publics, un délit connexe à la corruption.

Une situation causée principalement par l'absence d'éthique selon ses dires. Pour une lutte efficace et gagner la guerre contre la corruption, il insiste sur la méthodologie qui consiste à mener de front l'éducation, la prévention et la répression. Interview.

L'Express de Madagascar. Un point de votre intervention durant la présentation du rapport d'activité annuel du BIANCO a marqué les esprits. Vous aviez parlé d'une prolifération des cas de détournement de deniers publics. Dans quel secteur précisément?

J'ai effectivement évoqué les détournements de deniers publics dans le rapport. Ce sont quasiment tous les secteurs qui sont concernés. Ce qui est grave, c'est que ce phénomène est constaté à tous les niveaux aussi. Donc tous les secteurs et tous les niveaux de responsabilité. C'est grave puisque l'argent public est destiné à l'intérêt général et non seulement pour des personnalités ou des responsables qui sont désignés par l'État pour les gérer.

L'inefficacité du système anti-corruption ou de lutte contre les malversations financières pourrait-elle en être la raison? Le système ne serait-il pas suffisamment dissuasif?

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Je ne le pense pas car, s'il y a une prolifération d'un tel phénomène, ce n'est pas à cause du BIANCO. A notre avis c'est d'abord dû au manque d'éthique dont font preuve certains responsables. Le manque d'éthique n'est pas, a priori, lié à l'efficacité ou à l'action du BIANCO et du système anti-corruption. Maintenant que nous constatons la prolifération d'un tel phénomène, le BIANCO se positionne comme celui qui a initié le retour à l'éthique dans l'exercice de la fonction publique. Cela étant, le BIANCO n'a pas les remèdes à tous les maux de la société. Seulement, il peut agir sous l'angle des trois volets de sa mission qui sont l'éducation, la prévention et l'application de la loi. À chaque phénomène qui a trait à la corruption, le BIANCO va donc mobiliser tous les moyens, toutes les ressources qui lui permettent d'agir pour éduquer, prévenir et appliquer la loi.

Mais nous sommes déjà face à des cas de violation de la loi. Il y a déjà des faits constatés. Donc qu'est-ce que le BIANCO a fait, fait et fera pour sanctionner ou réprimer ceux qui sont impliqués dans ces cas de détournement de deniers publics?

Le BIANCO a toujours agi pour réprimer. Mais en face d'une telle hémorragie, le BIANCO doit trouver les moyens de juguler cette hémorragie. Si pour cela, il faut réprimer. Le BIANCO le fait et nous l'avons toujours fait. Mais face à une telle prolifération multisectorielle de la corruption, le BIANCO va déployer ces différents instruments et notamment, les instruments préventifs. Par exemple, utiliser et inciter l'usage des nouvelles technologies pour mâter cette hémorragie. Vous savez très bien que lorsqu'on utilise la technologie à travers le processus de digitalisation des mécanismes de fonctionnement de l'administration, il y a des réticences. Puisque cela implique de limiter les possibilités de corruption en amont. Ce qui va empêcher les délinquants de sévir. Et ils n'aiment pas cela. Nous insistons sur la prévention en cas d'hémorragie, puisque nous nous trouvons vraiment en face d'une hémorragie en ce qui concerne les détournements de deniers publics.

" Des dossiers sont transmis à la Haute Cour de Justice. "

Certes, le processus de digitalisation fait face à des contestations, mais techniquement, force est de constater qu'il n'est pas encore au point. Vous parlez d'hémorragie. La situation permet-elle d'attendre que la digitalisation soit pleinement opérationnelle pour la stopper?

Quand on est en face d'une hémorragie, on peut et il faut mobiliser tous les moyens. Je précise bien tous les moyens. Les moyens dont dispose le BIANCO sont à travers ces trois missions. Nous allons persuader davantage les responsables de ne pas commettre d'infraction. Nous allons prévenir, en limitant autant que possible en amont la commission de l'infraction, justement, par le biais de la digitalisation. Votre question est, face à une telle hémorragie, faudrait-il encore attendre l'efficacité de certains systèmes qui, comme vous dites, est en panne ? Seulement, certains veulent que l'outil soit en panne. En face d'une telle situation, nous insistons sur l'utilisation de tous les moyens, y compris les moyens préventifs. La raison est que nous serions débordés si nous nous cantonnions à traiter une hémorragie en aval. Beaucoup de délinquants ont identifié l'efficacité de cette méthode et voilà pourquoi ils s'opposent à la technique préventive.

