Nommé, cette année, Ambassadeur du Sénégal en République populaire de Chine, Ibrahima Sory Sylla compte mettre l'accent sur la promotion des investissements à travers la vulgarisation des grands projets du Plan Sénégal émergent (Pse) auprès des décideurs et du secteur privé chinois. Il est revenu, dans l'entretien accordé au " Soleil ", sur la situation des Sénégalais établis en Chine.
Vous venez de prendre fonction comme Ambassadeur du Sénégal en République populaire de Chine. Quelle sera votre feuille de route afin de dynamiser les relations entre les deux pays ?
Lors de l'audience qu'il a bien voulu m'accorder après m'avoir nommé en qualité d'Ambassadeur du Sénégal en République populaire de Chine, le Chef de l'État, Son Excellence Macky Sall, m'a rappelé son attachement à la relation sino-sénégalaise avant de m'instruire de la renforcer et de la diversifier, avec un accent particulier sur le financement des projets à travers un investissement productif.
Je mesure donc l'importance de la tâche qui m'est confiée et consistant à examiner, avec le Gouvernement chinois, les institutions financières, les entreprises publiques et le secteur privé chinois, comment contribuer davantage au financement du développement du Sénégal dans un esprit de partenariat gagnant-gagnant. L'accent sera donc mis sur la promotion des investissements à travers la vulgarisation des grands projets du Pse II ; sur les avantages comparatifs du Sénégal en termes d'attractivité économique et sur l'établissement de joint-venture entre les secteurs privés sénégalais et chinois dans des secteurs économiques prioritaires au Sénégal.
Il existe déjà un substrat fertile pour le renforcement de la coopération sino-sénégalaise qui a déjà connu des motifs de satisfaction sous la houlette de mon prédécesseur, l'Ambassadeur Mamadou Ndiaye, qui a fait un excellent travail en portant notre coopération bilatérale à un niveau qualitatif. Avec le soutien de mes collaborateurs, je compte m'inscrire dans la continuité et repousser encore plus loin l'horizon de la coopération sénégalo-chinoise.
Enfin, la co-présidence du Forum de la coopération sino-africaine (Focac), à Beijing, constitue l'autre priorité de mon action diplomatique avec la coordination de 53 pays africains accrédités en Chine pour tirer le meilleur profit de la coopération entre la Chine et l'Afrique. Nous ne ménagerons aucun effort pour y parvenir.
Le Sénégal co-préside le Focac avec la Chine. Peut-on savoir les grands axes de la coopération entre nos deux pays ?
Élevée depuis septembre 2016 au niveau de Partenariat stratégique global, la relation sino-sénégalaise, sous l'impulsion des Présidents Macky Sall et Xi Jinping, constitue un motif de très grande satisfaction reconnue d'accord-parties. Sur le plan politique, nos deux pays ont une convergence de vues sur la plupart des questions internationales d'intérêt commun.
Ce dynamisme est perceptible à l'aune de la fréquence des visites de très hautes personnalités. Ainsi, le Président Macky Sall a effectué trois visites officielles en Chine, respectivement en 2014, 2016 et 2018, et son homologue chinois Xi Jinping a effectué une mémorable visite officielle à Dakar en 2018. Dans le même ordre d'idées, les hautes autorités des deux pays se consultent sur des questions et initiatives internationales majeures au sein de l'Onu, du G20 et celles relatives à la coopération sino-africaine.
S'agissant du cas particulier du Forum sur la coopération sino-africaine (Focac), une parfaite coordination est de mise entre les deux co-Présidents sénégalais et chinois. Entre autres temps forts figure la tenue de la huitième Conférence ministérielle du Focac, les 29 et 30 novembre 2021 à Dakar.
Au chapitre de la coopération économique et financière, le partenariat sénégalo-chinois a été à la base d'importantes réalisations parmi lesquelles l'on peut citer le parc industriel de Diamniadio dont la seconde phase est en cours de réalisation, l'autoroute Ila Touba , l'autoroute Thiès-Mbour-Aibd ; l'autoroute en construction Mbour-Fatick-Kaolack ; la réalisation de 251 forages dans le cadre du volet hydraulique de la phase 3 du Programme d'urgence de développement communautaire (Pudc) ; l'aménagement hydro-électrique de Gouina ; l'Arène nationale de lutte ; la réhabilitation du barrage d'Affiniam ; l'équipement de la Brigade nationale des sapeurs-pompiers ; la construction du Pont de Foundiougne Nelson Mandela ; la construction du Grand Théâtre national ; la réalisation de l'Hôpital pour enfants de Diamniadio ; l'Institut Confucius de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar ; les phases I et II du réseau national de l'intranet gouvernemental ; le data center de Dakar ; le Musée des civilisations noires ; l'acquisition de 406 minibus et de 235 bus en faveur de " Dakar Dem Dikk ", le don de 500 000 doses de vaccin anti Covid-19 et d'équipements médicaux ; la réhabilitation des 11 stades régionaux et du stade Léopold Sédar Senghor ; la rénovation et l'agrandissement du réseau de distribution de l'électricité à Dakar. D'autres projets structurants verront bientôt le jour au Sénégal grâce au dynamisme de notre coopération avec la Chine.
