Ile Maurice: Barlen Pyamootoo - "L'année prochaine, l'Inde et sa littérature seront à l'honneur"

interview

Festival du livre de Trou d'Eau Douce, à nous le second chapitre

La seconde édition du Festival du livre de Trou-d'Eau-Douce s'est achevée, hier, dimanche le 9 octobre. L'année prochaine, le pays invité sera l'Inde. Premier bilan avec Barlen Pyamootoo.

Jumelage, nomination d'ambassadeur, le Festival du livre de Trou-d'Eau-Douce s'internationalise de plus en plus ?

Mohamed Mbougar Sarr, prix Goncourt 2021, et l'éditeur Philippe Rey ont proposé le jumelage entre Barang, au Sénégal, qui se trouve à la pointe Est de l'Afrique et Trou-d'Eau-Douce qui se trouve à l'extrême Est de Maurice. Un jumelage avec le village de Mohamed Mbougar Sarr va nous dynamiser. L'autre bonne nouvelle : on a décidé de nommer des ambassadeurs pour Trou-d'Eau-Douce. Le premier ambassadeur, c'est Philippe Rey. Il a accepté. On lui remettra ses insignes en mars prochain. Il est chargé de promouvoir Trou-d'Eau-Douce, à la fois le village et le festival. Ce qu'il fait avec grand coeur. C'est aussi son village. J'en ai parlé à d'autres auteurs. Ils ont d'abord rigolé et puis ils m'ont dit qu'ils seraient des ambassadeurs avec grand plaisir.

Le festival commence-t-il à bien s'implanter dans son village ?

Il faut toujours être patient, avancer à pas prudents. L'année prochaine, c'est l'Inde et la littérature indienne qui seront à l'honneur. Mais quel que soit le pays invité, Japon, Inde, États-Unis ou Sénégal, il y aura toujours une part importante accordée aux écrivains mauriciens, ainsi qu'aux auteurs et éditeurs de l'océan Indien. Nous sommes ouverts à toutes les langues, à toutes les cultures. Nous les respectons toutes. Vendredi soir, Yusuf Khadel a lu un extrait de son premier recueil de poésie en créole, LaviWilson Bégué.

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Pourquoi l'Inde ?

J'hésitais entre l'Ukraine et l'Inde. Avec le comité organisateur, nous en avons discuté. On fait l'Europe cette année, ce serait bien de se tourner vers l'Asie. La deuxième raison c'est qu'il faut unir le pays. w La littérature sert aussi à cela : unir un pays ? Oui, c'est une trêve pendant un long week-end. La littérature, c'est l'âme d'un pays.

Le village a-t-il bien accueilli cette manifestation littéraire ?

Trou-d'Eau-Douce est un village à tradition orale. Pour tous ceux issus de cette tradition orale, le livre est sacré, il fait un peu peur. C'est un village où les gens de ma génération sont pour la plupart analphabètes. Vendredi soir, Joyce Mootoo, une habitante de Trou-d'Eau-Douce, a dit que pour la première fois de sa vie elle avait acheté un livre (voir hors-texte). C'était Riambel de Priya Hein. Il faut aller dans cette direction. C'est le fondement de la manifestation. Je donne toujours comme modèle le festival Jazz In Marciac (NdlR, créé en 1978). Les gens de Marciac n'écoutaient absolument pas le jazz. Maintenant, c'est 225 000 visiteurs par an.

Combien d'habitants sont impliqués dans l'événement ?

Dans l'organisation, il y en a une vingtaine. Sans compter les jeunes qui participent aux lectures. Il faut toujours commencer par les jeunes. Ceux qui ont 15 ans maintenant auront 18 ans en 2025. Là on verra vraiment les jeunes deTrou-d'Eau-Douce. Les vieux, le livre cela ne les intéresse pas trop. Le plus important, c'est la programmation, que l'on ait des auteurs phares. Qu'est-ce qu'on connaît de l'Inde ? Le cinéma, qui, à mon avis, n'est pas terrible. On connaît les chansons, qui sont quelques fois belles. La littérature indienne est immense. Amitav Ghosh, ce n'est pas n'importe qui. Arundhati Roy, Jhumpa Lahiri, Amit Chaudhri sont des grands. Et les écrivains indiens sont un peu partout : en Inde, en Afrique du Sud, en Angleterre, aux États-Unis, en France.

Les noms que vous avez cités, ce sont ceux qui seront là l'an prochain ?

Ce sont ceux que l'on va inviter. Notre horizon, c'est d'inviter des grosses pointures qui ont toujours un lien avec l'île Maurice. Cette année par exemple, Nicolas Cavaillès a écrit deux livres sur Maurice. Sylvain Prudhomme a vécu trois ans à Maurice et y a passé son bac au Lycée Labourdonnais. Anne- Sophie Stephanini a publié Polyte de Savinien Mérédac. Amitav Ghosh a écrit Sea of poppies, qui se passe à Maurice.

Parlez-nous de la dimension commerciale du festival.

Pour l'économie locale c'est important. Que ce soit les restaurants, les maisons qui sont réservées depuis plus d'un mois. Même le boutiquier m'a dit qu'il a fait un stock de certains produits.

Les livres se sont bien vendus ?

Il y a eu une petite connerie. Les libraires et distributeurs auraient dû commander beaucoup plus d'exemplaires de La plus secrète mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr. Les Éditions Le Printemps ont apporté 40 exemplaires qui sont tous partis (NdlR, constat à samedi soir). Priya Hein a vendu plus de 100 exemplaires de Riambel au stand de Bookcourt. Caroline Laurent (NdlR, auteure de Rivage de la colère, sur l'exil des Chagossiens) a aussi vendu pas mal de livres. Donc, ça marche.

Joyce Mootoo : "C'est la première fois que j'achète un livre"

"C'est la première fois de ma vie que j'achète un livre. Ce qui a déclenché cette envie : une séance de lecture de Priya Hein, des extraits de 'Riambel'. Dès que j'ai entendu le texte, cela m'a donné envie de savoir de quoi parle le livre. J'avais envie de prendre le livre et je l'ai fait. J'ai déjà commencé à le lire." Témoignage de Joyce Mootoo, 37 ans, habitante de Trou-d'Eau-Douce.

L'année dernière, lors de la première édition du festival, elle avait participé à une séance de lecture d'Edouard Maunick. Cette année, elle a participé à la Nuit de la lecture. "L'année dernière, je me disais que je dois lire, mais pas avec l'amour que j'ai ressenti cette fois-ci. C'est comme une gourmandise. Je veux savoir de quoi parle la prochaine page. Je n'avais jamais ressenti cela avant."

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