Vous dites qu'il s'agit d'un problème éthique. Il y a donc une portée culturelle. Face à cette hémorragie, n'est-il pas plus judicieux de frapper un grand coup, sanctionner, marquer les esprits, justement, pour dissuader les récalcitrants ?

Comme il s'agit d'une question d'éthique, l'éducation et la prévention pourraient prendre du temps. Tout dépend du but. Si c'est seulement frapper pour marquer les esprits, c'est donc agir à l'instant T. Pour être efficace, il faut nécessairement des mesures d'accompagnement. Je le redis, le BIANCO agit sur trois points. Il frappe, mais quand il le fait, c'est en silence. Comme on dit, pour attraper le gros poisson, il ne faut pas déranger l'eau. Des dossiers ont été transmis à la HCJ [Haute Cour de Justice], mais nous ne communiquons pas là-dessus.

Il y a un temps pour la communication et il y a un temps pour l'action. Après, quand il frappe, tout de suite, il va essayer de colmater les brèches en prévenant les opportunités de corruption. Insister sur un outil seulement, alors que la stratégie nationale se base et permet de déployer nos actions sur trois domaines, n'est pas judicieux.

Les gens, lorsqu'il s'agit du BIANCO, ils n'ont en tête que la répression. Nous le faisons. Peut-être qu'on ne communique pas assez là-dessus, mais mieux vaut ne pas communiquer que le faire pour donner une opportunité aux délinquants de réagir et récidiver. Par rapport à un certain nombre de responsables, justiciables devant la Haute Cour de Justice, les affaires sont traitées. Si nous n'entendons pas la suite, ce n'est pas dû au BIANCO. Il y a des responsables qui ont la prérogative de décider de la suite à donner à ces affaires. Le BIANCO a transmis, depuis, un certain nombre de dossiers à la HCJ.

Combien de dossiers le BIANCO a-t-il transmis à la HCJ et qui sont les personnalités impliquées?

Je ne peux pas communiquer là-dessus, mais une chose est sûre, il y a déjà des dossiers qui sont transmis à la HCJ afin d'être traités à son niveau. Il y en aura l'année prochaine. La HCJ a cette particularité de traiter des affaires de corruption commises par les hauts dignitaires de l'État. Le BIANCO a été saisi pour enquêter sur des affaires qui ont défrayé les chroniques. Ça a abouti à un certain nombre de procès-verbaux qui ont été transmis à la HCJ. Mais la plupart des dossiers que nous traitons portent sur des affaires de corruption de moyennes portées. Seulement, je dirai qu'il n'y a pas de corruption de moyenne portée, puisqu'à partir du moment où l'on détourne de l'argent, cela préjudicie au processus de développement du pays, peu importe le volume. Aussi, que ce soit un dossier de grande, moyenne, ou petite portée, lorsque le BIANCO est saisi, il traite l'affaire.

Sur ces affaires qui ont défrayé les chroniques justement, il y a eu les trafics d'or, l'APMF, ou le SMMC par exemple. Le BIANCO a donc été saisi pour enquêter sur ces affaires? Où en sont les investigations actuellement alors?

Ces affaires ont effectivement défrayé les chroniques. Il y a eu du bruit tout d'abord, puisque parfois on politise les affaires judiciaires et parfois, en contrepartie, on judiciarise des affaires politiques. Seulement, lorsqu'il y a infraction à la loi pénale, la loi vise les contrevenants et s'applique sans distinction de couleur politique. Par ailleurs, lorsqu'on entend ce genre d'information à travers les différents canaux de communication, nous recevons ces informations au même titre que les citoyens. Mais nous devons faire attention lorsqu'il s'agit d'action de police judiciaire puisque tous renseignements ne se valent pas.

Il faut les affiner et leur assigner une portée judiciaire. Autrement dit, ce sont des indices qui, si tout se passe bien, vont se transformer en preuve judiciaire. C'est la raison pour laquelle nous encourageons les citoyens à nous transmettre par le biais du système digital E-Toroka tous ces indices qui, quoi qu'on dise, ne sont pas encore des preuves. Le but des enquêtes est justement de transformer ces indices en preuves irréfutables pour que les délinquants soient condamnés par la Justice. Beaucoup de personnes affirment que ces informations sont des preuves. Ce qui n'est pas le cas. Sur le plan judiciaire, ce ne sont pas des preuves.

Le BIANCO a bien ouvert des enquêtes sur ces affaires?

Effectivement. Sur ces affaires-là, beaucoup de ces indices, de ces informations ont été transformés en doléance et nous étions dans le cadre d'une auto-saisine.

Donc où en sont ces enquêtes actuellement?