Quelle appréciation faites-vous de la coopération entre la Chine et le Sénégal ?
C'est une coopération exemplaire, dynamique et multiforme. Le visage du Sénégal, grâce à l'action du Président Macky Sall, est en train de changer aujourd'hui et la coopération sino-sénégalaise y contribue grandement. La moitié des infrastructures que le Sénégal a pu réaliser pendant cette décennie a été financée par la Chine et l'Empire du Milieu est, aujourd'hui, le deuxième partenaire commercial du Sénégal.
Aussi, 80 % des exportations d'arachide sénégalaises vont sur le marché chinois. Et bientôt les tourteaux d'arachide et les produits halieutiques bénéficieront de cette opportunité d'exportation vers la Chine. Notre action diplomatique en Chine sera axée, au-delà du maintien de la qualité déjà excellente de nos relations de coopération multiforme, sur la promotion des investissements privés chinois au Sénégal, car notre pays est attractif et suscite un engouement du secteur privé chinois que j'ai commencé à rencontrer pour les accompagner dans ce processus, en relation avec les autorités sénégalaises compétentes.
De même, il existe de nombreuses potentialités d'investissement provenant des différentes provinces chinoises vers le Sénégal. Dans ce cadre, celles du Sichuan et de Shandong, avec lesquelles le Sénégal a signé des accords de partenariat économique, sont ciblées pour concrétiser cette option d'investissement.
Pour mémoire, les investissements actuels du secteur privé chinois au Sénégal concernent des domaines variés tels que la pêche, l'agriculture, la fabrication des matériaux de construction, la transformation industrielle et le textile.
Peut-on avoir une idée de la diaspora sénégalaise établie en Chine en termes de nombre et d'activités dans lesquelles sont versés ces Sénégalais ?
Sur la base des estimations de l'ambassade, il y a actuellement près de 250 Sénégalais en Chine contre 500 en 2019 avant la pandémie de Covid-19. Vous comprenez donc qu'il y a une baisse de la présence de nos compatriotes en Chine du fait que beaucoup d'entre eux, y compris des étudiants, au plus fort de la pandémie, avaient décidé de quitter le pays.
L'ambassade, en relation avec les autorités chinoises compétentes, œuvre à faciliter leur retour en Chine, qui passe par la délivrance de visas. Promesse a été faite dans ce sens par les autorités chinoises compétentes et nous espérons qu'une solution définitive sera trouvée à cette situation qui est partagée par toutes les communautés étrangères résidentes en Chine. À préciser que la ville de Guangzhou est actuellement le lieu de résidence principale, car près de 80 Sénégalais y sont présents et sont actifs dans l'import-export.
La loi pénale est d'application stricte en Chine et avec la barrière de la langue des compatriotes en viennent à avoir maille à partir avec la justice chinoise. Combien de Sénégalais sont, à ce jour, en détention et pour quels délits ?
De façon générale, retenez que la communauté sénégalaise est bien intégrée en Chine et dans la société chinoise depuis les premières générations de résidents qui se sont établis à Guangzhou, Yiwu et Beijing, la plupart exerçant des activités commerciales et participant ainsi à l'essor de développement économique et social au Sénégal. Cette frange constitue, en quelque sorte, la vitrine du Sénégal en Chine. Ces compatriotes constituent, en effet, le lien entre les milieux d'affaires chinois et sénégalais et méritent donc d'être soutenus par les autorités sénégalaises.
Je me réjouis d'ailleurs de la décision du Directeur général du Conseil sénégalais des chargeurs, Mamadou Ndione, relative à l'ouverture de bureaux de représentation du Cosec à Guangzhou et Yiwu pour accompagner les opérateurs économiques et chargeurs sénégalais et dynamiser les échanges commerciaux entre la Chine et le Sénégal. Dans le même sillage, il faut saluer la décision prise par le Président Macky Sall de faire ouvrir un Consulat général du Sénégal à Guangzhou pour mieux prendre en compte la promotion et la protection consulaire de nos compatriotes.
Il faut aussi ajouter que cette communauté sénégalaise qui inclut également une composante estudiantine parle, pour la majorité d'entre eux, le mandarin de façon acceptable et est consciente de la nécessité de respecter, en bons citoyens, les lois et règlements en Chine. Et je suis heureux de dire que la réputation de notre communauté en Chine est des meilleures, car elle est disciplinée et travailleuse. Et l'Ambassade est rarement saisie de cas impliquant nos compatriotes sauf s'il s'agit de questions liées à la régularisation de leur séjour en terre chinoise. Je saisis cette occasion pour les appeler à respecter les délais prescrits en matière de séjour, car les lois et règlements chinois en la matière sont d'application stricte et ne souffrent d'aucune exception. À la date d'aujourd'hui, il n'y a aucun Sénégalais dans les liens de détention en Chine.
