Tchad: Investiture du président de la transition tchadienne - Gloire éternelle à sa majesté déby ii !

Président du conseil militaire de transition au Tchad, Mahamat Idriss Deby,
10 Octobre 2022
analyse

A l'issue du Dialogue national inclusif dont la clôture est intervenue en fin de semaine dernière, la transition au Tchad est entrée, hier 10 octobre 2022, dans une seconde phase.

Ce avec la prestation de serment de Mahamat Idriss Deby devant la Cour suprême et un parterre d'invités de marque dont des chefs d'Etat de la sous-région d'Afrique centrale.

Une seconde phase qui durera vingt-quatre mois conformément aux conclusions du Dialogue national souverain qui a aussi donné son quitus et les pleins pouvoirs à Deby fils pour conduire la barque de cette transition à bon port, c'est-à-dire jusqu'aux élections générales censées signer le retour du pays à l'ordre constitutionnel.

La cerise sur le gâteau est la possibilité offerte à Deby fils de se présenter aux élections à la fin de la transition. Si ce n'est pas un boulevard ouvert au jeune général pour perpétuer la dynastie Deby au pouvoir, cela y ressemble fort.

Car, on ne voit pas comment le jeune chef de l'Etat tchadien qui a succédé à son défunt père dans les conditions que l'on sait, pourrait échouer à se faire élire au terme de la transition si tel est son vœu, dans une sous-région de l'Afrique centrale qui passe pour un conglomérat de cancres de la démocratie qui n'ont pour règle d'or que le principe selon lequel on n'organise pas des élections pour les perdre.

On voit mal Mahamat Idriss Déby se battre pour prendre la succession de son père dans le seul but de gérer une simple transition

Il n'est donc pas étonnant qu'une flopée de chefs d'Etat de la CEEAC (Communauté économique des Etats d'Afrique centrale), au nombre desquels le Congolais Denis Sassou Nguesso, aient accouru à l'investiture de leur pair tchadien.

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Et avec un tel entourage où derrière certains vieux dinosaures de la faune politique africaine, se cachent parfois d'indécrottables dictateurs, que peut-on espérer de mieux de Deby fils, qui ne trouve dans cet adoubement, la voie tracée pour marcher dans les pas de ses tristement célèbres aînés ?

Car, comme l'enseigne la sagesse africaine, " la gueule-tapée ressemble à son trou ". Et on voit mal Mahamat Idriss Déby se battre pour prendre la succession de son père qui aura régné sur son pays trois décennies durant, dans le seul but de gérer une simple transition.

Gloire éternelle donc à Sa Majesté Deby II qui sera parvenu à ses fins, en se hissant au forceps à la tête de l'Etat tchadien par le truchement d'un dialogue national souverain destiné à donner toute la légitimité populaire à son pouvoir.

Et tant pis si certains de ses compatriotes ne sont pas satisfaits des conclusions du dialogue national, encore moins de cette prestation de serment devant la Cour suprême, visant à enrober les choses du vernis de la légalité constitutionnelle.

Et tant pis aussi si l'Union africaine qui a décliné l'invitation à la cérémonie d'hier, a brillé par l'absence de son président de la Commission à cette cérémonie d'investiture. Laquelle absence est loin d'être anecdotique.

A long terme, on peut se demander s'il n'y a pas lieu de crever l'abcès d'une gouvernance qui aspire aux standards démocratiques

Car, au moins, l'institution panafricaine sera restée, pour l'histoire, en phase avec ses propres principes, pour s'être clairement prononcée en amont contre la prolongation de cette transition.

Mais on ne peut pas faire abstraction de la responsabilité de Paris dans le couronnement de Deby fils à la tête du Tchad, à cette étape charnière de la vie de cette nation. Car, en adoubant le fils à la mort du père en violation flagrante des règles de succession démocratique, la France a ouvert la voie à la pérennisation d'une dynastie.

Et tout porte aujourd'hui à croire que le dialogue national souverain qui s'est voulu inclusif sans y parvenir, ne visait qu'un seul objectif : celui de légitimer le pouvoir de Mahamat Deby à la tête du Tchad. Cetes, dans l'urgence et à court terme, Mahamat Deby pouvait passer pour la plus grande garantie de stabilité pour un pays comme Tchad engagé dans la lutte contre le terrorisme dans la sous-région ouest-africaine et confronté à une rébellion interne qui avait clairement le pouvoir de Ndjamena dans son viseur. Mais, à long terme, on peut se demander s'il n'y a pas lieu de crever l'abcès d'une gouvernance qui aspire aux standards démocratiques mais qui a encore bien du mal à se départir de ses relents dynastiques.

Et ce, sur fond de jeu trouble de l'ancienne puissance coloniale qui n'a jamais caché son soutien aux Deby, depuis le père jusqu'au fils. C'est dire si au Tchad comme dans bien d'autres contrées du continent noir, la Françafrique est loin d'avoir poussé son dernier soupir.

Une donne qui est loin d'échapper à une jeunesse africaine avide de changement et qui nourrit de plus en plus de ressentiments contre la France accusée, à tort ou à raison, d'être à l'origine de bien des malheurs des Africains.

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