Tout cela est en cours. Ces dossiers-là sont relativement compliqués. L'explication est que les tam-tams sur les réseaux sociaux aident les personnes happées par ces dossiers. Quand on mène une enquête, lorsqu'on engage une poursuite, cela signifie qu'il faut rattraper un retard. Les délinquants présumés nous ont déjà devancés dans la commission l'infraction. Les matraquages publics ne font que renforcer cette avance, puisqu'ils savent ce qu'il faut faire pour effacer les preuves de leur méfait. Cela complique les enquêtes, les démarches pour trouver la vérité. Puisque la personne enquêtée va tout faire pour cacher la vérité. Voilà pourquoi, je dis qu'il nous faut de la sérénité dans les enquêtes, un peu de silence. Lorsqu'on fait beaucoup de bruit, le poisson risque de s'enfuir. C'est la raison pour laquelle, j'ai donné l'ordre de ne pas trop communiquer.

Mais dans certains cas, des faits dénoncés, ou des indices publiés s'apparentent à des flagrants délits. Voilà pourquoi il y a des interrogations sur l'absence apparente d'une réaction du BIANCO ou sur le fait que les enquêtes traînent.

La définition d'un délit flagrant n'est pas tout à cela. Le code pénal définit bien ce qu'on entend par flagrant délit. Seulement, en face d'une infraction, on a deux moyens. Comme vous dites, il y a le flagrant délit. Il faut donc agir rapidement pour porter au plus vite l'affaire devant la Justice. Seulement, faute de preuves suffisantes, la poursuite d'un cas de flagrant délit devant la Justice peut échouer. L'essentiel n'est pas le choix de la procédure, mais la pertinence des preuves. Ce sont les preuves qui nous guident. J'ai ordonné à mes enquêteurs de chercher des preuves irréfutables que ce soit par voie de flagrant délit ou d'enquête préliminaire. Il faut présenter des preuves irréfutables devant la Justice afin que le délinquant soit sanctionné par une Justice indépendante et impartiale.

Pour en revenir à la HCJ, les dossiers qui lui seront transmis prochainement concernaient-ils certains de ces dossiers impliquant de hautes personnalités, ayant défrayé les chroniques?

Certainement, mais je ne peux pas en parler davantage puisque je suis astreint à l'obligation de confidentialité. Mais je peux vous dire que le travail du BIANCO ne s'arrête pas aujourd'hui. Il va se poursuivre. Donc certainement, lorsque les dossiers seront ficelés, ils seront transmis à la juridiction compétente que ce soit les PAC [Pôles anti-corruption], ou la HCJ.

Vous avez évoqué l'auto-saisine tout à l'heure. Récemment, l'Inspection générale de l'État (IGE), a rapporté le détournement de 52 milliards d'ariary au niveau de l'administration. Certainement le rapport de l'IGE est précis et détaillé. C'est comme vous servir une affaire sur un plateau d'argent. Que compte faire le BIANCO?

Vous avez très bien dit les choses. L'IGE et le BIANCO travaillent dans le cadre d'une collaboration très franche. Si les affaires de détournement de deniers publics ont pu aboutir au niveau du BIANCO c'est grâce à la qualité des investigations menées par l'IGE, bien qu'il n'ait pas de pouvoir de police judiciaire. Ses rapports nous facilitent la tâche. Nous attendons justement que l'IGE nous transmette ce récent rapport. Je pense que, si au niveau de l'IGE on fait état de cette somme, je pense que le BIANCO peut en trouver davantage en termes de gap.

Pourquoi le BIANCO ne privilégie-t-il pas plus souvent, plus systématiquement cette prérogative d'auto-saisine?

Depuis que je suis à la tête du BIANCO, j'ai déployé un certain nombre d'instruments. Le premier est dans le cadre du mode opératoire "faire faire". C'est-à-dire associer davantage la population à la lutte, la responsabilisée. Puisque le BIANCO ne dispose pas de l'exclusivité des compétences en matière de lutte contre la corruption. Deuxièmement, l'auto-saisine, nous l'avons utilisée et nous l'utilisons davantage. Seulement, il faut faire attention à l'usage d'un outil de ce type. Je peux vous dire qu'avec une auto-saisine systématique, la cour dans laquelle sera celle de la prison.

