Cote d'Ivoire: Aller à l'essentiel

10 Octobre 2022

" La polémique, loin d'être rassembleuse, est perte de temps et d'énergie ". Cette pensée de l'écrivain algérien Ahmed Kiat, prend tout sens dans l'agitation actuelle d'une partie de l'opinion nationale au sujet de la Couverture maladie universelle (CMU).

Depuis que le gouvernement a décidé que désormais pour avoir accès à des services, il faudra fournir la preuve de son enrôlement à cette assurance, des personnes- dont des hommes politiques de premier plan - poussent des cris d'orfraie, en s'insurgeant contre cette décision qui, selon elles, rend obligatoire l'obtention de sa carte CMU.

D'autres prennent un raccourci ahurissant, martelant que si le gouvernement en est là, c'est parce que la CMU est un échec sur toute la ligne. Les commentaires vont bon train, et ils sont, parfois, enflammés. Trop même. Car, mus, plus par la passion que par une analyse objective et froide du processus. Comme tout processus et toute réforme de cette dimension, il y a, inévitablement, des tâtonnements, des imperfections, des erreurs, des oublis, à corriger avec le temps.

Mais, il faut prendre un peu de distance avec la polémique et les réseaux sociaux pour jeter un regard introspectif sur la CMU. Déjà, il faut savoir que le gouvernement ne la rend pas obligatoire seulement maintenant. Elle l'est déjà depuis son lancement en 2014. La récente mesure ne vise donc qu'à contraindre les populations, qui négligent incroyablement cette assurance, à se faire enrôler. Faut-il le souligner, sur environ 29 millions d'habitants que compte la Côte d'Ivoire, seulement 3,5 millions de personnes ont souscrit à la CMU. Même l'objectif, à court terme, de 4 millions d'enrôlés n'a pas été atteint... près de huit ans après le lancement de l'opération.

%

Face à cette indifférence, quasi-effarante, le gouvernement n'avait d'autre solution que de " contraindre " les Ivoiriens à l'obtention de la carte CMU. Et là, contrairement à tout ce qui se dit et s'écrit, il est complètement dans son rôle. L'une des missions régaliennes de l'Etat - pour ceux qui ne le savent pas ou l'auraient oublié - c'est justement d'apporter, comme le stipule la Constitution, la santé à moindre coût à tous les citoyens ; en plus, bien évidemment, de garantir la protection sociale, la sécurité des biens et des personnes, de fournir l'éducation et l'accès aux services sociaux de base.

Dans de nombreux pays du monde, surtout parmi les plus développés, la protection sociale est une obligation pour les populations. Toute chose qui permet aux citoyens de bénéficier, sans exception, qu'ils travaillent ou pas, d'une couverture maladie sous divers régimes. Qui ne se souvient de la bataille quasi décennale que l'exécutif américain sous Obama a dû mener pour faire adopter par les législateurs, l'Obamacare, l'assurance qui obligeait tous les Américains à souscrire une assurance avant 2014 sous peine d'amende ?

De toute évidence, le débat actuel relève plus d'une position dogmatique et idéologique tenue par les partisans de la polémique. Le Gouvernement ivoirien de Côte d'Ivoire ne réinvente donc pas l'eau chaude, il ne fait qu'implémenter, ici, ce qui se fait de mieux ailleurs, et dont d'ailleurs le besoin est criant chez nous.

Dans un pays comme la Côte d'Ivoire où la majeure partie de la population n'a pas d'assurance santé, la CMU est d'une nécessité absolue voire vitale. Car, il s'agit ni plus ni moins de sauver des vies et d'éviter des drames que l'on vit dans nos hôpitaux où des malades décèdent, faute de moyens pour payer les soins primaires et acheter les médicaments de première nécessité, souvent pour... 5000 FCFA. D'autant qu'avec la CMU, pour une cotisation mensuelle de 1000 FCFA, les assurés bénéficient d'un ticket modérateur de 30%. Les 70% restants, étant à la charge de l'Etat.

Il faut en finir avec cette démagogie, teintée de populisme, autour de la CMU. Surtout que, parmi ceux qui portent la contestation avec véhémence, il y a des gens qui sont nantis, à l'image de Jean-Louis Billon, homme d'affaire fortuné, député de Dabakala, qui ne se soigne que très rarement dans les hôpitaux et centres de santé publics ivoiriens. Son parti pourtant, avait été d'un soutien inconditionnel à cette politique. En mai 2009, à Nassian, le Président Bédié, raillant le bilan de la refondation, disait : " On a promis aux populations l'assurance maladie universelle qui n'a jamais existé. C'est là certainement l'une des plus graves escroqueries des refondateurs ".

En janvier 2015, le Président du parti de Billon, lançait ce message aux Ivoiriens : " Vous avez vu récemment les cérémonies marquant le démarrage de la Couverture maladie universelle. Nous vous invitons à vous y inscrire parce qu'il y va du bien-être de votre santé, de la santé de votre famille et de la santé de vos amis ". Pour sa part, Laurent Gbagbo dans son programme électorale avait promis aux populations " L'assurance maladie universelle ", qui devrait commencer par les planteurs " quatre mois après les élections ". C'est peu de le dire, l'opposition ivoirienne est mal fondée de décrier aujourd'hui, ce qu'elle a encensé hier. Même si, en politique, la bonne foi est une denrée rare, surtout en Afrique.

Née de la volonté du Président Alassane Ouattara, la CMU traduit la volonté forte du gouvernement d'améliorer le bien-être des Ivoiriens et d'hisser la Côte d'Ivoire au rang des Nations avec une politique sociale agissante.

Il appartient donc au peuple de rester lucide devant la manipulation et la propagande, d'ouvrir les yeux et de ne pas perdre de vue l'essentiel : bénéficier d'une couverture maladie, pan essentiel de la protection sociale. Pour cela, il n'y a qu'un geste simple à faire : prendre d'assaut les centres d'enrôlement pour se faire délivrer, au terme du processus d'enregistrement, les documents relatifs à leur prise en compte par la CMU. Il y va de la santé de tous et chacun dans la Côte d'Ivoire solidaire.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.