Madagascar: Leçons d'un "Double-Dix"

Le "Double-Dix" du 10 octobre commémore le soulèvement de 1911 qui emporta la dynastie impériale, remplacée par la République (proclamée le 1er janvier 1912), qu'allaient bientôt se disputer communistes et nationalistes, de part et d'autre du bras de mer qui sépare la Chine continentale de Taïwan. On peut penser que la Chine ne pouvait pas échapper à son destin planétaire. Trop considérable dans le temps comme dans l'espace pour ne pas s'accomplir. Qu'elle soit encore considérée comme la deuxième puissance mondiale ou déjà acceptée comme la première puissance mondiale, ne change finalement pas grand-chose à l'inéluctable.

Qu'elle soit plutôt continentale que maritime, ne l'empêche pas d'être partout présente. Et d'abord par les Chinois eux-mêmes qui forment une diaspora prospère qu'aucun régime autochtone ne saurait négliger (60.000 Chinois présents à Madagascar, en février 2016, selon l'ambassade de Chine). Avant de construire le barrage des trois-gorges sur le Yangtze ; avant de lancer le HZMB, le plus long pont maritime au monde avec ses 55 km entre Hong Kong, Zuhai et Macao ; avant de voir le pont Sutong au-dessus du fleuve Yangtze, reliant Suzhou à Nantong, consacré comme l'ouvrage de génie civil le plus exceptionnel au monde pour l'année 2010 par l'ASCE (American Society of Civil Engineers) : la Chine cinq fois millénaire avait déjà inventé rien moins que le papier, l'imprimerie, la boussole et la poudre à canon.

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Je fais mon marronnier de cette Chronique d'il y a exactement dix ans. J'y parlais encore de ce qui semble aujourd'hui de la Préhistoire : "Acer, le troisième fabricant mondial de PC, ou Asus ne sont que les marques les plus familières de la haute technologie taïwanaise. Son industrie des LED est la deuxième plus importante au monde, et détient le quart du marché international. Les sociétés taïwanaises détiendraient la moitié des écrans à affichage à cristaux liquides (LCD) du monde entier. Quant à la Chine, qu'on appelle déjà " l'usine du monde ", elle rattrape formidablement son retard technologique : téléphonie mobile, conquête spatiale, automobile, etc". Ras-le-bol nationaliste, la révolution de 1911 était le dénouement d'une longue série d'humiliations que les puissances occidentales, et le Japon, firent subir à la Chine, tout au long du 19ème siècle. Ce furent les " traités inégaux " de Nankin (1842, traité imposé par la Grande-Bretagne et mettant fin à la première guerre de l'opium), de Tientsin (1858, dix villes chinoises ouvertes aux étrangers), de Pékin (1860, imposé par la France et la Grande-Bretagne, mettant un terme à la seconde guerre de l'opium), de Tientsin (1885, la Chine reconnaît le protectorat français sur l'Indochine), traité de Shimoseki (1895, le Japon obtenait l'île de Taiwan). Un siècle après la révolution du " Double Dix ", le rapport des forces est spectaculairement inversé. Les îles Senkaku, que le Japon a nationalisées, en mer de Chine orientale, sont revendiquées sous le nom de Diaoyu par la Chine. Des bateaux de pêche sont même venus de Taiwan pour se mêler à la dispute, comme au bon vieux temps du " front uni " quand nationalistes et communistes se sont unis le temps du conflit contre le Japon.

Quand l'Occident tonne contre la Syrie ou l'Iran, le ton est plus circonspect quand il s'agit de la Chine, qui a gagné le respect mondial. Chez nous, il est dommage que les humiliations face à l'étranger n'aient pas débouché sur ce sursaut nationaliste. Nous ne réclamons pas suffisamment de transfert de technologies qui nous permettrait de casser la spirale déficitaire d'exportation de produits bruts sans valeur ajoutée manufacturière. Nous n'investissons pas assez dans la recherche et le développement qui nous permettraient de rationaliser l'intuition et l'inventivité, autant dire du bricolage. Et, déjà, à la base, nous négligeons totalement la constitution d'une masse critique d'écoliers bien instruits. Piètres guerriers en 1895, nous n'avions pas gagné le respect militaire.

" Copieurs de génie ", nous n'avons pas su trouver le ressort intellectuel qui a fait du japonais Toyota un plagieur devenu concurrent direct de General Motors. Si nous savons décrypter la démarche et tout le processus culturel derrière le succès commercial du coréen Samsung malgré les accusations de plagiat par Apple (et si nous pouvons nous inspirer de la cohérence avec soi-même dans le succès planétaire du chinois Huawei, devenu la bête noire du Gouvernement américain), un jour viendra où le " Canal de Mozambique" nous reviendra comme " mer de Madagascar ".

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