Est-ce l'objectif ? Sommes-nous aussi droits que nous le souhaitons ou l'affirmons? La mission du BIANCO est aussi cette quête de l'harmonie sociale à travers les outils éducation, prévention et application de loi. Troisième chose, l'auto-saisine doit être déclenchée par un certain nombre de critères, par exemple, la clameur publique. Il faut aussi définir ces critères en termes d'enjeux, des personnes concernées, des affaires, de possibilité de faire une auto-saisine. Si une enquête sur la base d'une auto-saisine c'est grâce à la force des renseignements. On ne peut pas débuter une enquête dans le cadre d'une auto-saisine sans renseignement assez conséquent. Beaucoup de gens ne comprennent pas cela. Tant que je serai à la tête de cette institution, le BIANCO n'entamera pas une enquête sans des renseignements suffisants qui permettent de la faire aboutir. On ne frappe pas sans être sûr de son coup.

Au nom de l'harmonie sociale sommes-nous alors obligés de tolérer ou fermer les yeux sur les dérives?

Non. Je le redis, le BIANCO dispose de trois outils pour parvenir à ses fins, c'est-à-dire, l'harmonie sociale. La répression est certes dissuasive, mais comme je l'ai dit au tout début, même la prévention déplait aux corrompus parce qu'ils savent très bien qu'à la limite, c'est leur empêcher de manger. Voilà pourquoi je dis que l'avenir de la lutte contre la corruption à Madagascar est la prévention. Si nous voulons une société apaisée, ce n'est pas par la voie d'une justice pure et dure. Souvent il se dit à Madagascar que la Justice est celle des vainqueurs politiques.

On a tendance à politiser les affaires judiciaires et à judiciariser les affaires politiques. Le BIANCO réfute et refuse cette idée en affirmant son indépendance. Je le dis officiellement, le BIANCO est indépendant. Il ne reçoit pas d'ordre de qui que ce soit. Aussi, il reste au-dessus de la mêlée face à ces différents débats. Ce qui guide le BIANCO c'est la quête de l'harmonie sociale, mais aussi l'intérêt général. Tous ceux qui détériorent l'intérêt général sont ennemis du BIANCO et aussi de la population. Donc tous les moyens sont bons pour restaurer cette harmonie sociale, à condition qu'on respecte la loi et surtout lorsque c'est accepté par tout le monde.

" Cette fois-ci, nous allons frapper de façon sélective. "

Il y a des actions d'éducation et de prévention qui sont menées, mais entre-temps, les infractions continuent.

La façon dont nous pourrons empêcher des délinquants qui, volontairement, veulent commettre une infraction est la mise en œuvre de nos outils. Nous avons parlé d'éthique à un moment donné. Nous essayons de les ramener à ce sens de l'éthique, d'être humain, de leur rappeler le sens du respect d'autrui. Quand nous disons cela, il y a des gens qui ne nous croient pas, qui n'y croient plus. Où allons-nous alors, si nous ne croyons plus à la bonté de l'homme ? L'homme naît bon, disait Jean-Jacques Rousseau, mais c'est la société qui le corrompt.

N'est-ce pas utopique de votre part?

Non, surtout pas. Si vous ne croyez pas à la bonté de l'homme, il n'y a plus de raison de vivre. Il faut tout arrêter dans ce cas. A quoi bon faire tout ce que l'on fait ici. Nous, on y croit. Et croire en la bonté de l'homme n'est pas stupide. Par exemple, l'emprisonnement n'est pas pour punir, mais pour restaurer la personne. Pour transformer le négatif en positif.

La méthodologie appliquée par le BIANCO est celle inscrite dans la stratégie nationale de lutte contre la corruption. L'hémorragie constatée en matière de détournement de deniers publics n'est-elle pas un indicatif d'une inefficacité de cette stratégie?

Je ne le pense pas. Je vais vous retourner la question. Quelle méthode est efficace à 100% à Madagascar et même dans le monde entier ? S'il s'agit du fait qu'il y a des failles à améliorer, là je suis d'accord. Il y a toujours des côtés négatifs et positifs. Il y a toujours des failles à un système performant. L'essentiel n'est-il pas plutôt d'améliorer le fonctionnement du système et non pas d'anéantir en disant qu'il faut changer de stratégie ? Rien ne garantit qu'une nouvelle stratégie sera plus performante que la précédente. L'essentiel est l'amélioration permanente du système en place. On peut changer, mais moi je pense que les trois volets sur lesquels s'appuie la lutte à Madagascar permettent de bien agir. La stratégie nationale repose sur trois pieds. Ce que veulent beaucoup de gens est que l'un de ces trois pieds, à savoir le volet répressif, aille plus loin pour qu'on puisse avoir quelque chose de bancale. Non. Je me tue à dire que les trois vont ensemble et doivent avancer en même temps. Après avoir giflé, il faut caresser, après avoir caressé, il faut gifler ce qui le mérite. Et la vie est ainsi faite, fermeté avec humanité.

Une question s'impose tout de même. Comment comptez-vous stopper cette hémorragie à l'instant T. À court terme, comment comptez-vous agir?

Justement, vous vous cantonnez à court terme. La lutte est de longue haleine et non pas juste à court terme. Mais je peux vous répondre, même si, à la limite, c'est me forcer à me focaliser sur le court terme. Mais je le réitère, la lutte contre la corruption est de longue haleine.

Certes, mais l'opinion publique attend d'avoir une réponse à cette question. Je vais y répondre, mais se contenter sur le court terme n'est pas la véritable.

Gagner une bataille, ce n'est pas gagner la guerre. La lutte contre la corruption est une guerre et non pas une bataille. En réponse à votre question, toujours dans le cadre des trois volets de notre stratégie. Nous ne cesserons pas de sensibiliser les gens à refuser la corruption. Maintenant, un homme averti en vaut deux. Nous allons fermer toutes les opportunités de corruption à travers la digitalisation. Parallèlement, nous allons toujours frapper. Mais cette fois-ci, nous allons frapper de façon sélective. C'est-à-dire que nous allons viser les gros. Nous sommes cent à faire de l'investigation au sein du BIANCO. Est-ce beaucoup, est-ce peu ? Je ne me prononce pas dessus. Mais nous avons agi et nous continuerons à le faire. Mais qui va alors traiter les cas de petites corruptions comme les gens les appellent ? Nous essayons toujours de nous baser sur les doléances. Pourquoi, parce que cela indique qu'une victime de corruption est prête à témoigner. Dans les auto-saisines, beaucoup de gens refusent de témoigner. Pourtant, avec ce genre d'attitude nous ne pourrions pas aboutir à des condamnations. Encore une fois, la Justice a besoin de preuves irréfutables, de témoignages de gens vivants, conscients qu'il faut rendre la Justice comme il se doit. Si vous voulez, on peut être sélectif si c'est pour satisfaire le court terme. Mais est-ce gagner la guerre ? Je ne le pense pas. Pour la pérennité de la lutte, il ne faut pas trop faire de sélection. Il faut partir des doléances qui sont une preuve affirmée par la victime de sa volonté d'agir pour lutter contre la corruption.

Vous affirmez, officiellement, que le BIANCO est indépendant. Seulement, la question des ressources humaines vient d'être évoquée. L'insuffisance de moyens financiers est souvent soulevée aussi.

Les moyens ne sont pas parfaits, mais on ne s'en plaint pas. Même si j'évoque le manque de moyens, c'est la volonté qui compte. Celle de faire aboutir une lutte de longue haleine.

Cette indépendance que vous affirmez se base-t-elle sur quel critère alors?

La loi dit que le BIANCO et son directeur général sont indépendants. Cette indépendance s'affirme dans les faits. Il est impossible d'empêcher les gens d'interférer dans nos actions. Ce que le BIANCO et son directeur général peuvent faire, c'est de refuser ces interférences. Et c'est ce que nous faisons. Donc indépendance opérationnelle oui, indépendance sur le plan administratif ? Peu importe. Mais qui est indépendant ? Le BIANCO est indépendant, mais interagit dans le cadre d'un travail collaboratif avec les autres. Nous ne fabriquons pas les preuves. Nous suscitons les preuves. L'indépendance se vit et s'affirme. Mais ce n'est pas une indépendance au sens d'être un électron libre, puisqu'il y a la loi. Le BIANCO est indépendant, mais il y a la loi qui le guide. Il est libre dans les limites de la loi.

L'existence d'interférences justement est un autre point que vous avez évoqué lors de la présentation du rapport annuel du BIANCO. Vous avez parlé d'intervention de différents types, à tous les niveaux. Lorsqu'il s'agit d'intervention, d'emblée les yeux se tournent vers les détenteurs de pouvoir, les autorités. Alors, qui font ces interventions?

Vous voulez que j'indique qui, individuellement ? Est-ce qu'on n'enfreint pas la règle de la bienséance ? Je pense que oui si j'indique qui sont à l'origine de ces interférences.

Est-ce que la bienséance a encore une place dans la lutte contre la corruption et face à tels actes?

Bien sûr, nous vivons dans la société et il y a des règles à respecter. Il y a la présomption d'innocence. Même si vous attrapez quelqu'un en flagrant délit, il est toujours présumé innocent. C'est la loi qui le dit. A la limite si la personne interfère, mais qu'il n'y a aucun impact sur le processus, à quoi bon dire que l'interférence vient de telle ou telle personne ? Peu importent les interférences, peu importent les pressions. L'essentiel est qu'elles n'aient aucune influence sur le résultat des enquêtes. Et je peux vous garantir que c'est le cas.

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